Politique de regroupement familial : le mensonge

par Voris : compte fermé
mercredi 13 juin 2007

Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale confirme entre les deux tours des législatives sa volonté de réduire la part de l’immigration familiale et d’encourager l’immigration économique, qui ne représente aujourd’hui que 7 % des flux migratoires vers la France. Auparavant, le candidat Sarkozy avait annoncé des réformes présentées comme audacieuses. Présentation fallacieuse des faits !

En annonçant que l’immigration économique ne représenterait aujourd’hui que 7 % des flux migratoires vers la France, Brice Hortefeux glorifie au passage la valeur travail mais il présente surtout le problème de manière peu honnête. Il veut certainement souligner que la situation aujourd’hui est due à un laisser-aller des politiques précédentes, et en mettant en avant ce chiffre de 7 %, insinuer dans les esprits qu’il y aurait 93 % d’immigration de paresseux ou de gens inutiles économiquement. Proportion qui, présentée ainsi sous l’apparence neutre et scientifique d’un chiffre statistique, peut s’imposer et effrayer. Mais, voyons ce qu’il en est !

- La mesure du problème : en 2005, il a été dénombré 135 890 étrangers provenant de pays autres que ceux de l’Union européenne. Sur ce nombre, 14 400 familles ont bénéficié du regroupement familial, soit 23 000 personnes. On voit que la question du regroupement familial est donc assez marginale. Les déclarations faites lors de la campagne avaient surtout pour but d’agiter les épouvantails habituels et de récolter des suffrages du côté des extrêmes droites.

- Le durcissement des conditions : Ici aussi on sera surpris d’apprendre que le durcissement annoncé est déjà dans la loi. Les propos de campagne de Sarkozy évoquaient l’exigence future de conditions comme la preuve que le demandeur dispose d’un logement et d’un emploi. Ces conditions figurent déjà dans la législation en vigueur. Et pour cause ! c’est Sarkozy qui les a renforcées par ses lois des 26 novembre 2003 et 24 juillet 2006. On notera donc qu’il serait idiot de dire que les gouvernements d’alors ont été laxistes !

- Mais alors, qu’est-ce qui va réellement changer ? La condition de ressources sera renforcée. Les revenus nécessaires pour faire venir sa famille devraient être augmentés, en étant ’’indexés’’ sur la taille de la famille. On assiste bien là à un nouveau durcissement. Cette disposition avait été supprimée par les parlementaires de la deuxième loi Sarkozy sur l’immigration, en 2006. Concrètement, il ne suffira plus de prouver l’existence de revenus du travail d’un niveau au moins égale au Smic mensuel. Il faudra justifier d’un minimum fixé entre 1 et 1,2 fois le Smic (hors allocations), en fonction de la taille de la famille. Rien n’empêche de penser d’ailleurs que ce seuil sera plus tard rehaussé. Peu à peu, les frontières ne seraient-elles ouvertes qu’aux riches ?

Avec la vague bleue de dimanche prochain, la mesure qui a été rejetée par un Parlement exprimant encore une certaine diversité (gaullistes, sarkozistes, centristes...) sera votée comme un seul homme, y compris par le prétendu "nouveau centre" qui s’est engagé à voter toujours dans le même sens. Elle passera comme une lettre à la poste.

Mais pour la politique de regroupement familial, ce sera semble-t-il la seule mesure importante. Et même sur un autre point la loi sera adoucie. Il s’agit du droit des demandeurs d’asile à un recours suspensif de 24 heures avant d’être éventuellement reconduits, droit qui sera rétabli parce que la France a été condamnée sur ce point par la Cour européenne des droits de l’homme.

L’avant-projet de loi devait être soumis au Conseil d’Etat le 12 juin. Mais au-delà du regard qui sera porté par la juridiction sur le texte et, plus tard par le Conseil contitutionnel, ne faut-il pas s’attendre à des condamnations de plus fréquentes de la part de la Cour européenne des droits de l’homme ? Cette tendance et l’agitation dangereuse, à des fins électorales, de certains thèmes alors que l’UMP a la victoire acquise et même largement, ne témoignent-elles pas d’un changement dans notre société, pour ne pas dire d’un glissement... ?


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