Paris zlatane son titre

par LM
mardi 14 mai 2013

Quelques dizaines de blessés, quelques dizaines d’arrestations, une péniche restée à quai, des magasins pillés : le PSG fêtait son titre, hier, à la maison.

Paris est magique. Tragique. Pathétique. Qatar ou pas, rien ne change du côté du Paris Saint Germain, qui avait ressorti hier ses plus beaux habits de défaite : petits voyous, grands ultras, petites frappes sans étiquette, on se serait cru de retour au bon vieux temps des virages Auteuil et Boulogne, mortifères tribunes du Parc qui ont semé le trouble longtemps avant qu’un président courageux décide d’y passer le karcher. Et cette saison, il est vrai, tout s’est plutôt bien passé à l’intérieur du Parc des Princes, comme à l’extérieur d’ailleurs, avec un ambiance plutôt bon enfant, un peu plan plan c’est vrai, mais au moins suffisamment sécurisante pour que ceux qui souhaitent venir en famille au stade puisse le faire tranquillement. Oui mais voilà, hier, les nouveaux propriétaires milliardaires du PSG, ont voulu le Trocadéro, la tour Eiffel en arrière plan, un podium, les hourrah d’une foule conquise, avant d’achever la démonstration par une descente de la Seine en péniche, rien que ça. Sauf que bon Paris c’est Paris, et que le Trocadéro n’a pas mis longtemps à se transformer en manifestation d‘agriculteurs en colère, enfumé et ultra tendu, bientôt violent, peuplé pour une bonne partie de supporters authentiques, et pour une autre bonne partie de gros crétins authentiques aussi, venus juste là pour provoquer les maigres forces de l’ordre présentes pour la photo. Les qataris, peut-être naïfs sur ce coup, devaient croire que le PSG triomphant transcenderait les clivages, dissoudrait les derniers irréductibles abrutis, alors que l’on sait très bien que ces gens là ne font que guetter le moindre évènement public pour pointer le bout de leurs Nike et tout casser.



C’était assez étonnant à voir, quand même, sur les chaînes d’info en continu, tous ces petits ânes en train d’escalader un échafaudage place du Trocadéro, sans qu’aucun mouvement ne soit identifié du côté des forces de l’ordre, et au bout de quelques longues minutes un speaker qui prend la parole pour avertir qu’il y avait un risque de voir la structure métallique s’effondrer si plusieurs personnes s’avisaient d’y monter. Précaution oratoire inutile, les ascensions continuaient, avec une banderole « liberté pour les ultras » déployée pour toute revendication. Pendant ce temps, le bus avec les joueurs tarde à venir, menace même de ne plus venir vu les problèmes, arrive finalement, les joueurs sur l’estrade quelques minutes, vaguement heureux, vaguement inquiets, vaguement partis en catimini ensuite, réfugiés finalement au Parc des Princes, à bouffer des pizzas en attendant le bon moment pour pouvoir rentrer chez eux. N’importe quoi ! Du grand délire, suralimenté par les commentaires ampoulés de journalistes sur place qu’on aurait dit par moment en train d’assister à la chute d’un dictateur d‘une république bananière. On surjoue à mort chez les envoyés spéciaux, certains qui ne cachent pas leur inquiétude ou leur peur, comme le journaliste d’itélé, pris à parti par deux ou trois racailles et qui choisira quelques minutes plus tard de se carapater. En parallèle le long cortège mi-festif mi-funèbre de Manchester, partagée entre la joie d’un nouveau sacre et l’immense tristesse de la retraite de Ferguson, ces milliers d’anglais tous en rang, tous très sages, dix fois plus nombreux que les parisiens, mais tellement habitués aux titres aussi, qu’à force, ils y vont comme à la messe, dirait-on. Ces deux images mises côte à côte présentaient un tel contraste que c’en était presque drôle.

Alors la faute à qui ? Pas à l’arbitre pour une fois. Sans doute un peu au PSG, qui a oublié, dans l’euphorie peut-être ou dans la folie de grandeurs qui l’enivre depuis l’arrivée des qatari, qui a oublié donc qu’il était aussi né dans les coups de pompe dans la tronche de CRS, dans le sang et les larmes souvent, dans les insultes racistes, les cris de singe et les saluts nazis. Sans doute aussi à la Ligue de Football Professionnel, qui ne sert à rien, évidemment, mais qui dès qu’elle le peut démontre son incompétence. A la préfecture de Police aussi, qui a juré hier ses grands dieux qu’elle a fait ce qu’elle a pu mais qui refuse d’admettre qu’elle a en quoi que ce soit sous estimé la dangerosité de la manifestation. Au ministère de l’Intérieur également, comment Manuel Valls et ses services ont-ils pu laisser organiser un tel raout dans un tel endroit, le Trocadéro, absolument pas adapté ? Bon certes, il était peut-être occupé ailleurs, mais quand même, il a sans doute comme chacun vu les images en direct, le Trocadéro enfumé et des CRS invisibles ou inactifs. Pourquoi ? Qu’attendaient-ils ? Est-ce que c’est là l’image d’une société adulte, gérée, qui a évolué vers le mieux ou au contraire le énième cliché d’une société scindée en deux, ou en trois, ou en quatre, avec ses marges qui systématiquement, depuis des décennies, traversent le périphérique pour casser des vitrines ? Cette étrange combinaison d’incompétence, d’impréparation ou d’improvisation laisse pantois : il ne s’agit pas là d’un sacre inattendu ou surprenant mais au contraire d’un succès prévu et anticipé depuis dix mois ! Valls ne doit pas être abonné à BeInSport. Et puis bien sûr la faute aux acteurs de ces troubles, à ces bandes organisées qu’on a vu piller même un bus de touriste, se précipitant vers la soute à bagage tels des sous alimentés sur un sac de riz. Pitoyable.

Avec tout ça, on a raté la croisière en péniche. Une saison à attendre pour finalement rester à quai. Leonardo a dû se retourner sur son lit d’hôpital et Zlatan pester contre un pays qui, décidément, ne respire pas le football.


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