Perquisition chez Mélenchon : la personne d’un parlementaire est-elle « sacrée » ?

par Martin de Wallon
jeudi 18 octobre 2018

Les perquisitions houleuses menées mardi 16 octobre au domicile de Jean-Luc Mélenchon et dans les locaux de son parti posent la question du statut du député face à la justice.

« Ma personne est sacrée, je suis parlementaire. » Lors des perquisitions qui se sont déroulées chez Jean-Luc Mélenchon et au siège de la France Insoumise (LFI), le leader de la gauche radicale a mis en avant sa qualité de député pour dénoncer l'action du procureur et des policiers. Lors de la diffusion d'une partie de la scène en direct sur Facebook, on le voit pousser le procureur et tenter de s'opposer, aux côtés d'autres membres de la France insoumise, à l'action des forces de l'ordre.

 

Alors, un député peut-il échapper à toute action intentée par la justice ou les forces de l'ordre au motif que sa personne serait sacrée et intouchable ? L'article 26 de la Constitution accorde bien aux parlementaires deux immunités : l'inviolabilité et l'irresponsabilité. L'inviolabilité protège le député de toute « mesure coercitive ». Lors d'une perquisition, un parlementaire est libre de s'en aller par exemple. Lors de la perquisition au domicile de M. Mélenchon, alors qu’un homme tentait de le contraindre physiquement à se déplacer, il a affirmé : « Ne me touchez pas. » L’inviolabilité interdisait-elle ce contact physique avec le parlementaire ? L'inviolabilité signifie qu’un parlementaire ne peut pas être placé en garde à vue, ni privé de liberté en général : elle ne signifie donc pas qu’il ne puisse pas être touché par un policier. « Les règles qui s’appliquent aux parlementaires sont les mêmes que pour vous ou moi. Les parlementaires n’ont aucun privilège particulier, tant qu’il n’y a pas de privation de liberté », explique le constitutionnaliste Bastien François.

 

À l'inverse, ce dernier ne peut pas user de sa qualité pour s'opposer physiquement à une procédure judiciaire, et encore moins pousser un procureur, comme on peut le voir faire au siège de LFI. « Cet acte a un caractère outrageant, estime un juge d'instruction. C'est comme si en plein procès, un prévenu se levait et allait frapper le président. S'il arrive régulièrement que des perquisitions soient mouvementées, en général, les gens n'osent pas s'opposer de la sorte. » Résister à un acte d'enquête est susceptible de poursuites, confie un autre magistrat. M. Mélenchon pourrait ainsi être poursuivi pour « menaces ou actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire et violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique ».

 

L'autre immunité dont bénéficie constitutionnellement le parlementaire est l'irresponsabilité, c'est-à-dire le fait qu'il ne puisse être poursuivi pour ses actes, votes et opinions liés directement à son mandat. Or, les perquisitions menées mardi ne relèvent pas de ces domaines, puisqu'elles concernent des emplois fictifs présumés et des comptes de campagne, et non des actions ou des paroles accomplies ou prononcées par M. Mélenchon dans l’exercice de ses fonctions de parlementaire. M. Mélenchon, en dénonçant les agissements d'une « police politique », laisse entendre que les perquisitions ont été menées en raison de ses actes de député de l'opposition. Il reprend ainsi à son compte un vieil argument : celui d'un complot ourdi par le gouvernement et une justice qui lui serait inféodée. « Le complot une accusation récurrente de la part des hommes politiques, regrette Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature. Nous souhaiterions une réforme qui mettrait fin à cette croyance que le gouvernement ordonne une perquisition. Il faudrait pour cela que les nominations soient transférées du garde des Sceaux au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). »

 

Une enquête sur des emplois présumés fictifs d'assistants parlementaires européens a été ouverte contre LFI en juillet 2018, après une dénonciation - via la procédure de l'article 40 - d'une élue FN, Sophie Montel. Une autre, en cours depuis le mois de mai dernier, concerne les comptes de campagne du candidat à la présidentielle du même parti afin de procéder à des vérifications sur près de 450.000 euros de dépenses litigieuses sur les plus de 10 millions d'euros dépensés. « Concernant les comptes de campagne pour l'élection présidentielle de 2017, la commission nationale des comptes de campagne a validé le 13 février 2018 les comptes de Jean-Luc Mélenchon sans aucune irrégularité. Ce n'est pas le cas pour ceux d'Emmanuel Macron pour lequel des irrégularités ont été notées. Afin de prouver publiquement son honnêteté, Jean-Luc Mélenchon a demandé le 8 juin 2018 le réexamen de tous les comptes de campagne », se justifie le mouvement.


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