Pour y comprendre quelque chose à la Syrie

par Trelawney
jeudi 17 septembre 2015

Avec l’afflux des migrants en provenance de Syrie et d’Irak, avec le groupe terroriste EILL qui conquit de plus en plus de territoire aussi bien en Syrie qu’en Irak, avec l’UE et les USA qui veulent limiter la progression de EILL sans pour autant aider la Syrie et avec la Russie de Poutine qui veut coute que coute protéger son allié Assad toujours dirigeant d’une Syrie en lambeau, il est difficile du comprendre ce qui se passe là-bas et les conséquences des actions ou des atermoiements des différents acteurs de ce conflit.

A propos de la Syrie, il n’est pas inutile de faire un peu d’histoire. Pour comprendre ce qui se passe maintenant, il n’est pas nécessaire de remonter jusqu’au Assyriens. Pour faire plus simple on va commencer à l’occupation de ce territoire par les Anglais et les français en 1920. En effet ces deux pays incitèrent la « révolte arabe » pour libérer la région de l’occupation ottomane et créer un royaume arabe syrien indépendant avec pour premier et aussi dernier roi un dénommé Fayçal, issu de la famille hachémite et frère d’Abd Allah ibn Hussein. Ils mirent ensuite tout le monde dehors et créèrent artificiellement un pays composé de la Syrie actuelle, du Liban, de la Jordanie et de la Palestine qui comprenait alors Israël. Faysal contraint à l’exil sera placé par le Royaume Unis sur le trône d’Irak. Faysal s’occupera de son royaume sous mandat anglais jusqu’à qu’il obtienne son indépendance en 1932. Les Druze se soulèvent contre les français en Syrie. Après la signature de l'armistice par le gouvernement Pétain, les anglais et un contingent des forces françaises libres engage le combat contre les troupes de Vichy et occupe la Syrie et le Liban. En 1943, une semi-indépendance est accordée au Liban et à la Syrie. La Syrie devient une république. S’en suit une série de coups d’état et d’assassinats de présidents aussi bien au Liban qu’en Syrie. En 1948, une carambouille est menée par les USA et l’Angleterre pour aider leur nouvel allié Israël. Après un autre coup d’état, ils mettent en place Chichakli. Ce dernier contre 400 millions de dollars fera des réfugiés palestiniens des Syriens à part entière. Un petit parti socialiste profite de la colère des syriens pour ce qui représente à leurs yeux, la vente du droit au retour des Palestiniens, pour apparaitre au grand jour. Ils ont comme allés l’URSS et se nomme le parti BAAS. 4 ans plus tard Chichakli est renversé, 4 ans plus tard l’Egypte de Nasser s’unie avec la Syrie pour former la République arabe unie, ce qui entraîne, de facto, l’interdiction des partis politiques syriens. Aidé des frères musulmans, le parti communiste syrien fait sécession, et rétablit la République arabe syrienne, traitant au passage Nasser de dictateur. S’en suis une instabilité politique avec différents coups d’état et renversement de présidents jusqu’à que le parti Baas bien implanté dans l’armée y mette un terme. Le parti Baas prend ainsi le pouvoir en Syrie et quasiment en même temps qu’en Irak, mais ils sont peu de temps après dépossédé du pouvoir. Les membres fondateurs du parti Bass vont ainsi disparaître de Syrie pour aller en Irak. Après la guerre des 6 jours, l’armée Syrienne et le gouvernement sont affaiblis par la guerre. En 1970, profitant de l'impasse due à l'implication de l'armée syrienne dans la crise en Jordanie entre le roi Hussein et l'OLP (Septembre noir), le ministre de la Défense Hafez el-Assad procède à un coup d’État. Il devient l’homme fort de la Syrie. Il est après le roi du Maroc, le chef d’état arabe qui est resté le plus longtemps au pouvoir. Outre les alliances qu’il a noué avec la minorité religieuse alaouite, il détient l’essentiel de son pouvoir grâce à l’armée et aux forces de sécurité intérieure. Un autre facteur de son maintien au pouvoir est le nationalisme viscéral des syriens qu’il entretient par des conflits qui l’oppose à Israël, aux USA à l’Irak de Saddam et à la France. Hafez el Assad est un spécialiste des coups tordus et n’a qu’un seul allié : lui-même. Il s’est servi du parti Baas pour arriver au pouvoir et l’a détruit ensuite, et la façon dont il s’est allié l’Egypte et l’Arabie Saoudite pour faire imposer au monde son intervention et occupation du Liban est un exemple de duplicité. A sa mort il est remplacé par son fils Bachar el-Assad qui n’a pas son intelligence loin de là, mais est aussi tordu que son père. Dès les premiers jours de son « règne », il laisse entendre qu’il ouvrira son pays à la démocratie. Des débats politiques, culturels, intellectuels et sociaux intenses naissent partout dans le pays et tout le monde croit à ce que l’on a appelé le « printemps de Damas ». En fait les services de sécurité de Bachar surveillent tout ce beau monde et six mois plus tard, la police arrête tous les militants des droits de l’homme, les journalistes, les artistes pour au mieux les emprisonner, au pire les torturer ou les tuer. Fin de la récréation, Bachar le sanguinaire est bien là. Cette dictature sanglante tiendra sans qu’aucun pays occidental ne s’en émeuve jusqu’en 2011 où, dans la foulée du printemps arabe, se déclenche la guerre civile syrienne.

 

Revenons à l’actualité

 

Hafez s’est servi du parti Baas pour nouer des alliances durables avec l’URSS et les différents pays du bloc soviétique et Bachar a fait de même avec la Russie de Poutine. Si son père a fourni hommes et armes dans la grande alliance contre l’Irak de Hussein lors de la première guerre du golfe, son fils Bachar s’est allié sur la ligne Russes et Française pour s’opposer à la seconde guerre en Irak et a discrètement organisé les préparatifs pour accueillir des centaines de milliers de réfugiés irakiens. C’est un tyran qui sait jouer les humanistes quand ça l’arrange. A la mort de Saddam, un grand nombre de bassistes irakiens a ainsi trouvé refuge dans un pays comptant beaucoup d’alliés politiques et surtout militaires.

Début 2011 des groupes appelés armée syrienne libre, Al-Nostra, Ahrar al-Sham, Ghouraba Al-Sham et Fatah al-Islam, les réfugiés libyens des Brigade de Tripoli et le Hamas s’opposent à l’armée syrienne, au FPLP palestinien, au PKK et au Hezbollah. Dans le clan des opposants qui sont téléguidés par la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar avec le soutien politique des USA, de l’Angleterre de l’Allemagne et de la France on tente de coordonner cette opposition en créant depuis Qatar la Coalition Nationale des Forces de l'Opposition et de la Révolution CNFOR à forte composante sunnite qui doit prendre le leadership de cette opposition et qui sont les seules à être armées par les pays arabes. C’est un échec. Les opposants prennent les armes et véhicules et se diluent dans les différents mouvements islamistes. Pendant ce temps les exactions de l’armée et des services de sécurité de Bachar continuent. En raison du précédent libyen où une révolution soutenue par les occidentaux a plongé le pays dans le chaos, la communauté internationale peine à se mettre d'accord sur les mesures à prendre. La Russie ne veut pas entendre parler d’ingérence et argumente que la Lybie ça suffit et, malgré les milliers de morts, soutient Bachar qu’elle considère encore comme un allié. Les massacres continuent et les belligérants se renvoient la mutuellement la faute. Une partie de l’armée syrienne fait défection pour rejoindre les rangs de l’armée syrienne libre et ainsi (du moins au début) protéger les populations syriennes contre les abus de l’armée de Bachar. Les éléments de cette armée sont en grand majorité des baasistes qui se joindront aux anciens militaires de l’armée irakienne devenus réfugiés en Syrie et qui deviendront la principale composante du Daesh Etat Islamique en Irak et au levant. Les combattants d’Al Nostra et les djihadistes étrangers rallient très vite l’EIIL plus structuré et militairement plus organisé. L’objectif d’EIIL est simple : progresser en Irak et en Syrie pour y créer une grande république islamique. Une partie du Front Al-Nosra, du Front islamique se sentent à l’étroit dans ce Daesh trop militaire et trop autoritaire. Ils prennent leur indépendance pour s’opposer à EIIL. Ils seront vite mis en pièces et ce qui reste de ces deux composantes se diluent en Syrie et se spécialisent dans l’enlèvement avec rançon et le brigandage, ajoutant du chaos au chaos. Des refugiés affluent par milliers en Turquie, en Jordanie, au Liban et même en Irak. L’EIIL progresse partout. La Russie soutient Bachar en grande difficulté par l’apport de forces spéciales pour réorganiser son armée et en agrandissant les aéroports pour faciliter les livraisons aérienne d’armes. Les occidentaux se contentent de combattre EIIL sur le sol irakien par des bombardements aériens massifs et l’envoi de forces spéciales pour cibler les bombardements de drones ou d’avion et organiser le PKK. La Turquie joue un double jeu en trafiquant avec EIIL pour éradiquer les kurdes et en s’attaquant à la Syrie de Bachar.

 

Conclusion :

Le grand danger est que si Bachar est tué, la Syrie devient comme la Libye et plonge dans un chaos qui entrainerait tout le moyen orient et certainement une partie des pays du Caucase

La Russie de Poutine voudrait exfiltrer Bachar pour la raison évoquée plus haut, car une partie de sa zone d’influence est frontalière avec cette zone de conflit. Mais aussi parce qu’en protégeant Bachar elle envoie le message clair à tous ses alliés dictateurs et notamment ceux du Caucase, qu’elle ne les laissera jamais tomber et renforce ainsi l’assurance qu’ils ne feront pas défection.

Les USA n’étant pas sortis par le haut de leur conflit avec l’Irak et ayant laissé un pays chaotique et livré aux différentes factions et tribus, ne veulent pas voir s’étendre ce conflit et veulent à tout prix le contenir sur la Syrie. Ils n’interviennent pas en Syrie et se contentent de frappe aérienne sporadique sur le sol Irakien. Ils se contrefichent de ce qui se passe en Syrie à proprement dit et ont déjà acté le fait que Poutine s’en occupe. La négociation se porte vers l’Ukraine où Obama souhaite un arrêt des conflits. Autrement dit : « Poutine je te fiche la paix en Syrie et toi tu cantonnes ton intervention au Donbass ».

L’Europe n’a pas de politique de défense et l’Angleterre s’aligne sur les USA. Vu le nombre de migrants déferlant sur les côtes européenne, ils sont cependant obligés de réagir. Ils le font par l’intermédiaire de la France qui annonce des « frappes chirurgicales » sur les bases d’EIIL en Syrie et cela contre l’avis de Bachar dont elle se moque complétement et contre l’avis de Poutine pour encore mettre la pression sur l’Ukraine.

La Russie a déjà modifié un aéroport à Damas, pour créer un pont aérien. Elle envoie des forces spéciales en nombre pour reformer le peu de ce qui reste de l’armée syrienne. Comme l’armée syrienne a été créée instruite et formée par l’ex URSS, c’est facile pour elle de remplacer les cadres syriens par des éléments russes. Le but est de reprendre du terrain sur EIIL et d’exfiltrer Bachar de force parce qu’il ne veut pas. De toute façon la garde rapproché de Bachar se réduit à peu de chagrin et il n’a plus son mot à dire. La volonté louable de Poutine et de faire tourner la Syrie sans Bachar, qu’il enverra dans une datcha en Crimée et donc de protéger autant que possible son administration, sa police et son armée pour remettre très vite le pays en ordre de marche.

L’Iran ne voie pas du tout d’un bon œil l’expansion d’EIIL vars l’Irak. Le premier ministre iranien s’est dépêché de signer des accords sur le nucléaire pour entrer dans le concert diplomatique international, mais surtout pour avoir les coudées franches pour intervenir militairement et reprendre la partie chiite de l’Irak. Les USA sont ainsi pris à leur propre piège où voulant ostraciser l’Iran, ils en ont fait élément incontournable de la paix au moyen orient.

Les pays du golfe en armant les factions djihadistes ont commis l’erreur de faire des chèques en blancs à ces bandits et n’ont pas assez accordé d’importance aux baasistes de l’Irak de Saddam qu’ils pensaient moribonds et qui avec EIIL sont entrés tels des éléphants dans un magasin de porcelaines dans ce concert diplomatique qui joue de plus en plus faux.

La Turquie continue son jeu fourbe avec les baasistes avec qui elle commerce et avec comme seul objectif d’en finir avec les Kurdes.

Israël ne bouge pas une oreille et se contente de frappes sporadiques dès qu’il existe un réel danger pour son territoire. Comme d’habitude elle est la grande gagnante , car sans rien faire elle en a fini avec son grand ennemi le Hezbollah complétement détruit par EIIL et va laisser la Russie et les occidentaux terminer le travail avec les djihadistes et le Hamas en place et très isolé par rapport à EILL.

A la lumière de ces événements, il est facile de comprendre que seule une intervention militaire terrestre peut mettre fin à ce conflit, que ni la Russie, ni les occidentaux et ni les USA peuvent se permettre d’intervenir au sol sans occasionner lourdes pertes pour leurs armée, car EIIL n’est rien d’autre que l’ancienne armée de Saddam associée à une majorité de militaires syriens qui eux sont venus avec leur matériel. Et quand on s’aperçoit que seule l’armée iranienne peut nous sortir de ce conflit, il est facile d’appréhender l’étendue du merdier.


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