Pourquoi je n’irai pas voter pour Mélenchon (alors que c’était le seul qui m’aurait motivé à...)

par Guerra
samedi 10 mars 2012

La plupart des « hommes politiques », comme on dit, ne m'inspire que mépris1. Si je prends donc le temps, aujourd'hui, de me fendre de cette petite bafouille, c'est que parmi le lot de déclarations ineptes dont les candidats et leurs supporters nous abreuvent durant cette campagne, l'une d'elles, en particulier, m'a fait bondir. Et, mort de mon âme, eût dit Brassens : à qui la doit-on, cette idiotie ? Au candidat du Front de Gauche, le seul qui était susceptible de me faire déambuler jusqu'aux urnes.

Or donc, de quoi parlé-je exactement ? De ça : il paraîtrait que les français n'en auraient rien à secouer, de la souffrance animale. Que ce n'est pas un sujet « sérieux ». Tel quel. C'est ce, qu'en substance, nous assène la péremptoire passionaria de l' « Humain d'abord ». L' Humain, à l'instar du négrier de jadis, ferait pas mal de décentrer un chouia son mode de pensée.

Mais procédons par ordre...

1. Fume ! C'est du culte !

Eh ! Non, il n'est ni grotesque ni vain de remettre en question les méthodes rituelles d'abattage. Il est d'ailleurs édifiant de constater que pour un républicain comme Mélenchon, les dérogations accordées à des religions ne posent pas le moindre souci !2 A ce compte-là, de quel droit irions-nous nous opposer, par exemple, à l'exercice de la loi du Talion telle qu'elle figure dans la Bible ? Hein ! J'aimerais voir ça, qu'un policier m'interpelle, qu'un juge me condamne alors que je ne fais que me conformer à ma croyance en enfonçant un rang de quenottes dans la bouche de mon agresseur. Pardi ! Je suis certain que ces M. Mélenchon et Cie3 rivaliseraient de trémolos pour défendre ma liberté de culte, n'est-ce pas ?

Liberté de culte qui fut gagnée, il n'est pas complètement inutile de le rappeler, contre l'intolérance religieuse qui a gangréné la France pendant des siècles ! Oui oui : pas pour défendre les braves religieux contre les méchants persécuteurs athées ou agnostiques, mais pour défendre des croyants contre d'autres croyants ! Ne pas confondre.

Allez, sois logique Jean-Luc, sois cohérent : tu t'attaques, avec raison, au Concordat. Hue ! Dia ! t'arrête pas en route et proclame bien haut que les religions, toutes les religions, n'ont pas à déborder de la sphère privée ni à intervenir dans le débat public, et n'aie donc pas peur de vexer les enjuponnés, barbus ou pas ! Regarde le Chirac encore Président se rendant à la messe, le gars Fillon recevant Rabbins et Imams... étranges petits arrangements avec la laïcité.4

2. Couic !

Clarifions d'emblée le propos : je suis végétarien. Depuis plus de 20 ans5. Par souci de cohérence (même si ça suffit pas à me filer bonne conscience, hélas). Et de gauche... enfin, disons, quelque part entre la gauche et l'anarchie, non toto, pas celle des bombes, je hais toutes les souffrances : pas me gonfler avec les vilains zamis des zanimaux qui sont indifférents au sort des humains, gnagnagnère.

Bref. C'est un peu agaçant, à la longue, de constater combien la Gauche méprise, dans l'ensemble, la question de la souffrance animale. C'est pourtant un vrai combat d'avant-garde, que celui-ci (pour certains philosophes, c'est même le prochain combat, après l'abolition de l'esclavage et les luttes féministes6).

Je ne suis pas prosélyte, ni même militant, aussi ne cherché-je à convaincre qui que ce soit. On continuera à manger de la viande demain ? Après-demain ? Soit. Qu'au moins, on regarde en face l'ignominie que représentent toutes les conditions d'abattage (hallal ou autre, je fous personnellement dans le même sac la fête du cochon de nos campagnes et la fête du mouton des Musulmans : seul le point de vue de la bestiole m'intéresse).

Qu'on la regarde, donc, et qu'on ose réfléchir vraiment à de nouvelles méthodes7 L'argument de M. Mélenchon, qui consiste à expliquer, dans le contexte de la polémique Hallal, que « c'était comme ça qu'on abattait avant en France » est le summum du non-argument !

Vérifions si ça tient avec quelques exemples choisis... Avant, en France, ma foi et en vrac, les femmes n'avaient pas le droit de vote ; le Christianisme était religion d'état ; la torture était, pour le moins, tolérée par la République, j'arrête avant de rendre...

Ah ! Pas de doute, la finauderie de cet argument fait vaciller mes convictions !

Eh ! Voui : pourquoi c'est-y qu'on vit et ne pense plus exactement comme avant ? Parce qu'on est censé progresser, c'est ça même !

Enfin, je ne suis pas fana de la citation à outrance, mais puisque c'est un ancien prof de français qui dirige le Front de Gauche, qu'il me soit permis ici d'en livrer trois,de citations,

qui témoignent, si besoin était, qu'on peut compatir aux souffrances humaines ET animales, que la souffrance n'a pas à être hiérarchisée :

« L'Enfer n'existe pas pour les animaux : ils y sont déjà. » (V. Hugo)

« Si la cruauté humaine s'est tant exercée contre l'homme, c'est trop souvent qu'elle s'était fait la main sur les animaux ». (Marguerite Yourcenar)

« La Terre, c'est Buchenwald tous les jours, pour les animaux. » Cavanna

3. Achtung !

Marine le Pen, en nouvelle égérie de la cause animale ? Qui le croit ?

Évidemment que c'est de la récup', on le sait bien qu'ils n'en ont rien à battre non plus, à l'extrême-droite, de la souffrance animale ! Si c'était le cas, ces braves bougres ne se focaliseraient pas sur la barbaque que l'on sait, mais aborderaient l'ensemble de la problématique de la condition animale... au lieu d'aller tirer le faisan ou de piquer le cerf, par exemple, comme c'est souvent le cas.

Triste farce que d'assimiler, au prétexte de certaines déclarations d'une Brigitte Bardot, par exemple, les défenseurs de la cause animale à des nostalgiques de je ne sais quel ordre noir... je veux bien admettre que ce soit pratique pour desservir la cause, ça oui.

4. La sieste !

Oui, vraiment, la Gauche s'honorerait à prendre en compte la condition animale.

Mais rien. Ou si peu !

Et voilà pourquoi, en ce beau dimanche du 22 avril, j'en connais un qui, au lieu d'aller glisser un papelard dans la boîboîte, va écluser une boutanche de rosée, du fond de son hamac !

Ecco !

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1. Suspens : qui sera le premier à ressortir Poujade du placard ?

2. La réglementation actuelle rend obligatoire l’étourdissement des animaux destinés à la consommation humaine avant leur abattage. Cependant, le code rural et de la pêche maritime (article R. 214-70) comme le droit européen (règlement du Conseil du 24 septembre 2009) prévoient une dérogation à cette obligation lorsque l’étourdissement n’est pas compatible avec les prescriptions rituelles relevant du libre exercice du culte.

3. C'est à dire l'ensemble des Tartuffe politiques.

4. Raël, quand c'est qu'on lui accroche la Légion d'Honneur, à Raël ? Et ma concierge qui préfère descendre du trottoir que de croiser un chat noir, quand c'est qu'on lui confie un audit sur la Prévention routière ? Et mon petit neveu qu'a peur du croquemitaine dans le placard, à ce compte-là, il a largement le niveau pour rédiger un mémoire sur les risques domestiques ! Et qu'on vienne pas me pontifier les différences entre religion et superstition, hein : ma concierge comme mon curé croient, et c'est marre. Z'ont bien le droit, pas moi qui le leur interdirait. Mais moi j'ai le droit de pas vouloir en entendre parler ni d'être contraint à respecter leurs délires. Aussi simple.

5. Au passage, réduisons une idée reçue : je mesure 1m82 pour 92 kilos (entretenus au footing, au vélo, à la natation, etc.) donc ne suis pas spécialement anémique.

6. Lire par exemple l'excellent petit bouquin L'Éthique animale, de Jean-baptiste Jeangène Vilmer (PUF)

7Une méthode simple consisterait à isoler l'animal dans un coin du pré et à lui tirer une balle dans la tête. Sans être idéal, ça aurait au moins le mérite d'économiser le stress (euphémisme) du transport, et de l'abattoir. Mieux : des chercheurs mettent au point une viande artificielle à base de culture de cellules... Barjavel et Cavanna furent visionnaires !


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