Pétain réhabilité ?
par Grégoire Duhamel
vendredi 24 octobre 2014
L'ode Vichy zémourienne est elle recevable ?
Eric Zemmour a déclenché une polémique sur le régime de Vichy qui traduit une certaine cécité historique. En effet, si on peut à la rigueur prétendre que les premières mesures adoptées en 40 à l’encontre des juifs étaient limitées, quoique bien entendu déjà inacceptables, les secondes, de Mai 41, ne laissent aucune place au doute.
Par surcroit, le gouvernement de Vichy, entre Juillet 40 et Août 44 a instauré plus de 143 textes et décrets liés au statut juridique et social des juifs, ce qui montre à quel point il a été perméable aux thèses de l’occupant : Pétain ne peut être exempté de sa propre responsabilité.
Quelles sont les principales différences entre les deux lois de Vichy d’octobre 1940 et de mai 1941 ?
En octobre 1940, « est regardé comme juif, pour l'application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif. » En mai 1941, on étend la définition, et surtout Vichy adopte une extension très large des interdictions professionnelles : le « premier statut des juifs » de Vichy les excluait de la fonction publique au principal. Le deuxième statut allonge la liste des professions interdites et prévoit une restriction de principe pour l’accès à une « profession libérale, une profession commerciale, industrielle ou artisanale, ou une profession libre ». En 1941, pour permettre d’appliquer plus efficacement le « deuxième statut », est signée une seconde loi qui ordonne le recensement par déclaration volontaire de tous les juifs de France, sous peine de sanction (en 42 les allemands imposeront le port de l’étoile jaune, ainsi que l’interdiction de fréquenter des salles de spectacle, l'accès aux magasins de toute nature étant également prohibée pour eux en dehors de la période autorisée de 15 à 16 heures). La loi du 17 novembre 1941 étend encore la liste des restrictions professionnelles, et une série de décrets d’application fixe un numerus clausus de 2 % maximum de juifs pour les professions libérales : avocats, médecins, architectes, sages-femmes et pharmaciens, chirurgiens-dentistes, acteurs, chanteurs, etc.
Affirmer donc que Vichy a, en un certain sens, protégé les juifs français – sans parler de la suite, c’est à dire des déportations à partir de fin 42 - c’est passer en profit et pertes les lois instaurant la dégradation de citoyenneté de ceux-ci.