Partie de poker pour Borloo qui pourrait être contré par DSK

par Bernard Dugué
vendredi 8 avril 2011

C’est certain, l’élection de 2012 va livrer un sacré suspense et devenir carrément imprévisible, avec le spectre de 2002 planant sur cette France qui se cherche et ne sait pas quelle politique elle veut pour l’avenir. L’éventuelle candidature de Jean-Louis Borloo indique que les lignes ont à nouveau bougé pour revenir à la case 2007 et le centre de jouer à nouveau la stratégie de la troisième voie. L’attraction exercée par Nicolas Sarkozy s’est inversée en répulsion. Les classes dites populaires vont voir chez Marine, alors que l’électorat centriste pourrait se déplacer vers Borloo mais il n’est pas certain que Borloo puisse ratisser plus largement que Bayrou en 2007 ce qui laisse très incertaine la présence au second tour du centre à moins que la candidature de Hulot ne vienne troubler encore plus le jeu, auquel cas tout devient possible. En plus, si Bayrou se présente, il y a peu de chance qu’un candidat centriste arrive au second tour, ni même en troisième position. Dans l’émission d’Arlette Chabot, on a pu constater un positionnement identique entre le Borloo de 2011 et le Bayrou de 2007. La seule différence étant que l’expérience sarkozienne est passée par là si bien qu’il sera délicat à Borloo de critiquer la majorité actuelle alors qu’il en fit partie et de ce fait, doit assumer le bilan. Mais l’homme à la mèche rebelle sait manier la belle rhétorique et saura se mettre en avant, lui et ses lieutenants car ce n’est pas un point de détail, le centre droit avance uni, avec des membres du Nouveau centre et du Parti radical. On sent bien que Bayrou risque de se trouver un peu désarmé avec un Modem qui s’est effiloché depuis le succès électoral de 2007. A voir tous ces mouvements de politiciens on se demande si ces gens sont au service d’un pays qui cherche sa voie ou bien se préoccupent de leur avenir politique et jouent aussi une comédie du pouvoir que les médias ont rendue assez spectaculaire, pour ne pas dire théâtrale. Mais sur ce point, il se peut bien que les Français soient aussi lassés de la télé réalité que de ces numéros politiciens devenus assez habituels et convenus.

Les téléspectateurs ont pu voir frétiller dans l’assistance les Cavada, Morin et autres Breton venus applaudir la prestation de leur mentor. La légitimité d’une candidature au centre ne fait pas de doute si on la jauge à la mesure des anciens scrutins des années 1970 et à la tradition politique de droite. Sur le fond, les mêmes questions se posent, sur le ressort qui anime ces politiciens dont on peut dire qu’ils sont insondables. Qui peut prétendre connaître le pourcentage de sincérité dans leur démarche. Sont-ce leurs propres convictions qui servent leur passion pour le pouvoir ou bien l’inverse, l’amour du pouvoir qui autorise de transiger avec ses convictions ? Parfois la vérité est dans l’entre-deux, avec des convictions qui changent, non pas selon la mécanique de la girouette qui cherche à épouser le vent porteur, mais selon la nécessité sous-tendue par une prise de conscience soudaine sur des conjonctures nouvelles imposant de revoir ses orientations. Le monde change, il faut bien changer pour mener les politiques adéquates visant à réagir au réel ou mieux encore, à le conduire vers un état de civilisation inédit servant l’humain. A ces questions, chacun aura sa réponse en fonction de la personnalité considérée.

Une chose est certaine, le monde en crise et chaotique déteint sur la vie politique française qui risque de voir se dessiner une élection à haut risque car tout est envisageable, surtout dans le contexte du nucléaire et des peurs écologiques qui pourraient placer Nicolas Hulot au second tour face à une Marine Le Pen propulsée par la double crise de l’immigration et de l’économie européenne. Les gauches et les Verts ont environ un réservoir de 46 points contre 54 pour les trois droites, populiste, majoritaire, centriste. Ce qui une fois le partage effectué, accorde entre 17 et 20 points pour chacun des cinq prétendants au second tour que sont Le Pen, Sarkozy, Borloo, Aubry (Hollande) et Hulot, avec 10 à 12 points partagés entre le NPA et le Front de gauche. Ensuite, tout dépend qui viendra troubler ce jeu auquel s’inviteraient un Bayrou ou un Villepin. Menteur ou pas, ce sera un jeu de poker, surtout pour le centre qui s’il veut s’imposer, peut et doit rassembler en son sein Villepin et Bayrou dont les aventures en solo sont vouées à l’échec. On peut affirmer sans se tromper qu’un ticket centriste réunissant la République solidaire de Villepin, le Nouveau centre de Morin, le Parti radical de Borloo et le Modem de Bayrou, aurait toutes ses chances au second tour.

Rarement une élection aura été aussi étrange, avec un long round d’observations, de tergiversations, de combinaisons virtuelles, d’explorations, durant presque un an, avec comme objectif la mise en place des formations et dans le courant de l’automne 2011, la désignation définitive des bolides politiques prêts à se lancer dans la campagne. Une fois la candidature de Hulot annoncée, la course sera éclaircie. Il n’y aura que deux incertitudes, l’une sur l’écurie du centre qui ne peut espérer gagner qu’en étant uni, et sur la monoplace choisie par le PS pour espérer gagner. Et comme le dit l’adage, tous les vainqueurs d’une présidentielle ont passé le premier tour. Chose devenu incertaine pour toutes les formations alors gageons que le PS risque bien de se soumettre au sondages et de faire appel à DSK dont on voit mal comment il perdrait les primaires compte-tenu des dangers évidents de se trouver comme en 2002, voire même pire, avec un Hulot opposé à une Le Pen. Les électeurs des primaires ne sont pas fous.


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