Plaidoyer pour l’Absentéisme

par Whackangel
samedi 3 mars 2012

Le 22 avril 2012, et très probablement le 6 mai 2012, reprendront les inlassables et interminables files de votants, prêts, convaincus, décidés de faire entendre leurs voix par le biais des urnes.

Mais voilà. Je ne ferais pas partie du lot.

Parce que choisir un représentant de la France et des Français n’a aucun sens, quand cette personne a une vie qui ne représente en rien celle des Français, ou, du moins, de la très grande majorité d’entre eux.

Parce que le principe démocratique d’une élection à deux tours est imparfait, partial et pénalisant. Prenons l’exemple des présidentielles de 2007 : Monsieur Nicolas Sarkozy remporte le premier tour à 31% et quelques des voix. Ce qui fait donc, en réalité, 31% de pleinement satisfaits à l’issue de la campagne - et je peine à croire que la cote de popularité du président sortant ait jamais dépassé ce seuil. Les voix des 69% restants ont-elles été entendues à un quelconque autre moment ? Quand on sait que 43% des votants n’ont choisi ni Monsieur Sarkozy ni Madame Royal au premier tour, on imagine que le deuxième tour n’a été pour eux qu’une contrainte supplémentaire.

Parce que, paradoxalement, le débat parlementaire pourrait faire office de tribunes, pour ces voix qui n’ont pas été entendues. Mais il n’en est rien. L’Assemblée Nationale est une vaste supercherie, les députés sont des mômes désabusés par l’illusion de toute-puissance que leur prodigue leur statut, leurs joutes orales continuelles ne passent le niveau des broutilles proférées dans les cours d’écoles que lorsqu’il s’agit de mieux plumer le contribuable. Quand on a l’opportunité de faire partie du lot de visiteurs de l’hémicycle, lors d’une séance ou d'une autre, on y voit un député qui expose son problème, son projet, sa requête, pendant que la majorité de ses collègues sera occupée, au choix, à le huer, à l’insulter, à lui crier des clichés éhontés en fonction de son appartenance politique, à lire son journal, ses textos ou ses mails, ou, le mieux, à faire sa petite sieste digestive, sous réserve qu'ils fassent acte de présence... Cautionner un tel comportement en votant pour des êtres aussi abjects ou leurs supérieurs politiques ne serait pas, à mon sens, rendre service à la République.

Parce que les multiples débats télévisés, où est donnée à chacun des candidats l’occasion d’échanger des idées avec leurs concurrents, ne sont que le pâle reflet de l’attitude des parlementaires mentionnée précédemment. Chaque candidat, imbu de sa propre image, de ses résultats dans les sondages, et de l’idée que son programme est à vénérer comme le saint Graal, s’adresse à son adversaire sans aucune forme de respect, ne prend pas la peine de l’écouter, l’infantilise, pendant que les présentateurs, au centre, comptent les points, sans même chercher à s’offusquer de la bassesse et de la suffisance des propos tenus. Cautionner cette attitude par mon vote revient à l’encourager, et à m’abaisser à ce niveau de stupidité sans égal. Je refuse.

Parce que ne se présente pas qui veut, ce qui prouve une nouvelle fois les limites du principe démocratique. Les petits candidats n’inquiètent personne, par trop de marginalité et d’utopisme. Les autres doivent se transformer en murène pour survivre à cette fosse qu’est la vie politique moderne, perdant au passage leur âme et l’humanisme de leurs idées. Ceux qui résistent au procédé sont moqués, décrédibilisés, menacés, voire éliminés. A ce titre, je citerais l’exemple du regretté Michel Colucci, dit Coluche, dont la carrière politique restera pour moi la véritable démonstration de l’exercice de la démocratie et du pouvoir. C’est parce que Coluche avait voulu écouter et proposer une solution pour les gens dans le besoin, et parce que ces gens-là étaient et sont toujours la vraie majorité, qu’il reste le seul qui aurait pu gagner une élection présidentielle dès le premier tour. Les vrais détenteurs du pouvoir n’ont pas pu souffrir qu’un trublion comme lui devienne un digne représentant du peuple français. D’une façon ou d’une autre, par un moyen qu’on ne découvrira sans doute jamais, il a été contraint d’abandonner, et son projet humaniste s’est révélé d’une autre façon, les Restos du Cœur. Je reste convaincu aujourd’hui que sa mort soudaine n’est pour autant pas accidentelle, et que les puissants n’ont pas pu apprécier, qu’à sa manière il ait pu « leur foutre au cul » malgré tout. Voter serait pour moi jouer le jeu des puissants ; et déshonorer la mémoire de ceux et celles qui les ont combattus.

Parce qu’il n’y a pas plus pédant, hautain et méprisant qu’un homme politique. Il n’a que faire des populations qu’il prétend servir. Ce mot, servir, sous-entend une notion d’humilité qui n’existe nulle part. Chacun est trop occupé à critique son voisin, son concurrent, son rival, plutôt que de balayer devant sa propre porte, et de reconnaître et d'assumer les casseroles qui traînent derrière eux depuis tant d'années.

Je vois déjà venir, outre nos chers amis les trolls de tous les horizons, d’un coté les fanatiques qui, les yeux embués d’émotion, me démontreront que leurs champions ne sont pas « comme ça ». A ceux-ci, je souhaite de tout cœur qu’ils aient raison ; nous en reparlerons dans cinq ans. De l’autre coté, les puristes, les défenseurs purs et durs de la démocratie et des droits de l’Homme, qui s’insurgeront contre le fait que mon message bafoue la mémoire de ceux qui, justement, se sont battus et sont morts pour cette même démocratie et ces mêmes droits de l’Homme. A ceux-là, je demande : avez-vous la réelle conviction d’être entendus et respectés dans vos droits les plus fondamentaux, dans votre liberté propre ? Permettez-moi d’en douter. Croyez-vous vraiment, si ces combattants de la démocratie voyaient le marasme politique et économique ambiant, qu’ils iraient reprendre inconsidérément la Bastille, pour reprendre les termes de Pierre Desproges ? Permettez-moi, encore une fois, d’en douter.

Oui, je ne voterais pas. Je refuse de cautionner une fois de plus un système clairement obsolète qui se refuse à adopter des solutions concrètes et efficaces. Le vote blanc n’étant pas directement pris en compte, peut-être que le silence de tous ceux qui veulent une alternative serait, paradoxalement, le plus strident des cris de détresse.

Enfin, pour les plus dubitatifs, je les laisse en compagnie, une dernière fois, de Coluche :

« La dictature, c’est ferme ta gueule ; la démocratie, c’est cause toujours ».

Tout est dit.


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