Pétition contre la guerre au Mali
par Luc-Laurent Salvador
jeudi 7 février 2013
« Le mensonge est l’arme la plus utile en cas de guerre. »
Ponsonby (Lord Arthur)
Une des pires choses qui puisse arriver à un être humain, c’est la perte de sens, le sentiment que tout devient incohérent au point d’en être incompréhensible. Quand la « dissonance cognitive » se généralise, quand le monde dans lequel nous vivons devient inacceptable, quand la sensation de perte de contrôle se fait permanente, la tentation du retrait sur soi est grande et peut aller jusqu’à des formes dépressives.
Or il me semble justement que nous vivons dans un monde qui devient de plus en plus clairement incompréhensible en dépit de la bonne soupe technoscience, consumérisme et air de la Marquise qu’on nous sert à longueur de temps sur les médias.
Rien de nouveau sous le soleil me direz-vous ! Certes, nous savons avec René Girard que le mensonge est à la base des civilisations humaines et, à l’évidence, il n’a fait que s’accroître au cours de leur développement. Tout se passe donc comme si, chaque année, il y avait de plus en plus de mensonges. On aurait presque pu s’y habituer, mais cette année, on dirait que les mensonges de l’an prochain sont déjà là... Autrement dit, ça suffit : ya basta !
Alors la question est, bien sûr : peut-on lutter ? Comment lutter ?
La première chose à faire, cela va de soi, c’est de s’informer, de prendre connaissance et conscience de tous les mensonges sur lesquels les puissants se sont accordés et qui font l’Histoire, celle qu’on nous enseigne. [1]
Mais nous le savons bien, la connaissance ne suffit pas, elle n’est rien sans l’action. Alors la question devient : que peuvent faire les hommes pour changer le cours des choses, avant qu’il ne soit trop tard ?
J’avoue n’en avoir à présent aucune idée. Ce qui veut dire que les moyens d’action à notre disposition ne me semblent porteurs d’aucun espoir. Les Indignés, les Occupy Wall Street, les Anonymous ont fait long feu. C’est du passé. Les peuples pris à la gorge sous la botte de la finance internationale ne bougeront pas car rester un travailleur pauvre et endetté[2] même ad vitam aeternam vaut toujours mieux que de devenir un révolutionnaire emprisonné pour dettes ou un fuyard abattu par un drone.
C’est dans ce contexte que se pose la question de l’attitude à avoir vis-à-vis de la guerre au Mali dans laquelle la France s’est lancée.
On pourrait s’en foutre et attendre que ça passe, comme la guerre en Afghanistan, en se racontant que ce sont des soldats professionnels qui sont envoyés là-bas.
Sauf que la guerre en Afghanistan avait au moins eu un prétexte crédible sur le moment : la guerre au terrorisme, après le 11 septembre, cela avait encore une certaine gueule.
Mais maintenant, douze après, alors que nous sommes une large majorité à savoir que tout n’était alors que mensonges sur mensonges, comment accepter que Normal 1er ose nous parler comme Bush fils d’une « guerre au terrorisme » et de « détruire » les djihadistes ici alors que là-bas ils sont nos amis et nous les finançons ? Comment ce moins que rien (pour qui j’ai voté afin de chasser l’autre et je suis bien content qu’on l’ait viré, j’assume), comment ce bloc de gélatine sucrée a-t-il l’audace de prendre à ce point les français pour des cons ? Ça ne vous donne pas la nausée ?
Vous sentez ma colère n’est-ce pas ? Elle n’est pas bonne conseillère, à ce qu’on dit, mais c’est quand même elle qui m’a portée à l’action. Et c’est ce dont je veux vous parler.
Encore une fois, je n’ai pas de solution et je ne dis donc pas qu’une pétition est une solution. Mais je pense que se donner le moyen de dire que l’on est pas dupe de la propagande des médias alignés, que l’on ne croit pas à la légitimité de la guerre au Mali, c’est s’opposer, même minimalement, aux avancées des puissances mensongères qui mènent la danse dans le monde financier, économique et politique.
Il suffit parfois de peu de choses. Nul ne sait jusqu’où peut aller une parole de vérité. Dans la fable de l’Empereur Nu, il a suffi du cri d’un enfant pour que les yeux de la foule s’ouvrent.
Concernant le Mali, il me semble que ce cri a été lancé le 17 janvier dernier par le député belge Laurent Louis qui s’est opposé au soutien de son pays à l’intervention guerrière de la France.
Voici, en dix points ce que j’en ai retenu (avec mes commentaires) :
- Depuis une bonne décennie, les guerres préventives au nom de la démocratie et de la lutte contre le terrorisme ont violé le droit international (ce sont des crimes de guerre depuis Nuremberg)
- La plupart des changements de régime soutenus par l’Occident ont amené au pouvoir des islamistes qui ont instauré la charia (songeons par exemple à la Libye)
- Les pays occidentaux (France et CIA en tête) soutiennent les terroristes djihadistes en Syrie
- Comment croire que ces rebelles islamistes soient nos ennemis au Mali ?
- La demande écrite d’un président malien illégitime car issu d’un récent coup d’état peut-elle suffire ?
- Cette intervention guerrière n’est-elle pas ce qui peut le mieux susciter une menace terroriste malienne sur le territoire national, menace inexistante il y a peu ?
- Est-ce que les visées anciennes du groupe Areva sur l’uranium malien ne seraient pas le principal motif de cette présence néocoloniale qui permettra une exploitation au meilleur prix pour... l’exploiteur ?
- Quid de l’or et des autres matières premières du Mali ? Les chinois nous feraient-ils si peur ?
- Comment Hollande ose-t-il dire qu’il veut « détruire » les terroristes ? Serait-il qu’il ne connaisse pas les conventions de Genève (ou feint-il de les ignorer pour poser virilement en guerrier farouche, comme son maître en la matière, G. W. Bush) ?
- Ne serait-il pas temps de sortir de l’OTAN, de l’ONU et même d’une Europe en train de devenir bras armé des « puissances (financières) de ce monde » (suivez mon regard tourné vers la Bulgarie...) ?
Je vous propose d’écouter sa remarquable intervention ici ou de la lire là. Ensuite, si vous le souhaitez, vous pourrez signer la pétition que j’ai lancée sur Avaaz. [3]
Bien qu’elle paraisse un misérable moyen bien incapable de changer quoi que ce soit, je vous invite à considérer le fait que dire simplement ce que l’on croit peut avoir un énorme impact, d’une part, sur les autres, par l’exemple donné, et d’autre part sur soi, car on peut conserver alors le sentiment de ne pas avoir été indifférent et d’avoir fait ce que l’on pouvait, aussi peu que ce soit.
Et comme disait ma sage grand-mère, quand on fait ce qu’on peut, on fait ce qu’on doit.
[1] A cette fin, je recommande les vidéos en ligne des historiens comme Henri Guillemin, Annie Lacroix-Riz, Marion Sigaud, Jacques Pauwels ou Paul-Eric Blanrue. Si vous ne l’avez déjà fait, cherchez, regardez, mais attention, ça décoiffe, dites adieu à vos illusions et naïfs idéaux de jeunesse...
[2] Voir ce bel article de Chris Hedges : « Breaking the Chains of Debt Peonage. »
[3] Alors oui, je sais, Avaaz fait partie des suspects. J’ai déjà écrit là-dessus. Mais même une pierre bancale peut servir d’appui au moment d’une traversée périlleuse. Il suffit juste de savoir à quoi s’en tenir