Patrimoine des Français : montant et répartition

par Marcus Clams
mercredi 6 février 2013

 Si les média abordent souvent des sujets concernant les revenus des Français, il est moins fréquent de rencontrer des articles qui portent sur leur patrimoine. Cet article propose d'apporter quelques éclaircissement sur ce sujet, notamment sur le montant total et la répartition selon différents critères.

 L'analyse du patrimoine, et en particulier de sa répartition, n'est pas une chose aisée. Cet article se base sur deux sources : d'une part les comptes de patrimoine de la comptabilité nationale, qui présentent le patrimoine total des ménages [1], et d'autre part, l'enquête de patrimoine réalisée par l'INSEE [2] [3], qui se focalise sur la répartition du patrimoine. Comme la dernière enquête INSEE date de 2010, les chiffres de la compatibilité nationale de 2010 sont utilisés. Malheureusement les données ne se recoupent pas, les montants issus de l'enquête étant plus faibles que ceux de la compatibilité nationale (environ 35 % de différence). Dans une note explicative décrivant une méthode de réajustement [4], l'INSEE explique cet écart par une sous-évaluation des patrimoines des personnes sollicitées par l'enquête (consciente ou inconsciente), néanmoins les résultats sur la répartition du patrimoine ne sont pas remis en cause. Dans la suite de l'article, en cas d’ambiguïté, la source est précisée et le réajustement n'est jamais réalisé (données brutes).

 D'après les chiffres de la comptabilité nationale de 2010, les patrimoines des ménages représentent 10 000 milliards d'Euro, répartis en 7 250 milliards de patrimoine non financier, 3 950 milliards d'actif financier et 1 200 milliards de passif financier. La France compte environ 28 millions de ménages, soit un patrimoine moyen de 355 000 Euros. à titre de comparaison, la dette française représente en 2010 1 600 milliards d'Euro, soit 16 % du patrimoine des ménages.

 Pour analyser la répartition du patrimoine, l'INSEE divise la population en dix tranches par ordre croissant de patrimoine, des 10 % les moins riches vers les 10 % les plus riches. Dans une société parfaitement égalitaire, chaque décile posséderait 10 % de la richesse totale, dans une société parfaitement inégalitaire, les 10 % les plus riches posséderaient 100 % de la richesse totale. D'après l'enquête patrimoine, les 10 % les plus riches possèdent en France 48 % de la richesse totale. La moitié riche des Français (les cinq premiers déciles) possède 93 % de la richesse totale, il ne reste donc que 7 % du patrimoine à répartir sur la moitié la pauvre. À l'intérieur du décile le plus riche, les disparités sont très importantes. Les 1 % les mieux dotés possèdent 17 % de la richesse nationale, et les 5 % les mieux dotés possèdent 35 % de la richesse totale. La répartition de chaque décile est présentée dans le graphique ci-dessous.

 En valeur absolue (données non réajustées), l'enquête patrimoine révèle que la moitié des français possède un patrimoine net inférieur à 113 000 Euros (cf. le graphique ci-dessous). Les 10 % les plus riches ont un patrimoine net moyen de 500 000 Euros et les 10 % les plus pauvres un patrimoine net moyen de 1 600 Euros, soit un rapport 300 entre ces deux déciles, bien plus que les rapports observés pour les revenus (environ six).

 Toujours d'après l'enquête patrimoine (données non réajustées), la répartition du patrimoine selon la catégorie socioprofessionnelle montre aussi de fortes disparités (cf. le graphique ci-dessous). Les agriculteurs et les professions libérales possèdent, en moyenne, un patrimoine net supérieur à 700 000 Euro, alors que les ouvriers non qualifiés possèdent, en moyenne, un patrimoine net inférieur à 55 000 Euro (le patrimoine professionnelle est pris en compte pour le calcul).

 Enfin, de façon prévisible, la répartition en fonction de l'âge montre de grandes disparités entre les moins de 30 ans, qui possèdent en moyenne moins de 33 000 Euros de patrimoine net (données non réajustées), et les 60-70 ans, qui possèdent en moyenne 345 000 Euro de patrimoine net (cf. le graphique ci-dessous).

 Ces différentes données sur le patrimoine des Français laissent apparaître de fortes inégalités entre les citoyens. De plus, la comparaison avec l'enquête patrimoine précédente, datée de 2004, montre une augmentation de ces inégalités. Cette situation n'est plus tenable, il s'agit donc d'essayer d'inverser la tendance. Pour que la méritocratie ait un sens, il faudrait qu'en économisant chaque mois 10 % du double du salaire minimum pendant quarante ans il devienne possible d'atteindre le patrimoine moyen. Or, c'est loin d'être le cas (105 000 Euros contre 360 000 Euros). Ainsi, nous vivons dans une période où l'héritage constitue le paramètre principal pour édifier un patrimoine, largement devant le travail. Cette situation, en plus d'être injuste, asphyxie l'économie en étouffant la consommation car les citoyens dédient une part de plus en plus importante de leur revenu au logement. Par ailleurs, la bulle immobilière engendre une ségrégation spatiale nuisible au « vivre ensemble » et freine le basculement vers l'habitat écologique.

 Mais paradoxalement, cette situation demeure extrêmement stable. D'une part les citoyens à très hauts patrimoines sont très influents et peuvent freiner toutes évolutions, d'autre part la moitié riche des français, qui possèdent 93 % du patrimoine, à tendance à préfèrer le système actuel. Ainsi, on voit mal comment un parti pourrait être élu sur un programme proposant une meilleure répartition du patrimoine. Néanmoins, face à l'ampleur de la crise économique, le gouvernement aurait les moyens de faire preuve d'audace, et de prendre des décisions courageuses. À titre d'exemple, on pourrait imaginer les mesures suivantes :

Bibliographie :

[1] http://www.insee.fr/fr/themes/theme.asp?theme=16&sous_theme=5.4.2

[2] http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1380

[3] http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATnon04244

[4] http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=F1204


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