Partis politiques : appel à de nouvelles pratiques
par Denis Szalkowski
lundi 22 février 2010
Alors qu’Europe Ecologie avait créé une nouvelle espérance pour les déçus de la politique, le comportement de l’appareil Vert à l’occasion des élections régionales nous aura permis de comprendre la grande illusion dont nous avons été collectivement victimes. Pour autant, cette expérience, au même titre que le sont Désirs d’avenir de Ségolène Royal ou Terre démocrate de Corinne Lepage, doivent nous amener à repenser un nouveau mouvement politique, qui ne doit pas se résumer à une simple écurie présidentielle, et une manière plus « coopérative » de faire de la politique !
Le choix du parti politique
Lors de l’université de Nîmes les Verts/ Europe Ecologie en août 2009, les débats autour du futur statut d’Europe Ecologie ont vite tourné court pour arriver à la conclusion qu’Europe Ecologie devait rester un réseau. Les Verts ne voulaient pas entendre parler de création d’un nouveau parti politique dans la perspective des régionales de 2010. Du coup, des milliers de personnes qui avaient milité au sein du mouvement se sont retrouvés sans structure abritante, sans visibilité institutionnelle.
La constitution française de 1958, dans son article 4, reconnaît le rôle électoral des partis : "Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage." Europe Ecologie n’est plus un parti depuis le 7 juin 2009. Il n’est qu’un logo, qu’une enseigne qui répond à la seule logique du marketing électoral. Une association n’a pas la même visibilité qu’un parti politique. Qui, dans le grand public, a entendu parler de Pascal Durand ou bien du président d’Europe Ecologie ? Le choix de la forme du parti est une contrainte institutionnelle forte. Pour autant, ce sont les pratiques à l’intérieur des partis qui restent les plus importantes. Les partis sont devenus des prisons identitaires, des machines à "tuer" là où ils doivent retrouver leur vocation à permettre l’acceptation de la nécessaire pluralité des points de vue, des différences, de la diversité et de l’altérité. Ils doivent redevenir des espaces communs dans lesquels l’esprit de camaraderie doit l’emporter sur toute autre considération !
La multi-appartenance
C’est l’un des concepts pivots d’Europe Ecologie. Devenu parti politique le temps de la campagne européenne, le rassemblement a permis aux adhérents Verts et ceux de Régions et Peuples Solidaires de disposer de la double appartenance de fait. Pour autant, à l’occasion des régionales, Eric Loiselet et Stéphane Gatignon ont dû quitter respectivement le Parti Socialiste pour le premier et le Parti Communiste Français pour le second. Pourquoi ? Tout simplement parce que la double appartenance exige que les autres partis politiques l’acceptent dans leurs propres statuts ! Et franchement, quel pourrait être l’intérêt d’un parti dominant tel que le Parti Socialiste de permettre à ses adhérents de se présenter sous les couleurs d’un autre mouvement ?
La multi-appartenance existe dans la vie politique française : CAP21 et le MoDem, le Parti Radical Valoisien et l’UMP, l’AEI qui fédère GE, le MEI et la FEA jusqu’en 2012. Les statuts d’un nouveau mouvement doivent permettre l’adhésion directe et aussi l’adhésion indirecte sans que les membres des partis associés subissent la double peine en matière de cotisations.
Pas de collèges, pas de consensus, pas de cooptation
La constitution de collèges qui permettent à l’image des Verts au sein d’Europe Ecologie d’exercer une domination sur l’ensemble du mouvement est à proscrire. Un homme... une voix !
De la même façon, le vote doit constituer la base de toute décision collective. A tous les niveaux. Le consensus est un mode de gouvernance qui fige les positions. Il est un outil qui permet à une minorité influente, bien organisée d’exercer le contrôle de fait d’un mouvement politique. Nous avons pu en mesurer toute la nocivité au niveau des CAP régionaux.
Quant à l’idée que l’adhésion, à l’image de ce qui se passe chez les Verts, fasse l’objet d’une recommandation, cela répond davantage là-encore à la volonté de contrôle d’un appareil et d’une minorité. La cooptation comprend en elle les germes d’une véritable séctarisation d’un mouvement politique.
Cotisations et contrat d’engagement
L’idée de Corinne Lepage de conditionner l’adhésion à un engagement sur des propositions est extrêmement novatrice. Elle constitue une rupture profonde avec la vision d’un engagement monétisé sous forme de cotisations. Les cotisations doivent rester totalement volontaires. Les partis politiques disposent aujourd’hui du financement public et aussi d’une partie des indemnités de fonction que leur reversent leurs élus. La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 qui a créé le fonds de dotation, une nouvelle structure à personnalité morale et à but non lucratif, permet beaucoup de souplesse quant au financement d’un mouvement politique !
Organisée à l’image de la fabrique qui dissocie les décideurs des exécutants (la tête et les jambes), la structure traditionnelle du parti privilégie la passivité et le consumérisme politique. Chaque adhérent doit pouvoir s’engager à un niveau qu’il est le seul à définir, en totale autonomie, au travers d’un contrat d’engagement militant annuel assorti d’un rapport d’activités militant annuel.
Le retour de l’éthique
Stéphane Hessel le rappelait récemment : "la politique doit cesser d’être une course aux privilèges et aux avantages." Il y aurait beaucoup à dire sur la réalité du pouvoir politique dans nos sociétés dites modernes, très largement instrumentalisé par le pouvoir financier et économique. Pour autant, les partis sont des réservoirs à "malins" égo-centrés et pervers pour lesquels la conquête du pouvoir est devenue une fin en soi, un moyen de reconnaissance sociale... un moyen de gagner sa vie.
Il faut changer la donne de façon profonde en remettant l’éthique au cœur de la politique et de nos pratiques. Le 1er axe, c’est de mettre de la transparence sur des mécanismes de fonctionnement qui en manquent singulièrement. Quel risque y a-t-il à dire ce que l’on fait dès lors que l’on fait ce qu’on a dit ? Les pratiques et les idées sont faites avant tout pour être partagées. Le 2e axe, c’est de faire le choix des mécanismes coopératifs dans la relation aux autres. Le monde politique doit en finir avec des pratiques basées exclusivement sur le rapport de forces et la domination. Le 3e axe, c’est la cohérence ! Cohérence entre l’engagement et la réalité de comportements et de pratiques. Il faut en finir avec un mode de représentation et des représentants qui ne représentent plus qu’eux-mêmes !
Modes d’organisation
La réforme de l’organisation territoriale de la France rend aujourd’hui caduque les structures des partis qui, à l’image du Parti Socialiste, s’organisaient sur le modèle de l’administration française telle qu’elle fut pensée en 1789 ! Par ailleurs, la mobilité professionnelle ne permet plus - ou très difficilement - un engagement militant sur la durée. Il faut permettre aux militants d’adhérer aux travers d’une organisation thématique et non plus exclusivement territoriale. La disparition à terme de l’échelon départemental suppose une segmentation à 4 niveaux :
- communauté de communes ou d’agglos
- région
- France
- Europe
L’équation la plus compliquée est sans nul doute de concilier, dans les pratiques, engagement, cohérence, responsabilité, autonomie et initiativisme. Dans l’organisation politique traditionnelle, le militant est irresponsable par nature. La monopolisation de la parole par les élus amène les mouvements politiques à se transformer en simples regroupements aux intérêts convergents. Il faut en finir avec les pratiques de ces politiques qui parlent pour ne rien dire ou qui ne savent même plus de quoi ils parlent. Pour rompre avec ce modèle, la parole et le porte-parolat doivent pouvoir être partagés sur la base de la compétence, de la motivation, de l’engagement et du territoire afin d’y associer le plus grand nombre !
Il en va du projet comme de la parole. Là-encore, il faut rompre avec les pratiques récentes qui font qu’il est l’œuvre exclusive de spécialistes et d’experts sous le contrôle d’une minorité d’élus qui se partagent l’influence au sein des partis. Les militants doivent être étroitement associés à la réalisation du projet afin qu’ils se l’approprient. Comment comprendre et expliquer un projet devant des citoyens si vous n’y avez pas été associés sous une forme ou une autre ? Ce sont eux qui boîtent et distribuent sur les marchés. Pas les experts ! Pas les élus !
Vote électronique
Dans un texte récent, Gaby Cohn-Bendit a évoqué cette piste afin de permettre un engagement militant à géométrie variable. Aguerris par leurs pratiques associatives, professionnelles, politiques ou syndicales, certains orateurs provoquent un état de sidération de leur auditoire. Du coup, les personnes présentes lors de ces réunions et assemblées générales en oublient de réfléchir. L’orateur entraîne l’adhésion du plus grand nombre à un point de vue auquel les personnes présentes n’auraient pourtant pas souscrit spontanément.
La démocratisation d’Internet fait qu’aujourd’hui, malgré toutes les réserves que l’on peut exprimer, il est tout à fait possible techniquement d’utiliser le vote électronique dans le cadre de la vie démocratique d’un parti politique. C’est une piste extrêmement intéressante dont il nous reste toutefois à fixer les conditions techniques de son utilisation afin de garantir la sincérité du vote.
Voici quelques pistes.