Pour un Revenu Universel Minimum et Inconditionnel - Le RUMI
par Claude Courty
mardi 16 juillet 2019
Le revenu universel sera inconditionnel ou ne sera qu'une figure de plus de cette rhétorique de la lutte des classes, désormais bréviaire de la pensée dominante. Ses adeptes semblent en effet trop aveuglément acquis à son principe pour se résoudre à une évidence : les inégalités sociales ont toujours augmenté avec la prospérité du binôme démographie-économie, exponentiellement depuis la première révolution industrielle et le marxisme qu'elle a vu naître. Que lui soit abusivement attribuée une amélioration incontestable de nos conditions de vie qui doit tout au progrès scientifique et technique n'y change rien. La rémanence de revendications sociales qui s'expriment depuis des millénaires est au contraire la preuve de son impuissance à procurer la justice ou pour le moins l'égalité qu'elle promet.
En dépit des sentiments que peut inspirer l'iniquité qui y règne, nul n'a en effet les pouvoir de modifier durablement une structure sociale dont le caractère pyramidal est dû à l'altérité génétique et sociale de ceux qui la composent. Une minorité de riches y bénéficient d'une abondance sans limites alors qu'une immense majorité est condamnée à la pauvreté, voire à un dénuement total semblant irréversible pour les plus déshérités. Nous pourrions pourtant modifier cette situation, simplement en élevant l'ensemble de notre pyramide sociale par rapport à l'échelle de richesse collective à laquelle elle est associée, plutôt que de chercher obstinément à en abaisser le sommet. Nous isolerions de la sorte sa base du niveau zéro de la richesse et permettrions aux plus pauvres d'échapper à leur condition extrême.
Il faudrait pour cela, non plus se focaliser sur nos inégalités sociales mais en reconnaître les causes réelles et profondes : Plus les êtres humains sont nombreux plus leurs besoins sont grands et leur production stimulée pour les satisfaire, avec l'aide d'un progrès constant. Ils s'inventent en outre sans cesse de nouveaux besoins dont la satisfaction nécessite des moyens humains et matériels toujours plus importants. Par le jeu des échanges de ce qu'ils produisent et les profits qui en résultent, la richesse de la société n'a jamais cessé d'augmenter depuis que l'homme existe – quelles que soient les conditions de son partage et en dépit de périodes de guerres, durant lesquelles la destruction de ces richesses dépasse leur production –, pendant que s'est hypertrophiée sa pyramide sociale, du fait d'une multiplication incessante de ses habitants de toutes conditions, avec prépondérance des plus pauvres. Il faut être conscients du fait que selon la définition de la pauvreté et la partition correspondante de notre pyramide sociale, le nombre de pauvres y est de 6 à 20 fois celui des riches. C'est ainsi que son sommet s'éloigne toujours plus de sa base et que les inégalités sociales se creusent en permanence d'autant.
Or, la base de cette pyramide, où loge la pauvreté profonde, coïncide avec le niveau zéro INAMOVIBLE de la richesse, alors que cette dernière n'a pas d'autres limites que celles des ressources dont elle est tirée. Rien d'étonnant à ce que les inégalités sociales ne cessent de croître. Et cela durera autant que les hommes et tant que richesse et pauvreté existeront l'une par l'autre.
C'est à partir de ce constat que doit se définir et être instauré un revenu minimum, dont les velléités conceptuelles et de financement se sont limitées jusqu'ici à une classique redistribution d'une part de ce possèdent les plus riches au profit des plus pauvres, dans l'ignorance ou refusant de considérer les fondamentaux incontournables de la condition humaine, qui peuvent se résumer comme suit :
1°- Richesse et pauvreté – en tout – se définissent et existent l'une par l'autre ; sans riches point de pauvres et inversement.
2°- Quels que soient son héritage génétique et social et les aléas de son existence par la suite, tout être s'insère, à sa naissance, à la place qu'un sort aveugle lui assigne dans la structure constituée par sa pyramide sociale d'appartenance. Il en est ainsi pour toute espèce, d'autant plus que ses membres sont différenciés, à commencer par l'espèce humaine. C'est ainsi que socialement tout être humain est le riche ou le pauvre de plus pauvre ou plus riche que lui-même.
3°- Si la richesse n'a pas d'autres limites que celles des ressources dont elle est tirée, la pauvreté à celle – INAMOVIBLE – du niveau zéro de la richesse (dénuement total), au-dessous duquel nul ne peut descendre.
Considérant le caractère incontournable de ces fondamentaux, le RUMI doit donc se fixer pour objectif d'agir sur le seul que l'homme ait le pouvoir de modifier, qui est le positionnement des plus défavorisés par rapport au niveau zéro de la richesse collective.
C'est seulement par l'instauration d'un revenu Universel et Inconditionnel (RUMI) que la société des hommes s'élèvera au-dessus du niveau zéro de la pauvreté et en sera isolée, à commencer par les pauvres profonds qui en sont les plus proches. La condition humaine pourra s'en trouver délivrée avec la pyramide sociale qui la représente si bien.
Le financement en incombant à tous, proportionnellement à la position de chacun par rapport au sommet de la pyramide sociale, Le RUMI devra être comparable, en montant, à ce qu'est aujourd'hui le SMIC, son versement étant dissocié de dépenses de santé réservées aux soins. Il sera par ailleurs non cumulable avec l'indemnisation d'un temps de travail, puisque ses bénéficiaires auront la liberté de choisir entre travail et inactivité.
Le marché du travail étant réservé aux citoyens ayant l'ambition d'élever leur condition matérielle au-dessus d'un “standard” procuré à tous par le RUMI, le chômage endémique disparaîtra. Et si l'avenir de ce marché du travail inquiète certains, qu'ils se rassurent. L'automatisation des tâches et l'accomplissement des plus courantes ayant déjà commencé à être déléguées à des robots se substituant aux humains, il sera pallié à toute pénurie de main d’œuvre par le RUMI qui sera la solution aux innombrables problèmes que commence à poser une telle évolution. Après les N.T.I.C. (Nouvelles technologies de l'information et de la communication), ne voyons-nous pas poindre les N.B.I.C. (Nanotechnologies, biotechnologies, informatique, cognitivisme dont l'intelligence artificielle), en attendant le transhumanisme ?
Quel qu'en soit le détail, le revenu universel ne pourra être instauré que progressivement avant de parvenir au RUMI préconisée ici, ne serait-ce que pour en ajuster le financement. Sous réserve d'inventaire plus complet, celui-ci sera notamment assuré par :
— L'impôt payé par TOUS sur leurs revenus, proportionnellement au positionnement de chacun dans la pyramide sociale et par rapport à l'échelle de richesse collective.
— La réaffectation d'aides diverses concernant des besoins couverts par le RUMI.
— La réaffectation d'allocations de chômage n'ayant plus lieu d'être versées.
— Les ressources fiscales résultant d'un supplément de consommation de la part de la population à laquelle le RUMI fournira les moyens de satisfaire tous ses besoins vitaux ; nouvelles ressources se substituant il est vrai, au moins partiellement, à celles disparaissant du fait de l'effort de frugalité des consommateurs de biens et services superflus, nécessité par des contraintes environnementales autant que sociales.
— L'épargne d'au moins une partie des aides que ne manquera pas de nécessiter un haut degré d'automatisation des tâches et l'évolution du marché du travail qui s'ensuivra.
Cerise sur le gâteau : si la pauvreté est bien la première cause de la prolifération humaine, le RUMI sera à coup sûr déterminant en termes de régulation démographique et par conséquence de la décroissance économique et de la moindre dégradation de l'environnement qui en résulteront.
Réelle démarche de solidarité active, basée sur des considérations factuelles et non plus sur des sentiments de frustration aussi fondés qu'ils puissent être, le RUMI rendra-t-il l'être humain plus heureux ? De quoi, en tout cas, nous distraire un instant de nos problèmes de réchauffement et nous rafraîchir ne serait-ce que l'esprit.