Pays-Bas : Même Une Politique du Centre Peut Etre Cool

par Logos
vendredi 17 mars 2017

A droite...la gauche

Le résultat des élections parlementaires du 15 mars aux Pays-Bas, est une victoire pour le premier ministre actuel, Mark Rutte. Bien que son parti, le VVD, demeure le plus grand parti politique du pays, malgré sa régression en termes du nombre de sièges obtenus, Rutte peut rencontrer des difficultés lors de la formation d’une coalition qui fonctionne. Il est probable que 4 parties politiques, à l'exclusion de Geert Wilders avec qui Rutte a promis de ne pas travailler, devront se réunir, prendre et donner, et chacun accepter les différences des autres, pour pouvoir former une coalition stable. Ceci prendra probablement des semaines, sinon des mois.

Bien que d'autres pays puissent se réjouir des résultats des élections aux Pays-Bas, il me semble que le paysage politique européen se décale de façon constante et sûre vers la droite de l’échiquier politique. C'est vrai pour les Pays- Bas, qui ont toujours été caractérisés par la modération, le dialogue et les compromis politiques. Trois enseignements se dégagent des résultats de mercredi. Le premier, c’est l'effondrement spectaculaire du parti travailliste traditionnel, le PvdA, qui obtient moins de dix sièges au parlement. Le second, c’est la prestation relativement faible du parti d'extrême-droite, le PVV, mené par le charismatique, et jusqu'ici craint, Geert Wilders. Enfin, avec un taux de participation de 82%, une augmentation de presque 10% par rapport à 2012, il semble que, contrairement à l'apathie répandue lors d'élections, les Néerlandais au moins, n'ont pas perdu leur intérêt pour la politique.

Il est clair qu'un grand nombre d'électeurs du parti travailliste traditionnel (PvdA) ontre porté leurs voix sur les trois partis du centre (CDA, D66 et CU). Les résultats des autres partis de gauche, Groen Links (parti vert) et le PS, n'ont pas pu compenser cette perte. Bien que le Groen Links augmente de façon significative le nombre de sièges obtenus, les partis de gauche sont en train de perdre une partie non négligeable de leur électorat à la droite. Il est intéressant que le PS, qui est en faveur d'un référendum pour modifier la constitution de l’Union européenne pour donner plus de puissance aux états membres, reste au même niveau qu’en 2012. De tous les partis politiques, le Groen Links est considéré comme le gagnant de la soirée électorale. Sa victoire semble être en vain puisque, même avec l'appui de l’un des partis centristes qui lui est plutôt favorable, la gauche dans son ensemble ne représenterait qu'un tiers des sièges au prochain parlement.

Wilders blessé

Le grand perdant est incontestablement Geert Wilders. Malgé la progression de son parti depuis 2012, il devait certainement espérer de meilleurs résulats. Peut-être aurait-il dû passer un peu plus de temps faisant campagne en plein air que derrière son ordinateur portable sur Twitter. En fait, sa campagne a été une grande déception. Plusieurs de ses réunions ont été annulées pour des raisons de sécurité, et les rumeurs courent suggérant qu'il n’aurait pas pu payer pour le maintien de sa sécurité. Même après avoir admis sa défaite, il a continué son addiction aux réseaux sociaux, en écrivant sur twitter que Rutte n'allait pas se débarrasser de lui si facilement.

Mais que penser de Mark Rutte ? Il y a un "je ne sais quoi" adroit chez cet homme politique. Il est tout à fait possible qu'il savait ce qu'il faisait. Il n’a certainement pas le panache d'un Wilders ou d'un Trump, mais il a l'intelligence de pouvoir se décaler vers la droite afin de résister aux vrais assauts de la droite extrémiste. Les remarques aigres-douces qu'il a faites à un ressortissant turc pendant le coup d’état avorté en Turquie, témoignent de sa souplesse politique. Le jeune homme, qui a également la citoyenneté néerlandaise, s’est montré ouvertement agressif envers une équipe de télévision qui rapportait les événements en Turquie. À la télévision hollandaise, Rutte a indiqué à ce jeune homme qu’il "n’a qu’à rentrer lui-même en Turquie, et qu’il aille se faire voir, comme on dit en argot de la Haye". Le commentaire avait provoqué une indignation au parlement, et même les membres de son propre parti pensaient qu'il était allé trop loin. Ainsi, l'ancien parlementaire Hans Wiegel, ancien leader du VVD, admet que l'excès verbal de Rutte "a manqué de tact". Plus recemment, la publication d'une lettre ouverte à la nation visant les étrangers "d'agir normalement ou partir", ainsi que sa décision de renvoyer les troupes d'Erdogan chez eux, ont probablement rassuré assez d’électeurs de droite, évitant ainsi une humiliation électorale que beaucoup avaient prévue.

La guerre contre l'extrémisme n’est pas terminée, mais une bataille a été gagnée. Wilders a été apprivoisé et l'Europe a été rassurée, du moins pour l’instant. La prochaine étape pour Rutte est de former une coalition stable. Cela ne sera pas facile, car Rutte a catégoriquement refusé toute participation de Wilders dans une coalition au parlement. Il devra tenir ferme envers la droite et s'adapter pour la gauche. Cela me rappelle mes premières classes de l’école secondaire dans les années 70. Les grands garçons, qui passaient leur bac et qui étaient bien plus grands que nous, volaient notre ballon pour jouer entre eux. Ils jetaient le ballon au-dessus de nos têtes, d’un coté de la cour de récréation à l’autre. Nous nous sommes rendu compte que la meilleure manière de récupérer le ballon n'était pas de leur courir après, mais de rester bien au centre et d’errer autour au milieu de la cour, tantôt vers la gauche, tantôt vers la droite. Cela a fonctionné, et c’était cool.

Neptune et les Hollandais

Il semble que la politique aux Pays-Bas fut également cool, jadis. Dans les années 70, les politiciens ne se sont pas trop inquiétés de leur image ni de leur productivité, mais ont juste travaillé le mieux qu'íls pouvaient, profitant de la vie. Hans Wiegel, 75 ans, était le chef du VVD de 1971 à 1982, et ministre de l’intérieur de 1977 à 1981. Il admet de n’avoir travaillé 50-60 heures en semaine que de temps en temps, et se rappelle avec nostalgie de l’époque où il esquivait le travail, prétextant d’avoir quelque chose de plus important à faire. "Je rentrais chez moi, je me versais un apéritif, et lisais à mon enfant une histoire pour le faire dormir. Beau non ? " Le problème avec la politique actuelle est que la plupart des politiciens ont perdu leur cool. L'extrémisme, l'intolérance et la bigoterie lui ont succédé. Pour presque chaque ordre du jour politique, c’est simple, "vous êtes ou avec nous, ou contre nous". Il n'y a rien entre les deux, et n'importe quelle discussion ou compromis devient inadmissible. La politique est devenue bipolaire. Cependant, la plupart des politiciens néerlandais pourraient être considérés pour comme l'exception qui confirme la règle. La nature même du système politique et l'essence des Néerlandais font que le dialogue et la tolérance sont les seules manières possibles pour faire avancer les Pays-Bas. C’est d’ailleurs ce qui m’a fait tant aimer ce pays, du jour où j'ai visité Amsterdam en 1998.

Le 15 mars, l'électorat néerlandais a voté avec son cœur, mais également avec sa sagesse. Theresa May et sa joyeuse bande de Brexiteers veulent donner l'exemple au monde, mais ils devraient prendre note de ce qui s’est juste passé à l’un de leurs petits voisins. Un pays qui a tenu ferme pendant des siècles, contre la puissance de Neptune et ses mers impitoyables, vient juste de tenir ferme contre l'extrémisme et la bigoterie politiques. Et ça, c’est vraiment cool.

 


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