Pour faire un baise-main, il faut courber l’échine...

par Imhotep
mercredi 23 avril 2008

C’est le plus jeune de nos hommes politiques, Christian Poncelet qui joue aux Hermès (messager des dieux et accessoirement protecteur des voleurs) et apporte à une héroïne des temps moderne, la jeune sportive de haut niveau handicapée et chinoise Jin Jing, la lettre de notre Imperator.

Il peut paraître déplacer de railler un baise-main quand la cause paraît juste : des excuses de la France à une athlète en fauteuil roulant qui est brutalisée par des opposants au régime chinois pour lui voler une flamme olympique bien triste. S’attaquer ainsi à une infirme n’est pas très glorieux. S’attaquer à la flamme olympique n’est pas non plus un geste d’une grande efficacité ni faire preuve de l’esprit soi-disant zen des Tibétains. Que leur combat soit juste ou non, une manifestation digne, non contre l’Olympisme et son symbole, mais contre ceux qui ont donné aux Chinois cette vitrine sous condition tout en sachant que c’était un leurre, ceux qui continuent à se voiler la face, et les intéressés eux-mêmes les hiérarques de la démocratie chinoise était la voie à suivre. La France aux ordres des aboyeurs en survêtements bleus et lunettes noires a été bien incapable de préparer à l’avance cet événement. Nous verrons ce qui se passera au Japon, mais ce pays a interdit aux cerbères de l’Empire du Milieu d’intervenir sur leur territoire et a autorisé les manifestations pacifiques des pro-tibétans sur le passage de la flamme olympique sous condition de calme et de paix. Ce qu’aurait dû faire la France.

Alors que la ville de Paris, par la voie de son maire, décide de faire du Dalaï-Lama un Citoyen d’Honneur, le Quai d’Orsay s’offusque et le gouvernement chinois voit rouge. En quoi sont-ils juges d’un acte intérieur à la France ? En quoi cette décision serait-elle digne de reproches et d’une colère si violents ? Ne serons-nous plus maîtres chez nous ?

Il y a donc, ce que tout un chacun sait, plusieurs France : celle de l’économie qui plie devant ses intérêts, celle de violents perturbateurs qui montrent les crocs et manifestent avec violence contre la Chine, celle de ceux qui font des actions d’éclats pacifiques, et il y a l’Etat. Et il y a à la tête de cet Etat une carpette de seconde zone.

Si l’acte contre cette jeune et souriante Jin Jing est détestable, ce que l’on peut regretter vivement, si cette escrimeuse a défendu courageusement la flamme, ce que l’on peut applaudir, on doit se poser une première question : pourquoi une Chinoise faisait-elle le relais de la flamme olympique sur notre sol ? Etait-ce pure provocation ? Est-ce la preuve de notre lâcheté ? Il paraît évident qu’il n’y avait aucune raison qu’il y ait quelque athlète que ce soit autre que Français sur notre territoire pour brandir le flambeau des Jeux. Et d’autant plus dans les conditions actuelles.

Si la France devait des excuses à cette jeune femme, ce qui est logique, cela aurait dû être fait le 7 avril au soir et non le 21 avril, soit 14 jours après. Le soir même cela était juste, une véritable compassion, un véritable compliment de la haute tenue de Jin Jing dans sa mission. Le faire le 21 montre les deux aspects exécrables de la politique et intérieure et extérieure de notre Massimo. D’abord, nous savons tous qu’il reçoit tout Français dans l’heure dès qu’un chien se fait écraser. Il a reçu le lendemain même de la banderole du PSG qui a fait tant de bruit, celle qui n’aimait pas les Ch’tis. Cela démontre l’hypocrisie totale de ces réceptions, la limite de cet exercice car cela crée des préférences et des distorsions, et a contrario cela montre que notre chef des armées n’avait pas été touché par ce qui était arrivé à la glorieuse représente de la RPC. Cela démontre à ceux qui l’ignoraient encore que tout acte de Sarkozy n’est qu’un rapport étroit à une communication qui dépend de ce que cela peut lui rapporter en termes d’image, bien que les derniers sondages montrent que c’est complètement raté et que TF1 n’a pas dû savoir bien utiliser notre cerveau disponible. Ensuite cette missive est envoyée dans le seul but de calmer les esprits car il y a quelques manifestations contre nous en Chine.

La Chine, ce que semble ignorer le chef de l’Etat, c’est un milliard et trois cent trente millions d’habitants (estimations 2008). Les manifestants, ce sont entre quelques dizaines et quelques milliers sur l’ensemble du territoire soit moins d’un millionième de la population. Comme si dans toute la France il y avait soixante manifestants ! Je doute bien qu’un pays se mettrait à genoux devant nous si de telles manifestations avaient lieu.

Le geste de Poncelet, de grande galanterie, est en fait une sorte de totem de la France : courber l’échine devant les forts. Il est vrai qu’en décembre dernier Nicolas Sarkozy parlait à tour de bras d’urgence. En quoi y avait-il urgence à s’aplatir devant la tyrannie chinoise ? Il était urgent d’attendre. D’abord car plier devant un fort qui a comme peur première de perdre la face c’est se décrédibiliser complètement et c’est perdre cette face que l’on voudrait voir plus fière et moins honteuse. Sarkozy c’est l’arrogance contre les faibles, c’est le poing levé entouré de dix-neuf gardes du corps, mais c’est la plongée ventre à terre dès qu’éternue un puissant. Non seulement nous ne sortons pas grandi de cette histoire, mais, en plus, c’est parfaitement inefficace. D’abord ce boycott de la France, notamment de Carrefour était par définition dangereux pour la Chine elle-même. Cette enseigne fait travailler des Chinois - et ils le savent - et vend essentiellement des produits chinois - et ils le savent. D’ailleurs, dès le début, des voix se sont élevées contre ce boycott.

Il y a autre chose. Avec leur vue courte, et leur intérêt immédiat, ce gouvernement est incapable de réfléchir, incapable de raisonner sainement. On a l’impression que le commerce ne va que dans un sens. Ah, nos fabuleux contrats en Chine, chers à Amélie Poulain ! Et pourtant nous ne cessons de crier au scandale des importations chinoises. Notre balance commerciale est extraordinairement déficitaire. Et nos contrats mirifiques sont en réalité que des contrats bien encadrés avec fabrication sur place, transfert de technologie et adjonction obligatoire de capitaux asiatiques. Ce premier argument est faible dans le raisonnement, car si nous avons besoin de la Chine, la Chine a aussi bien besoin de ses débouchés en Occident. La sagesse et la réflexion aurait dû prévaloir et les gouvernements occidentaux devraient avoir un discours commun et assez fort du genre : gare au boycott, c’est une arme à double tranchant. A malin, malin et demi. A boycott, boycott et demi. C’est un bras de fer. Et si la Chine pèse presque un quart de l’humanité, l’Occident pèse plus des deux tiers des richesses et des commandes. Mais, pour cela, il ne faut pas des carpettes à court terme qui gouvernent, mais des NKM première phase (la seconde est moins affriolante).

Le second point concerne le fameux arguments que la Chine finance le déficit des Etats-Unis. Et alors ? Qu’ils coupent le robinet et on verra. Le premier argument est commercial, les débouchés et les ventes, le second est financier. Si la Chine jouait à ce jeu, elle trouverait en face d’elle un pays qui est son acheteur numéro 1 incapable de la payer. Qui serait le plus perdant ? La Chine qui verrait en premier lieu ses capitaux devenus des subprimes, du papier toilette juste bon à un usage domestique, et en second lieu ses marchandises qui ne seraient plus payées. Alors, à malin, malin et demi.

La France, enfin son président qui fait des mécontents, mais qui s’en tape, lui qui juste avant les municipales était heureux, s’enfonce dans la honte. Ces jeux Olympiques seront pour nous un des plus grands ratages diplomatiques de cette première année de gouvernance sarkozyaque. Nous pouvons à l’avance nous flatter, nous ramènerons au moins une médaille d’or : la médaille d’or du discrédit et du reniement.


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