Pour empêcher les attentats, il faut arrêter les guerres

par Clark Kent
jeudi 25 mai 2017

Il n'est pas rare, « dans les poulaillers d'acajou, les belles basses-cours à bijoux » d’entendre « la volaille qui fait l'opinion » se gausser du naturel et de la simplicité de celui qu’ils considèrent comme un extra-terrestre de la vie politique française : Jean Lassalle. Sans doute ces gallinacés considèrent-ils que la sincérité et le discernement n’ont rien à faire dans un microcosme où l’arrivisme et la complaisance sont de bien meilleurs armes pour faire son trou et accéder à la mangeoire pleine d’aliments complets pour poules pondeuses.

Pourtant, un message émis par Jean Lassalle pendant la campagne des présidentielles est tellement plein de bon sens (terme péjoratif dans les rédactions parisiennes) que l’éclairage donné par la tuerie de Manchester lui confère un relief particulier pour peu que l’on soit de bonne foi. Il avait déclaré : « Le sang qui coule appelle le sang qui coule. La France doit utiliser le fond de crédibilité qu’il lui reste pour devenir une maman de paix. Il faut poser un autre paradigme. L’actuel paradigme est une escalade permanente. Il y a un arc électrique de part et d’autre de la Méditerranée. »

Et en effet, la seule manière réelle d'arrêter les atrocités comme l'attaque de Manchester est de mettre fin aux guerres qui entretiennent les foyers générateurs de ces actes criminels.

Pour mettre fin à ces guerres, il faut un compromis politique entre les principaux acteurs comme l'Iran et l'Arabie saoudite, or les discours va-t-en guerre de Trump cette semaine rendent ce projet presque impossible à réaliser

Trump quitte le Moyen-Orient aujourd'hui, après avoir fait tout son possible pour diviser la région encore plus qu'elle ne l'était auparavant.

Au même moment où il traitait de « looser déséquilibré » le kamikaze de Manchester, il attisait les flammes du brasier allumé par Al-Qaeda et entretenu par le soi-disant »état islamique ».

Même si la distance entre le massacre de Manchester et les guerres au Moyen-Orient parait importante, l’arc électrique de Lassalle existe bel et bien, et la connexion est catastrophique.

Trump a condamné le « terrorisme » presque exclusivement à propos de l'Iran et, par conséquence, la minorité chiite dans la région, alors qu'Al-Qaeda se développait notoirement dans les pays du cœur sunnites et que ses croyances et pratiques proviennent du wahhabisme, la variante sectaire et régressive de l'islam répandue en Arabie Saoudite où il a été reçu comme un prince ou plutôt comme le VRP du plus gros fournisseur d’armes payable en pétrodollars.

Alors que tout le monde sait que la guerre au Yémen est financée par l’Arabie Saoudite, il n’a pas hésité pas à falsifier l’histoire et nier les évidences en déclarant devant une assemblée de 55 dirigeants sunnites à Riyad le 21 mai : "Du Liban à l'Irak au Yémen, l'Iran finance, arme et forme des terroristes, des milices et d'autres groupes extrémistes qui propagent la destruction et le chaos dans toute la région",

En Israël, il a confié à Netanyahu que l’accord sur le nucléaire passé par Obama avec l'Iran en 2015 était « une chose terrible, terrible ... nous leur avons donné une bouée de sauvetage ».

En s’attaquant à l'Iran, Trump encourage publiquement les monarques de l'Arabie saoudite et du Golfe à intensifier leurs guerres indirectes dans tout le centre du Moyen-Orient. Il amène l'Iran à prendre des précautions et à comprendre qu'une coopération à long terme avec les États-Unis et les États sunnites devient de moins en moins réalisable.

Les conséquences de ces provocations ne se sont d’ailleurs pas fait attendre. À Bahreïn, où une minorité sunnite dirige une majorité chiite, les forces de sécurité ont attaqué aujourd'hui le village chiite de Diraz où réside Cheikh Isa Qassim qui vient d’être condamné à une peine d'un an avec sursis pour « financer l'extrémisme ». Un homme du village aurait été tué alors que la police est intervenue à bord de véhicules blindés, tirant des fusils et des grenades lacrymogènes.

Obama entretenait des relations glaciales avec les dirigeants de Bahrein en raison de l'incarcération massive de manifestants et de l'utilisation de la torture lorsque les forces de sécurité avaient écrasé les manifestations en 2011. Mais Trump a rétabli le contact quand il a rencontré le roi de Bahreïn Hamad à Riyad ce week-end, en déclarant : « Nos pays entretiennent une relation merveilleuse, mais il y a eu une petite tension. Cette tension va disparaitre avec la nouvelle administration ».

L’attentat à Manchester - et les atrocités attribuées à l'influence d'Isis (état islamique) à Paris, Bruxelles, Nice et Berlin – est symétrique au massacre de dizaines de milliers de personnes en Irak et en Syrie. Le seul moyen d'éliminer les organisations capables de mener à bien ces attaques est de mettre fin aux sept guerres - Afghanistan, Irak, Syrie, Yémen, Libye, Somalie et nord-est du Nigéria - qui s’infectent mutuellement et produisent les conditions anarchiques dans lesquelles Isis, al-Qaïda et leurs clones trouvent un terrain fertile pour se développer.

Mais pour mettre fin à ces guerres, il faut un compromis politique entre les principaux acteurs comme l'Iran et l'Arabie Saoudite et la rhétorique belliciste de Trump dictée par le « complexe militaro-industriel américain) rend cela presque impossible à réaliser.

À son retour aux États-Unis, son attention sera entièrement axée sur sa propre survie politique et ne lui laissera pas beaucoup de temps pour s’occuper du Moyen-Orient. Son administration est fragilisée, mais cela ne l'a pas empêché de faire autant de mal qu'il le pouvait pour continuer et intensifier la politique du chaos dans un court laps de temps.


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