Pour en finir avec Zemmour (et les autres)

par Opposition contrôlée
mercredi 1er décembre 2021

« There is no alternative » disait la dame de fer, il faut bien aborder frontalement le cas Zemmour un jour ou l'autre.

La vraie question, selon moi, ce n'est pas de discuter sur la pertinence de ce qu'il raconte, mais plutôt se demander s'il ne le dit pas uniquement parce que vous voulez l'entendre : souvenez-vous de Sarközy.

Il allait nettoyer la racaille au Kärcher, faire le « redressement moral » de la France, a commencer par l'éducation, il a fait « l'ouverture », il a lancé l'union pour la Méditerranée. Un stratège, je vous le dis ma bonne dame. Et un vrai patriote...

Résultat ? Guerre de l'OTAN pour détruire la Libye, début de la guerre contre la Syrie. Les banlieues sont restées les banlieues, l'éducation nationale a continué sa plongée vers les abysses, etc, etc.
Hollande : « mon ennemi, c'est la finance », « le changement c'est maintenant » etc.

Il a voté Sarközy
 

Le règne de « l'opinion publique », c'est un marché comme un autre. On se positionne avec un discours pour capter de l'électorat, c'est du marketing politique. Voyez le jeu d'équilibriste de Mélenchon, entre une base de « gauchistes sociétaux » sauce LGTBQ+, et une base de Maghrébins, vaguement attachés à un conservatisme religieux. Il pourrait intégrer le cirque de Pékin.

In fine, si on arrive au pouvoir, ce sont ceux qui ont financé la campagne qui décident de ce qui sera fait. Envolés, les belles promesses, mais bon, elles « n'engagent que ceux qui y croient ». Parce que c'est notre projet !

Ce que je perçois du discours de Zemmour, c'est que c'est trop bien fait pour être honnête. C'est une synthèse de tous les discours et références de droite. Non seulement il n'a pas fait ça tout seul, mais ça n'a rien à voir avec des convictions, c'est un travail scientifique d’ingénierie sociale. C'est pourquoi je considère qu'il est totalement vain de gloser sur sa personnalité. C'est une sale habitude d'ailleurs, de se focaliser sur les personnes. Le pouvoir ne s'exerce pas par un homme, fût-il élu président de la République. Le pouvoir s'exerce par les réseaux, et les réseaux fonctionnent par l'argent qui les irrigue. On ne peut pas être au four et au moulin (voir Pierre Desproges), une campagne électorale, ça nécessite de nombreux collaborateurs (sic) pour rédiger les discours, mettre en scène les débats, entretenir des relations « cordiales » avec la presse. Et aujourd'hui, également, de la puissance de calcul numérique, pour tirer parti de la collecte de données massive, en particulier sur les réseaux dits « sociaux ». 

Imaginons que par une série de phénomènes « paranormaux », un candidat « révolutionnaire » soit élu au premier tour. Il n'aura pas le temps d'être investi que tous les acteurs économiques majeurs, à l'intérieur comme à l'extérieur, auront fait évader les capitaux du pays, ruinant son économie. Il y a de nombreux exemples historiques qui montrent ce mécanisme à l'oeuvre. En 1924, une majorité de « gauche » est élue au parlement. Ils ne sont pourtant pas des « rouges » durs, mais la Banque de France, organisme encore privé à cette époque, organise la fuite des capitaux et la déstabilisation monétaire. Dans le style incomparablement elliptique et euphémique de Wikipédia ça donne, à propos du chef de l’exécutif alors désigné :

Critiqué pour son laxisme en matière de finances, hésitant dans le remède à donner à la crise — il balance entre un emprunt, souhaité par la droite, et le « prélèvement » sur le capital réclamé par les socialistes — il doit démissionner. La Bourse avait connu beaucoup de fluctuations, principalement à la baisse pendant son gouvernement. Pour se redresser après son départ : Herriot critique alors « le Mur d'argent » qui a provoqué sa chute.

Traduction : les banquiers l'ont tué en plongeant le pays dans la récession. Déjà à l'époque, il n'y avait pas d'alternative...

Historiquement, Zemmour a commencé à être médiatisé « dans les valises » du 11 septembre, tout comme Elizabeth Levy. A cette époque, une vaste opération de captation de la droite française a démarré pour extirper ses concepts « gaullistes » : anti-atlantisme, politique arabe, critique d'Israël, souverainisme. « Mais Zemmour dit tout le contraire », objecterez-vous. Oui, mais comme jadis Sarközy, Hollande, ils ont dit des tas de choses, et une fois au pouvoir...

 

Le seul fait de revendiquer la théorie du « choc des civilisations », pur produit « proudly made in USA » est pour moi un indicateur clair de l'arnaque. Ça revient à « filtrer le moucheron et avaler le chameau » [Matthieu 23:24], c'est un « cheval de Troie » idéologique. On ne peut pas « en même temps » avaler le plan directeur de l'impérialisme américain et se revendiquer souverainiste. 

Le pauvre chou serait attaqué vertement par la presse. Comme disaient Hitler et Paco Rabanne :« En bien ou en mal, tant qu'on parle de moi »... J'ai choisi le pseudonyme « opposition contrôlée » par pure ironie, j'ai pu constater que tout le monde n'a pas bien saisi le sens de cette formule. Dans un interrogatoire bien organisé, il y a le gentil flic et le méchant flic. Dans une démocratie bien organisée, on fait les questions et les réponses. On crée les problèmes et on propose les solutions. « Zemmour-BHL, le clash » ? « Le débat Zemmour - Mélenchon » ? Les ficelles sont pourtant grosses.

Afin de participer à l'hystérisation du « débat » politique, et offrir une planche de salut à ceux qui auraient été froissés par mes propos, et tous ceux qui croient que la politique se définit sur un segment, je vous laisse avec une citation d'un personnage historique, « Polémique » à souhait :

« Tant que je posséderai les terres, les usines, les fabriques, les banques, tant que je dominerai la presse, les écoles, les universités, tant que je tiendrai entre mes mains - et c'est l'essentiel - l'armée, le mécanisme de la démocratie, de quelque façon qu'on le remanie, demeurera soumis à ma volonté. La petite bourgeoisie inepte, conservatrice et dépourvue de caractère, m'est aussi soumise spirituellement qu'elle l'est matériellement. J'écraserai ses aspirations par la puissance de mes entreprises, de mes bénéfices, de mes projets et de mes crimes. Quand, mécontente, elle murmurera, je créerai des soupapes de sûreté, des paratonnerres à la douzaine. Je susciterai, quand j'en aurai besoin, des partis d'opposition qui disparaîtront aussitôt après avoir rempli leur mission en donnant à la petite bourgeoisie l'occasion de manifester son indignation sans causer le moindre préjudice au capitalisme. Je maintiendrai pour les masses populaires le régime de l'instruction générale obligatoire qui les maintient à la limite de l'ignorance et ne leur permet pas de s'élever au-dessus du niveau reconnu inoffensif par mes experts en soumission des esprits.

 


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