Pour en finir avec l’agnosticisme...

par sleeping-zombie
vendredi 23 juillet 2010

J’écris cet article en réaction à celui de Pierre JC Allard, « Pour en finir avec Dieu... et l’athéisme ».

Pourquoi un article et pas un simple commentaire ? Disons que la structure de commentaires d’Avox ne permet pas de développer une réelle argumentation, un forum serait plus adapté pour ça, mais s’il fallait créer un topic par article...

Donc, en "réponse" à ton article :
(on peut se tutoyer ? Je déteste le vouvoiement. Merci, c’est gentil ^^)
Je suis tout a fait d’accord avec sa conclusion : ne pas laisser une hypothétique origine (qu’on l’appelle "Dieu" ou autrement) interférer dans notre quête du bonheur.

Toutefois, parce qu’il y a bien un "toutefois", sinon cet article n’existerait pas, je voudrais rebondir sur tes propos concernant l’athéisme et l’existence de la "cause première". Ca me parait nécessaire, car admettre l’existence de la cause première, c’est se garder une porte ouverte pour lui chercher un sens. En bon agnostique tu te défends de franchir ce seuil, mais tout le monde ne réagira pas pareillement. La suite, tu l’imagines, consiste à lui trouver un sens, et du coup perdre sa liberté, et après à vouloir imposer ce sens aux autres, et leur faire perdre leur liberté. Et c’est là que ça me gène, parce qu’on a beau être au 21eme siècle, j’ai toujours pas le droit de me balader les fesses à l’air quand il fait 30 degrés (compter 40 au soleil). Et c’est sans doute à cause des prémices religieuses de notre société actuelle.

Pour simplifier, et pour peut-être un jour avoir le droit de me balader les fesses à l’air, et pourquoi passer une nuit avec une conquête d’un soir sans que ma régulière me fasse une scène (mais là je dévie, et c’est de la provoc gratuite vu que je suis célib), je me dois de déconstruire ta cause première.

La théorie de la "cause première", très en vogue chez les agnostiques et les religieux du type Dieu-existe-c’est-logique-réfléchis-un-peu, repose sur un syllogisme très simple :
On en conclue facilement que :
Et là-dessus on construira un édifice intellectuel hautement respectable dont le point culminant sera "tu ne te baladeras pas les fesses à l’air", ou pour continuer mon propos parallèle "la seule relation de couple acceptable repose sur l’exclusivité des rapports sexuels".

Evidemment, c’est pas la construction de (c) que je vais contester, ni de (b). Quoique le point (b) a quelques adeptes. (Au passage, merci de m’avoir appris le mot "solipsisme", si j’arrive à le retenir, je me coucherai plus érudit). C’est le point (a) qui me gène.

Contrairement à ce que tu dis plus loin, l’existence ex-nihilo est envisageable. Mais on ne l’utilise pas en logique, car si on admet qu’un concept ou un objet puisse exister de lui-même, sans cause, on ne peut plus débattre sur rien, on ne peut plus qu’admettre ce concept (ou pas). Donc il n’y a plus de débat, plus d’argumentation, plus de moyen de convaincre, plus de raison de parler, seulement de se taper dessus quand on est pas d’accord. Alors on s’interdit au maximum ce genre d’argument.

Mais comme on a toujours besoin d’un petit point de départ pour construire une pensée, une "brique de base", on s’autorise à utiliser un concept qu’on considèrera comme inattaquable car allant de soi. Et dont tout contestataire sera nécessairement fou ou de mauvaise foi. En tout cas, infréquentable.

En mathématiques, on appelle ça "un axiome", en politique on appelle ça "le bon sens", et dans ton article, c’est caché dans la réponse que tu as formulée a amipb, que je résume par "la nécessité de la cause première est INCONTOURNABLE".
En maths on s’arrange pour rendre les axiomes les plus simples possible, et surtout les moins nombreux possible. C’est ce qui fait la beauté et surtout l’universalité de cette construction.

En politique, on s’appuie sur le bon sens, qui est la notion commune la moins bien partagée : tout le monde en a un, mais personne n’a le même. C’est sans doute au nom du "bon sens" que les femmes n’ont pas eu le droit de vote en France avant 1948.

Et pour le sujet qui nous occupe, je me contenterai de contester le caractère incontournable de ta "cause première". Pour moi, l’univers, considéré dans son ensemble, existe de lui-même, sans nécessaire origine.

Je vais essayer de théoriser, mais je manque de vocabulaire, alors s’il te plait soit indulgent. Je donne quelques exemples plus loin pour éclaircir mes propos.
Dans un système de pensée cause->conséquence, où chaque conséquence se trouve elle-même cause d’une autre conséquence, on a toujours toujours du mal à commencer le fil d’un raisonnement. De la poule ou de l’oeuf, lequel était le premier ?
Pour commencer un raisonnement, une contrainte de nature rhétorique impose de prendre un point de départ, "l’axiome" que j’ai évoqué plus haut. Mais il faut garder à l’esprit que ce point de départ est arbitraire, la "nécessité" d’un tel point n’est due qu’à la forme du raisonnement (en combinant une "hypothèse" avec une "règle" on obtient une "conclusion"). Mais quand le point d’achoppement, celui qui fait débat, concerne justement ce point de départ, on ne peut pas se permettre de l’ériger en axiome, il faut le déplacer...

Cette "cause première" dont tu parles est l’axiome de ton raisonnement. Mais j’insiste sur ce point, la nécessité de cette cause première n’est qu’une contrainte argumentaire. De fait cette "cause première" de l’univers n’existe que dans la tête de ceux qui débattent du sujet, elle n’a aucune forme de réalité.

Cette "cause première" n’existe tout simplement pas. Pas a priori en tout cas. Et ça fait de moi un athée.

J’avais promis des exemples :

Exemple bateau :

Théologiste : Dieu existe, parce que l’univers doit bien venir de quelque part, donc pour commencer on va appeler cette origine "Dieu", on verra plus tard les propriétés qu’on en déduit (comme "Dieu nous aime tous, mais certains plus que d’autres")

Contradicteur : Là tu utilises une règle informelle "tout ce qui existe a nécessairement une origine", que tu appliques à l’hypothèse "l’univers existe", mais dans ce cas, "Dieu" a aussi une origine...

Théologiste : Euh... non parce que Dieu est une entité spéciale qui échappe à la règle, Dieu se suffit à lui-même.

Contradicteur : Donc, ta règle souffre d’au moins une exception, mais l’existence de Dieu repose justement sur l’absence d’exception à cette règle. Parce que, quitte a autoriser une exception à la règle "tout ce qui existe a une origine", autant dire que c’est l’entité "l’univers dans son ensemble" qui est l’exception, et se suffit à lui-même. On a ainsi un système qui est tout aussi logique, mais plus simple, vu qu’on se passe d’une entité ("Dieu") qui n’existe que pour justifier le caractère universel d’une règle qui, finalement, souffrira quand même d’une exception.

Théologiste : On peut pas discuter avec toi...

Exemple plus rigolo :

Biologiste : Le concept d’espèce est valide, contrairement à celui de race qui est purement conventionnel, parce qu’il est vérifiable sur des bases solides : deux êtres de la même espèce peuvent s’accoupler, et auront une progéniture non stérile. Bon, là c’est l’origine du concept formulé il y a quelques siècles, depuis on a établit une classification sur des critères plus fins, plus techniques, mais c’est le principe.

Contradicteur : Mais attends, il y a 10 millions d’années, il n’y avait pas d’humains sur Terre ? Et pourtant aujourd’hui il y en a plein. Donc, il y a eu un premier. Et d’après ce que tu dis, le premier humain n’a pas pu être issu d’un accouplement, vu que ça nécessiterait l’existence d’humains antérieurs. Donc il a été posé sur Terre par Dieu ?

Biologiste : Là tu mets le doigt sur un problème de la classification en espèces : elles évoluent, et les frontières entre deux espèces peuvent être relativement floues. Par exemple, l’âne et le cheval sont deux espèces différentes, car même si ça leur arrive de s’accoupler, leur progéniture, le mulet, sera stérile. Mais il est possible qu’un jour un mulet et une mule arrive a concevoir un descendant non stérile (à vérifier), et dans ce cas, ce "nouveau mulet" sera membre d’une espèce à part entière. On pourrait y voir le premier de son espèce, mais peut-être qu’il sera compatible avec certains mulets déjà existant... Tout ça pour dire que ta notion de "premier homme", même si elle est évidente d’un point de vue logique, n’a pas d’existence réelle.

Exemple plus angoissant :

Médecin : Si vous n’utilisez que des seringues stérilisées (ou mieux, si vous vous droguez pas), si vous n’avez que des relations sexuelles protégées (ou mieux, si vous vivez dans l’abstinence), et si n’avez jamais reçu de sang (mais que ça vous empêche pas d’en donner), alors il n’y a aucune chance que vous soyez séro-positif.

Contradicteur : Là, vous ne me parlez que des moyens d’attraper le sida depuis une personne qui l’a déjà... Mais la première personne à l’avoir eu, elle a fait comment ?

Médecin : Euh... J’imagine qu’elle l’a récupéré depuis le monde animal.

Contradicteur : Là, vous ne faites qu’étendre la population de référence, mais la question de l’origine reste posée.

Médecin : Mais quelle importance a l’origine ? on combat une maladie en empêchant son extension, et l’extension se fait par transmission.

Contradicteur : L’importance ? Juste de savoir qu’il existe un moyen de l’attraper "ex-nihilo", qu’on n’a toujours pas identifié, et que même si on vit la vie d’ascète que vous préconisez, on ne peut pas être sûr à 100%. Du coup, la question n’est plus de vivre "avec risques ou sans risques" mais juste de savoir "quelle quantité de risque peut-on considérer comme acceptable".

(et n’en déplaise à mon médecin, je continuerai de me pinter à peu près tous les trimestres. na !)

Et pour finir sur l’athéisme, qui consiste finalement à ne pas voir d’origine, en plus de ne pas y voir de sens, en quoi faut-il l’éviter ? Nier une certaine forme d’intellectualisation du passé ne présume rien sur le présent, et encore moins sur l’avenir...

Bien a toi,
Thierry Bougron
 

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