Pas de pitié pour Izia ?
par gruni
mardi 11 juillet 2023
Vous pouvez considérer que la chanteuse et compositrice Izia Higelin est douée d'un vrai talent musical, ou ne pas être de cet avis, mais la question n'est pas là ! Les goûts musicaux comme l'art culinaire et la préférence pour certaines couleurs ne se discutent pas. Un peu comme en politique, à chacun ses idées même si celles-là se discutent. Voyons, pour quelles impérieuses raisons les chanteurs, les acteurs de cinéma et autres footballeurs ne devraient pas s'autoriser à donner leurs opinions sur la société, et bien sûr le président de la République ? Les nombreux artistes engagés dans le monde qui, loin de là ne sont pas tous d'aujourd'hui, étaient et sont encore parfois censurés, voire martyrisés.
"Le déserteur", pour le plaisir de réécouter Joan Baez. Ce n’est qu’après la fin de la guerre d’Algérie en 1962 que le public pourra écouter le message antimilitariste de Vian.
Tout n'est pas comparable, direz-vous avec raison, s'engager politiquement sur la société, l'écologie ou d'autres causes, ce n'est pas seulement sortir du texte pseudo-révolutionnaire sur scène.
Essayez d'imaginer de nos jours une réincarnation d'un Boris, Ukrainien ou Russe, appeler sans risquer un grave problème de santé, les soldats au front à l'insoumission ?
Certains penseront que les artistes feraient mieux de s'occuper de leurs affaires, encore récemment Marion Cotillard a créé une fois de plus polémique dans le rôle d'une femme adepte du "faites comme je dis, faites pas comme je fais". Encore du "de quoi je me mêle", après les déclarations de Mbappé suite à la mort de Nahel. Le parfait exemple du but raté, alors que l'effet recherché était l'apaisement. Avec en prime un carton jaune d'une majorité de la population opposée aux propos de la star. Pourtant, tout le monde donne son avis sur les réseaux, mais les joueurs de l'équipe de France devraient seulement avoir le droit de gagner leurs matchs, et celui de se taire ?
Certes, on attend l'éclairage des grands écrivains, ceux-ci étant considérés comme des lanceurs d'alertes dont le "J'accuse" peut faire trembler les puissants. Mais, on apprécie moins l'avis des artistes qui profitent de leur notoriété pour faire de la politique et parfois soutenir un candidat à la présidentielle. Pas vrai cher Johnny, fan de Sarko !
Ce 6 juillet, sur la scène du festival "Les Nuits guitares" à Beaulieu-sur-Mer (Alpes-Maritimes), la chanteuse qui sait pourtant que les banlieues sont chaudes en ce moment, s'est lancée dans une performance diversement appréciée sur le lynchage imaginaire du président de la République. Le chef de l'État appréciera...
"Je le connais, quelle coquine celui-là, il s’est dit là, ce qui serait bien, je pense que ce que le peuple veut, ce dont le peuple a envie, c’est qu’on m’accroche à 20 mètres du sol telle une pinata humaine géante, et qu’on soit tous ici présents munis d’énormes battes avec des clous au bout comme dans Clockwork Orange [Orange mécanique, ndlr]. Et là, on le ferait descendre […] et on aurait tous notre batte avec nos petits clous, et dans un feu de Bengale de joie, de chair vive et de sang, on le foutrait à terre, mais gentiment tu vois…"
Pour autant, fallait-il l'intervention abracadabrantesque des gendarmes du roi, repartis bredouilles sans l'insolente.
Selon le maire LR de Beaulieu, Roger Roux, pour Nice Matin.
« Elle aurait été exfiltrée dans son bus. La réglementation fait qu'on ne peut pas y rentrer comme ça. Il y a eu de longues palabres entre le manager et la gendarmerie »
Quant à la chanteuse, elle a déclaré ironiquement : « Je vois déjà le gros titre de Nice-Matin demain : "Izïa appelle au meurtre de Macron" »
Interrogée par le Journal Ouest France, voici quelques extraits de ses réponses :
Vous considérez-vous comme une artiste engagée ?
"Je me considère comme une artiste, avec donc un engagement physique, vocal, spirituel, dans ma musique et ma manière d’aborder la scène, pour prendre du plaisir et en donner aux gens."
Que vous est-il passé par la tête la semaine dernière pour tenir de tels propos sur Emmanuel Macron ?
"Je suis bien désolée que cela ait été mal interprété, décontextualisé. À aucun moment évidemment, je n’ai voulu inciter à la violence ou à la haine. C’est une histoire, un liant improvisé et surréaliste entre deux titres qui parle de tout et de rien et qu’il ne faut surtout pas prendre au premier degré."
Regrettez-vous ces paroles ?
"Cela reste une histoire fantasmée, un moment partagé d’esprit libre, artistique. Ce n’est pas dirigé dans quelque direction que ce soit."
Mais vous rendez-vous compte de la violence des propos ?
"À aucun moment dans mes concerts, je n’incite à la violence ou à la haine. Ce sont toujours des lieux de bienveillance et d’amour, de folie et d’improvisation. C’est juste ça purement et simplement."
À lire Izia Higelin, comment ne pas se rendre compte qu'elle n'appartient pas au même monde que nous autres simples mortels, que voulez-vous, c'est encore une artiste incomprise. Le méprisant de l'Élysée devrait s'en rendre compte et lui pardonner son moment d'égarement.
N'empêche qu'Izia est sous le coup d’une enquête pour « provocation publique à commettre un crime ou un délit », de la part du parquet de Nice. L'infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.
Nous irons plutôt vers un simple rappel à la loi pour l'impudente rockeuse ?
Illustration de l'article - PHOTO MATTHIEU BOTTE LA VOIX DU NORD