Pourquoi l’indépendance est la seule stratégie possible pour le MoDem !

par Thomas
mardi 29 avril 2008

Les municipales sont passées, mais rien n’y fait, la ligne de fracture demeure au MoDem entre les partisans d’alliances « judicieuses », « sur des majorités d’idée », et les tenants de l’indépendance, qui regrettent les quelques alliances déjà passées.

De façon amusante, tous se réfèrent aux déclarations de Bayrou décrivant le MoDem comme un parti indépendant, mais prennent quelques libertés avec son interprétation. Il s’agit pour les uns d’une liberté d’alliance, pour les autres d’une incitation à éviter ces alliances... quand il ne s’agit pas tout simplement de jouer pour soi tout en invoquant les noms de Bayrou et du MoDem jusqu’à les user. Tous ces cas de figures se sont présentés aux dernières municipales, parfois dans la même ville !

Petit inventaire des arguments qui reviennent le plus souvent dans la bouche des partisans d’alliances, suivi de mon analyse personnelle.

« L’indépendance du MoDem ne peut-être qu’un simple objectif tant que nous n’avons pas la taille critique ; d’ici là, nous devons former des alliances et des listes communes ».

En gros, cela revient à se fixer l’indépendance comme objectif et la non-indépendance comme moyen. Dans le même ordre d’idée, pourquoi donc ne pas proposer :
- l’épargne par la consommation ;
- la croissance par l’inflation ;
- le remboursement de la dette par l’emprunt ;
- la victoire du MoDem par procuration (donnée au PS ou à l’UMP) ?


À combien se situe donc cette fameuse "taille critique" ? 15 % ? 20 % ? 30 % des voix ?


Surtout, combien de temps faudra-t-il pour y parvenir ? Dix ans ? Vingt ans ?


Et, bien sûr, cette belle stratégie repose sur le fait que PS et UMP vont régulièrement proposer au MoDem des alliances qui lui permettront rapidement de remettre en question leur position dominante puisque, c’est l’évidence, c’est leur intérêt !

« Des élus, pour être indépendants et avoir un comportement indépendant, doivent être élus et cela passe par des majorités d’idées. »

« L’indépendance n’est pas possible avec le scrutin majoritaire, il faut nécessairement appartenir à un pôle pour avoir des élus. Quand les scrutins permettront des élus via la proportionnelle, alors tout ira beaucoup mieux. »

Avoir des élus est un miroir aux alouettes. On pense que tout se joue là, mais ce qui est important, c’est d’avoir des électeurs. Le reste en découle. C’est la seule stratégie payante à terme, celle qui permet de dépasser le seuil créé par le scrutin majoritaire. Et, pour en avoir, lorsqu’on ne se trouve pas déjà en position de force, il faut une démarche sincère, un message clair. C’est ce que Bayrou avait en 2007. Ça et des militants motivés. C’est également ce qui vaut un certain succès à Besancenot, et jadis à Le Pen (mais leurs positionnements extrêmes combinés au mode de scrutin les privent d’un report républicain voire suscite des fronts républicains, handicap que le MoDem n’aura pas).

Bien sûr, si on peut avoir d’emblée beaucoup d’élus, ça devient vite déterminant, mais s’il faut se contenter de l’aumône d’une poignée d’élus accordée par l’UMPS, le prix à payer en lisibilité et en indépendance est trop important pour un gain minime, et on finit par le payer dans les urnes.

Les élus sont tout de même bien utiles pour soutenir les finances du parti, mais rien n’oblige à ce que ces élus se trouvent dans les villes les plus en vue. Et là encore, le Front national est là pour démontrer qu’un parti peut vivre confortablement sans aucune alliance, très peu d’élus, mais beaucoup de militants et d’électeurs.

« Même avec un élu par-ci, un élu par-là, nous apporterons la démonstration que nous pouvons travailler ensemble avec les gens qui, pour n’avoir pas le même discours, partagent les mêmes valeurs. »

Si on veut démontrer notre capacité à travailler avec d’autres sensibilités politiques, il faut que cela apparaisse comme un choix totalement libre et consenti. Un élu sur une liste indépendante, qui est élu sur SON discours, SES idées, qui décide APRÈS l’élection de travailler avec des élus d’autres listes démontre effectivement sa bonne volonté réelle et son ouverture d’esprit. Celui qui décide avant l’élection, qui fait campagne sur les idées de sa liste, démontre avant tout sa discipline de liste.

Un élu sur une liste autonome CHOISIT avec qui il va travailler.


Un élu sur une autre liste EST CHOISI par cette liste.

« Les fanatiques de la pureté ne réalisent pas que l’on ne peut pas avoir tout et tout de suite ! »

"Soyons réalistes, demandons l’impossible !"

Ce que certains dénoncent comme de la pureté (une notion assez inhabituelle en politique) est en fait de l’audace, de la capacité à réfléchir en dehors des sentiers battus.

En suivant des stratégies d’alliance, le MoDem continuera de n’avoir qu’une poignée d’élus. Ceux qu’il a obtenus par des ralliements à des listes PS ou UMP ne pèsent pas grand-chose au regard des forces du reste de ces listes, mais ils pèsent lourd sur le plan symbolique car c’est une démonstration éclatante de ses divisions et une absence totale de lisibilité pour les électeurs.

Cette stratégie est bonne pour un parti qui pèse 10 % et espère en atteindre 15 ou 20 un jour lointain. C’est le livret A de la stratégie électorale : pas de risque, peu de profit.

Mais, si on veut vraiment franchir une marche d’escalier électorale, il faut accepter une prise de risque, il faut accepter des pertes initiales, il faut aller vers les produits financiers risqués, mais à gros potentiel.

En fait, l’unique élection que le MoDem a une chance réelle de remporter à court terme, c’est la présidentielle. Le Pen (re-désolé pour l’exemple) a démontré qu’un petit parti sans la moindre alliance (pas même le MNR de Mégret) peut parvenir au second tour de la présidentielle. Bayrou en est certainement capable aussi et, en plus, de la remporter. On lui reproche de ne penser qu’à son intérêt personnel, mais l’avenir du MoDem passe par la victoire en 2012, seule accessible à court terme, seule susceptible de créer une dynamique électorale qui fera progresser significativement les scores du MoDem. D’ici là, il doit faire fructifier son capital politique, mais ne peut en aucun cas se permettre d’en faire une gestion de bon père de famille.

Toute la stratégie de Bayrou depuis la campagne présidentielle est basée sur la prise de risques. S’il s’est émancipé de la confortable (bien qu’étouffante) tutelle UMP et de ses rentes, ce n’est pas pour se lancer dans des stratégies à la petite semaine, ce n’est pas pour placer son capital électoral sur un livret A. C’est pour gagner en 2012 et créer la dynamique électorale qui, même dans un scrutin majoritaire, fera émerger le MoDem.

Bien sûr, il n’est ni illogique ni illégitime que des élus au capital politique moindre que celui de Bayrou, ne soient pas disposés à risquer toutes leurs maigres économies dans cette voie. Le Nouveau Centre est pour eux une gestion beaucoup plus sécuritaire et tranquille de leur capital politique. Peu d’élus centristes en effet sont en mesure d’affronter à la fois un candidat PS et un UMP et de s’imposer. S’ils ont le goût du risque, ils peuvent accepter la défaite pour un temps, miser sur une victoire de Bayrou en 2012 et compter sur une vague orange pour les porter aux prochaines élections. Sinon, ils peuvent se contenter de rester à flots dans les eaux territoriales UMP, sachant tout de même le caractère précaire de cette situation, l’UMP pouvant, à tout moment, décider de se passer d’eux et leur opposer un challenger.

Pour toutes ces raisons, je pense que le MoDem n’a d’avenir que s’il adopte une ligne indépendante (avant l’élection car rien n’interdit après aux élus de tous bords de collaborer, c’est même souhaitable). Peu importe s’il obtient un ou deux élus de plus ou de moins, l’essentiel est qu’il prolonge le message ET SURTOUT LES ACTES de Bayrou lors de la campagne présidentielle. Les électeurs ont démontré qu’ils y sont sensibles et qu’en revanche ils méprisent les petits calculs d’alliances et d’appareil.

Bayrou a actuellement bien du mal à se rendre maître de ses troupes, notamment du fait d’une ligne politique qu’il tarde à clarifier, ce qui déroute les militants et laisse évoluer sans aucun arbitrage des conflits locaux entre « alliancistes » et « indépendantistes ». Il serait bien inspiré de se décider rapidement, sinon il ne lui restera pas grand-chose de ses 18,5 % de 2007 ni de ses 60 000 adhérents. Quand on joue gros, on peut perdre gros !


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