Abandonnons ces bas lieux qui ne nous apprennent rien sur les choses de l’esprit ! Tournons plutôt notre regard vers cette haute forteresse antique du Crest que les archéologues ne veulent toujours pas voir. Toujours dans la ligne de mon précédent article, je vous propose de poursuivre notre réflexion sur l’Atlantide vraisemblable du récit de Platon, et cela dans deux directions, l’une à partir d’autres textes que ceux que j’ai précédemment présentés, l’autre à partir d’une autre interprétation des vestiges archéologiques.
Les autres textes qui nous parlent des Atlantes.
C’est ici le lieu de parler des Amazones d’Afrique, car ceux-là se trompent qui croient qu’il n’y en a jamais eu d’autres que celles qui ont demeuré dans le royaume de Pont le long du fleuve Thermodoon. Il est certain, au contraire, que les Amazones de l’Afrique sont plus anciennes que les autres et les ont surpassées par leurs exploits (Livre III, XXVII).
Première remarque. Diodore de Sicile situe ces Amazones vers les extrémités de la terre, à l’occident de l’Afrique, au couchant d’un lac (Bin el Ouidane ?), au pied de la plus haute montagne que les Grecs appellent Atlas et qui domine sur l’océan. Les premiers peuples qu’elles attaquèrent furent, dit-on, les Atlantes (extraits). Voilà qui confirme mon interprétation du texte d’Hérodote que j’ai cité dans mon précédent article : les Atlantes se trouvaient de part et d’autre du détroit de Gibraltar. Les Amazones auraient été davantage à l’intérieur des terres (Diodore précise : dans le voisinage de l’Ethiopie. Pour ma part, j’extrapolerais jusque dans le voisinage du "pays des visages brulés".
Ces Atlantes étaient les mieux policés de toute l’Afrique et habitaient un pays riche et rempli de grandes villes. Ils prétendent que c’est sur les côtes maritimes de leur pays que les dieux ont pris naissance...Mon interprétation est la suivante : ces Atlantes, présents en Afrique, habitaient un pays qui est l’Europe occidentale. Pays riche rempli de grandes villes, ce ne peut être que le continent européen.
Deuxième remarque. Je passe sur la guerre qui a vu la victoire des Amazones sur les Atlantes. Je note avec une certaine stupéfaction qu’après avoir fait la paix avec eux, elles sont intervenues pour soutenir ces Atlantes (de Bibracte ?) contre les Gorgones (de Gergovie ?)... Gorgone est, selon moi, le nom et l’emblème de Gergovie, mais je ne sais pas si ces combats ont eu lieu en Afrique ou en Europe. Que ces Amazones aient été des femmes guerrières menant des troupes au combat, je n’en doute pas. Quant aux Gorgones, il me semble que ce nom doit plutôt désigner des combattants armés de boucliers ornés du terrifiant visage de la Méduse.
Troisième remarque. Et c’est là le plus fabuleux. Si l’on admet en effet mon interprétation, il faut appliquer le long développement que Diodore consacre aux Atlantes et à leurs dieux, non seulement aux quelques Atlantes d’Afrique mais globalement à tous les Atlandes de notre Europe occidentale. Et c’est ainsi que par un étonnant retournement, Diodore nous rend les illustres origines mythologiques pré-druidiques de notre histoire... Atlas, les Titans, les Atlantides, les nymphes, la connaissance astronomique, astrologique et divinatoire... Et aussi le Rhône nommé Eridan, confirmation de mon interprétation (qu’on ne vienne pas me dire, après cela, que Diodore place le Rhône en Afrique !). Mais le plus important est de retrouver le fil que nous avons perdu et de comprendre enfin ce qu’était un oppidum et quelle était son étonnante signification.
Une autre interprétation des vestiges archéologiques.
Une bonne traduction accompagnée d’une bonne interprétation des textes, la logique, notamment militaire, et ensuite seulement, une bonne interprétation des vestiges archéologiques, voici, à mon sens, les trois piliers de la recherche historique. Or, s’il est un mot sur lequel il n’aurait pas fallu se tromper, c’est bien celui d’oppidum. Les Anciens en ont donné plusieurs définitions. Si l’avocat Xavier Garenne, premier fouilleur du mont Beuvray, les avaient connues, il aurait tout de suite compris que ce qu’il appelait "citadelle" était en réalité l’oppidum, une enceinte en forme d’oeuf ouvert vers le ciel, fortification/refuge pour les citoyens de la ville et même de la cité... une trace que l’on s’est efforcé d’effacer pour y inventer à la place un camp romain auquel il a bien fallu renoncer quelques temps après devant le manque évident de preuves crédibles !!!
Ce type d’oppidum dont Garenne a retrouvé les contours en pays éduen, on le retrouve au Crest, la ville atlante vraisemblable, alias Gergovie selon moi. Grégoire de Tours nous dit que son mur, sans fioritures, avait dix mètres d’épaisseur. Mais ce type d’oppidum, on le retrouve aussi au Proche-Orient, notamment dans les vestiges de Tell Balata, l’antique Sichem, célèbre ville cananéenne de l’actuelle Palestine (cf. mon croquis). Particulièrement riche de significations, ce contour primitif en forme d’oeuf semble avoir évolué au cours du temps pour se rapprocher d’un ovale stylisé. Sur la mosaïque de Madaba, c’est un ovale qui entoure la Sion biblique.
Wikipédia écrit :
Cananéen peut en fait être considéré comme un synonyme de Phénicien, car les deux peuples parlaient la même langue et avaient les mêmes dieux.
Voilà ! La boucle se referme. Notre Europe occidentale, atlante, est née dans une culture phénicienne, autrement dit cananéenne, voire sémite
http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=21008. Elle a primitivement grandi dans cette culture. Et cela, à la différence du monde grec qui ne l’a reçue qu’après l’avoir épurée et repensée. Et c’est ainsi que dans la reconstitution géométrique que Platon a faite dans son Atlantide, l’enceinte sacrée en forme d’oeuf est devenue un cercle parfait entourant la ville et la cité un rectangle (mon prochain article).
Art grec ou art phénicien ?
Mais revenons au texte de Diodore de Sicile et à ce passage particulièrement important où il est fait mention des dieux. Comme nous avons fait mention des Atlantes, écrit-il, nous pensons qu’il ne sera pas hors de propos de rapporter ici ce qu’ils racontent de la naissance des dieux ; leurs traditions ne sont pas, à cet égard, fort éloignées de celles des Grecs. Les Atlantes habitent le littoral de l’Océan (comme je l’ai déjà expliqué, c’est la vision que pouvaient avoir les Grecs de la Gaule celtique), et un pays très fertile (notamment la plaine de la Limagne). Or ces Atlantes prétendent, écrit Diodore, que leur pays est le berceau des dieux...
Ô surprise ! Dans le jardin des hellénistes spécialistes de la Grèce antique, mère des arts, de la Culture et des dieux, c’est une sacrée pierre que Diodore balance. Et voilà bien le dilemme devant lequel nous nous trouvons ! Le vase de Vix est-il venu de Grèce ou de Gergovie ? Les amphores brisées du mont Beuvray sont-elles venues d’Italie ou du pays arverne ? Et celle que Vercingétorix a fait représenter au revers d’une de ses monnaies ? Une amphore romaine ? Certainement pas ! Et les nombreuses poteries, notamment vernissées à figures noires, que nous voyons défiler dans nos salles des ventes et dont nous ne connaissons que rarement l’origine, proviennent-elles de Grèce ou de notre vieux pays atlante ? Et ces scènes souvent représentées de combat où entrent parfois en conflit Athéna et Gorgone, n’illustrent-elles pas une rivalité et une concurrence entre deux mondes ?
J’ai commencé à douter de la fiabilité des tableaux de références des archéologues à l’occasion des débats au sein de ma société d’histoire dont je ne suis plus membre. Parce que la doxa imposait alors que la plupart des vestiges celtes de la Saône trouvaient leur origine, leur "invention" et référence, dans les sites de Hallstatt et de la Tène, et que je pensais le contraire. Parce que cette même doxa imposait que les Celtes établis dès le VIII ème siècle à Hallstatt ne s’étaient étendu en Bourgogne qu’au VII ème siècle, alors que ma pensée militaire me persuadait du mouvement contraire.
Oui, je sais que la pensée militaire que j’essaie de réintroduire dans le raisonnement de la recherche historique peut gêner ceux qui prétendent réécrire l’Histoire en se fondant sur leurs seules interprétations archéologiques, mais il faudra s’y faire. Le mot "celte" n’apparait qu’au VI ème siècle avant J.C. dans un texte d’Hécatée de Millet, et il ne désigne que les habitants de Bibracte/Nuerax que je situe à Mont-Saint-Vincent
http://www.bibracte.com/mon_histoire_de_la_gaule/de_la_veritable_origine_des_celtes.html. Ce n’est qu’ensuite que les auteurs grecs et latins ont étendu cette appellation aux peuplades sur lesquelles il leur semblait que Bibracte avait étendu son influence ou exercé son rayonnement. Et même Platon, lui aussi, globalise, quand dans son schéma guerrier, il imagine face à Athènes, un monde extérieur atlante dans lequel se trouvent les Etrusques.
Voilà comment le texte de l’Atlantide nous amène à revoir les origines de notre histoire "atlante". Mon prochain article sera consacré à la reconstruction mythique que Platon a imaginée à partir de ce substrat historique que j’ai cherché à mettre en évidence.
A suivre.
Extraits en partie de mes ouvrages.
Les croquis sont de l’auteur.