Paris perdus, Paris enchanté, Paris dédaigné, Paris instrumentalisé

La décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale a inauguré une série d’événements qui ont attiré les regards sur Paris pendant ces 12 derniers mois.

Avec la dissolution de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron a perdu son pari et une bonne partie de son pouvoir à Paris. Même s’il lui reste, domaine réservé ou non, la possibilité de jouer un certain rôle sur la scène nationale et internationale.
Présomptueux, après l’échec aux élections européennes, il pensait avec la dissolution améliorer sa situation parlementaire. En fait, il a transformé sa majorité relative en minorité absolue !
Il a pu malgré tout, démocratie française, nommer deux premiers ministres successifs issus des groupes parlementaires les plus faibles !
Le gouvernement se trouve face à un Himalaya de problèmes que François Bayrou doit résoudre avec ceux qui les ont créés : soutiens des gouvernements du président Macron, 5 ans avec une majorité parlementaire absolue, 2 une majorité relative et toujours avec Bruno Le Maire, ministre aux affaires économiques, financières, à la relance, la souveraineté industrielle, au numérique...

La triste situation politique et la perspective de mesures douloureuses n’ont pas empêché les spectateurs et téléspectateurs de France et d’ailleurs d‘être enchantés par le spectacle des Jeux olympiques insérés dans l’écrin des monuments parisiens. Épreuves sportives, cérémonies d’ouverture et de fermeture ont été un succès à la fois culturel, historique, national, international.
Certains ont rappelé au spectateur Emmanuel Macron qu’ils n’oubliaient pas sa responsabilité dans leur situation !
Les Français ont une raison supplémentaire d’être ravis par les J.O. : fait rare, le Comité d’organisation annonce un excédent de 76 millions d’euros dont 80 % iront au sport français (Libération 10/06/24) !

Emmanuel Macron doit être crédité d’une promesse tenue : la reconstruction de Notre-Dame de Paris en 5 ans. Son engagement personnel a joué un grand rôle dans le respect de ce délai, même s’il ne faut pas oublier tous ceux qui ont participé à cet immense chantier.
L’inauguration a eu lieu en présence de nombreuses personnalités, chefs d’État, de gouvernement, monde des affaires…
Avec une absence remarquée : le pape François a préféré, à la pompe des princes, la rencontre, une semaine plus tard, du peuple catholique de Corse. Il a souhaité, par un message lu lors de l’inauguration, que la cathédrale accueille généreusement et gratuitement les visiteurs, recadrant la ministre de la culture qui voulait instituer une entrée payante… Il a rappelé que l’essence de Notre-Dame n’était pas le tourisme, la culture ou les rencontres politico-mondaines mais religieuse pour une foule de toutes conditions, religions, langues et cultures… invitant tous les baptisés à se réapproprier leur héritage de foi.
Comme François n’est pas venu en France en chef d’État du Vatican, Emmanuel s’est précipité en Corse pour offrir à son pasteur le livre officiel de la restauration Rebâtir Notre-Dame de Paris et une édition ancienne de Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres de Charles Péguy.

À l’inauguration de N-D, une partie importante des élites nationales politiques, financières dont des mécènes ayant contribué à sa reconstruction étaient présentes.
Vincent Bolloré n’était pas là ! Classé parmi les 10 personnes les plus riches de France et dans les 250 du monde, catholique bien connu, mécène d’œuvres religieuses, il n'aurait pas contribué financièrement à la restauration de la cathédrale. Propriétaire d’un empire médiatique très important, souvent associé à une influence idéologique d’extrême droite aux discours conservateurs, nationalistes et xénophobes.
Ceci explique-t-il cela ?

Les Jeux olympiques et l’inauguration de Note-Dame ont donné à Paris une visibilité exceptionnelle. La victoire écrasante du PSG sur l’Inter de Milan aussi.
Il n’est pas besoin de voir les affrontements sur les Champs pour évaluer sa popularité à Paris, dans sa banlieue, en île de France et sur tout le territoire ou... presque. L’importance de la victoire du PSG ne se résume pas à son triomphe. Ce n’est pas qu’une victoire sportive.

La victoire du PSG est-elle celle de Paris ? Le PSG est-il parisien ?

L’entraîneur est espagnol. Sur les 11 joueurs de l’équipe, 2 sont français, ont été formés à Angers et à Rennes, 1 est italien et les 8 autres de diverses nationalités. Dans l’équipe milanaise, jouaient aussi 2 Français avec 4 Italiens et des joueurs de 5 autres nationalités.

Cette comptabilité d’apothicaire, teintée d’un chauvinisme tempéré, ne choque pas les bruyants manifestants des Champs. Le PSG est une équipe de mercenaires, une équipe parisienne de mercenaires. C’est la règle dans toutes les équipes depuis l'arrêt Bosman de la Cour de justice des Communautés européennes en 1995. Et le mercato qui demande des fonds importants ! Ceux du pétrole ou du gaz, par exemple !

Le PSG est une équipe parisienne qui appartient au Qatar par le canal de Qatar Sports Investments (QSI) depuis 2011. Cette acquisition s’inscrit dans une stratégie de séduction, d’influence (soft power). Le Qatar continue d'investir pour le PSG avec le nouveau centre d’entraînement de Poissy (2023), le projet d’un nouveau stade… Et dans l’immédiat, l’espoir d’un nouveau succès à la Coupe du monde des clubs qui a bien commencé pour le PSG, 4 à 0, contre l’Atlantico de Madrid, aux États-Unis.
Occasion pour le PSG de populariser la marque à une autre échelle.

Le Qatar ne limite pas ses investissements dans le football au PSG. Il a acheté une part minoritaire du club portugais de Braga en 2023. Son président augmente son influence personnelle au-delà du football français, président de l’Association européenne des clubs (ECA). membre, depuis 2019, du comité exécutif de l’Union des associations européennes de football (UEFA)…
Le football n’est pas le seul investissement sportif du Qatar. QSI et la NBA parlent de créer une franchise à Paris, de la ligue de basket nord-américaine en Europe.

Les investissements du Qatar ne se limitent pas au domaine sportif (1).
La France est la deuxième place européenne, après le Royaume-Uni, pour les investissements qataris. Dans de nombreuses entreprises, notammentl’aéronautique, le luxe, l’énergie, la grande distribution, les médias. Et encore, dans l’immobilier... Champs-Élysées, Madeleine, place Vendôme, le long de la rue Saint-Honoré...

Dans un secteur politiquement sensible, bien différent, le Qatar a joué le rôle significatif de principal bailleur de fonds des Frères musulmans, notamment dans l’Hexagone par Qatar Charity et autres organisations qataries. C’est au Qatar que se sont abrités pendant des années les Frères musulmans qui étaient dans l’opposition dans d’autres pays arabes.
Le Qatar joue un tôle de médiateur avec les Frères musulmans. Et aussi avec le Hamas dont il abrite la branche politique et auquel il apporte un soutien idéologique, financier et diplomatique, avec l’accord discret de beaucoup de monde...
Le Qatar sait aussi faire de vrais cadeaux, moins discrets quelquefois, comme un Boeing à Ronald Trump !!!

Pétrole et intelligence diplomatique donnent aux dirigeants qataris un certain pouvoir d’influence.

Les douze prochains mois ne mettront probablement pas Paris sous des projecteurs aussi intenses et divers. Le PSG va tenter de prolonger son succès européen à la coupe du monde des clubs de la FIFA. Jusqu’à la finale du 13 juillet à New-York ? Et concurrencer sur les Champs le traditionnel défilé du 14 juillet ?

S’inspirant des J.O., la dernière étape du Tour de France grimpera 3 fois à Montmartre avant son arrivée traditionnelle sur les Champs-Élysées ! Paris doublement à l’honneur !

Les Parisiens et les Français se contenteraient bien de ces deux moments sportifs. Ils ne sont pas à l’abri d’une nouvelle dissolution ou d’une démission présentielle.

Beaucoup plus facile à prévoir, Emmanuel Macron leur laissera la facture de ses 10 ans de présidence. De son côté, il sait que, pour trouver du travail, il lui suffira de traverser la rue.

1 - Le Monde du 14/06/25 publie un important article sur le Qatar..