« Populisme de gauche », un miroir aux alouettes ?

par Clark Kent
mardi 18 septembre 2018

 

Resurgi du passé, investi de contenus ou d’interprétations qui lui étaient étrangères à l’origine, et repris jusqu’à l’indigestion par les politologues et les tribuns têtes d’affiches, le mot « populisme », comme tous les concepts fourre-tout à la mode voit son sens altéré, ce qui rend son usage ambigu, le dernier avatar étant la notion étrange et paradoxale de « populisme de gauche ». Mais ce glissement ne doit rien au hasard.

Sans s’appesantir sur ses origines historique, on peut constater qu’une caractéristique du mot « populisme » tient dans le fait qu’il peut avoir une connotation positive ou négative selon le locuteur, ce qui n’est pas rare pour un mot, mais qu’en outre, cette bivalence peut s’observer souvent chez le même orateur ou rédacteur, à droite et à gauche (pour autant que ces deux notions aient encore un sens).

La mode a commencé quand le terme « populiste » a été utilisé par la presse bien-pensante pour dénoncer la montée de la xénophobie d'extrême droite et ensuite, par capillarité, contre la « gauche » non libérale et non marxiste, comme substitut à l’adjectif « démagogique », par souci d’éviter les répétitions.

Se trouvent donc taxés de « populistes » tous propos hostiles aux politiques prônées par les partisans de la « mondialisation », qu’il s’agisse du parti Démocrate aux Etats-Unis ou des partisans de l’UE dans les pays européens. Ce qui est considéré comme « populiste » n’est pas le propos, mais le locuteur : la même idée concernant le flux migratoire et le contrôle des frontières sera qualifiée ou non de populiste selon l’orateur concerné.

Du coup, la récupération va bon train et, pour montrer son opposition aux politiques impopulaires de l’Union Européenne, des mouvements comme Podemos, Die Linke et maintenant la FI se réclament d’un « populisme de gauche ». L’étiquette semble aussi convoitée que le label « bio » dans l’agro-alimentaire, et partager avec ce succès marketing tous les ingrédients du faux-nez. Comme dans la grande distribution, le but essentiel du marketing politique est de capter une « clientèle » (comme par hasard, le terme convient aux deux domaines, commerce et électoralisme) qui a tendance à se fidéliser chez le concurrent, une stratégie dangereuse s’appuyant sur une analyse fausse qui consiste à croire que les électeurs « populaires » du PS ou du Parti Démocrate, déçus par l’inflexion droitière persistante, se seraient réfugiés chez Marine Le Pen ou Donald Trump.

Or, les « pauvres » ne votent pas pour les républicains ou le RN, ils ne votent plus du tout. L’erreur des stratèges qui remplacent un programme politique par un catalogue de produits promotionnels est de vouloir grappiller quelques voix égarées dans le camp adverse plutôt que de convaincre les nombreux abstentionnistes d’aller voter en proposant une véritable alternative.

Au lieu de cela, la « gauche », tente de se refaire une santé en retirant de sa vitrine tous les accessoires traditionnels de son fonds de commerce : on est insoumis et non plus révolutionnaire ou réformiste, on chante la Marseillaise et non plus l’Internationale, on arbore le drapeau tricolore et plus le drapeau rouge (par contre, on ressort le bonnet phrygien de 1789).

Le fondement idéologique des nouveaux « les populistes de gauche » en Europe reposent sur l’idée de remplacer la lutte des classes marxiste par la rivalité entre les personnes d'en bas et les « élites » d'en haut (idéologie d’ailleurs partagée par Macron lui-même), les riches contre les pauvres, 99% contre les 1% ». 

Ce changement d’attributs a été rendu nécessaire par la disparition de sens du mot « gauche » lui-même, phénomène lié à l’identification progressive des partis « réformistes » européens avec les idéologies et les systèmes économiques qu’ils prétendaient combattre.

Reste à savoir si une politique se construit sur la base de sondages d’opinions. Vouloir gommer la notion même de « classe sociale » pour la remplacer par « les gens » risque d’amener les orphelins de la classe ouvrière à grossir encore les rangs des abstentionnistes plutôt que de les attirer vers les chasseurs « de gauche » peu adroits et même un peu gauches dans le maniement des leurres.


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