Pourquoi l’occident va perdre la guerre contre la Chine sans se battre ?
par Breton8329
jeudi 27 février 2020
Le principal défi de l’occident aujourd’hui, est de consommer toujours davantage en produisant toujours moins, en ayant épuisé toutes ses ressources et en gardant bonne conscience. Les Chinois savent que nous vivons dans un rêve et que nous sacrifierons notre futur pour prolonger ce rêve. Ils déploient une stratégie a long terme qui pourrait bien nous éjecter de l’Histoire.
Contrairement aux échecs, qui reste un jeu de confrontation, le jeu de Go est un jeu d’influence, qui s’inscrit sur un temps long et qui recours à toutes les subtilités que permet ce temps, y compris le détournement d’attention, la guerre d’usure, le pourrissement… C’est au moment de la victoire que la rationalité du gagnant se manifeste dans toute sa plénitude, le perdant ne pouvant que s’incliner face à la cohérence et la solidité du dispositif patiemment assemblé, pierre après pierre. Le dénouement est à la fois une révélation et un moment très brutal car il consacre de façon définitive la supériorité intellectuelle du gagnant, le perdant n’ayant alors plus aucune marge de manœuvre ; il est asphyxié.
L’inconvénient majeur d’une stratégie qui s’inspirerait de ce jeu, à l’échelle planétaire, serait son incompatibilité avec l’espérance de vie des humains. Une stratégie gagnante ne pouvant que s’établir sur plusieurs générations, elle exigerait un sacrifice relatif du présent pour maximiser les gains futurs. En soi, le pion, l’homme, le petit groupe, n’aurait que peu de valeur, ce serait juste la brique d’un mur en devenir, ou une diversion. In fine, il serait sacrifié ou il se connecterait avec d’autres hommes, pour créer une structure solide et pérenne, qui délimiterait in fine un territoire auquel le perdant n’aurait plus accès.
Pion après pion, la Chine déploie un dispositif sur terre, en mer, dans l’espace, dans le cyberespace, etc. Lorsqu’elle rencontre une trop forte résistance, elle ne s’obstine pas, elle se déploie ailleurs, un peu comme le ferait un joueur de Go, et puis elle revient plus tard, lorsque les conditions lui sont plus favorables. Paradoxalement, la principale force de la Chine, c’est le dollar, ce mauvais papier que tout le monde s’arrache, qu’elle détient en quantité et qu’elle peut échanger contre un port, un aéroport, des terres agricoles, une usine, une ligne de chemin de fer, etc. qui constituent autant d’éléments de base pour la structure qu’elle est en train de bâtir, pierre après pierre, sur plusieurs dizaines d’années.
La faisabilité d’une stratégie de ce type exige l’acceptation, sur un temps très long, du sacrifice des pions, jusqu’à ce que la structure finale soit achevée. Le projet est presque messianique, les hommes doivent s’effacer devant quelque chose de plus grand qu’eux, accepter que leur vie ne soit que souffrance, en préparation d’un monde merveilleux pour les générations futures. Il exige de transcender le cadre individuel, de croire en autre chose qu’en l’individu, de croire que le groupe est plus important que l’homme.
C’est de là, sans doute, que procède notre incompréhension majeure avec la Chine. Obnubilé par une approche très politique des droits de l’homme, l’occident n’a jamais voulu prendre en compte la tension qui existe entre les droits des individus et ceux du groupe, entre les droits civils et politique (droit de type 1) et les droits sociaux économique et culturels (droits de type 2), le déploiement des droits de type 1 s’inscrivant dans un temps beaucoup plus court que ceux de type 2, parfois au détriment de ces derniers. Écrit différemment, dans certains contextes, le combat pour les libertés individuelles pourrait être incompatible avec la prospérité - voire la pérennité - du groupe. Il est d’ailleurs permis de s’interroger sur l’utilisation des droit sociaux-politique des individus comme composante de stratégies visant à l’affaiblissement des États, mais ce vaste sujet ne sera pas traité ici, puisque la Chine n’est pas tombée dans ce piège. D’ailleurs, preuve que cette stratégie a fait long feu, si notre bon président Sarkozy aborda la question des droits de l’homme avec son homologue Hu Jintao lors de sa visite en Chine en 2010, il n’en fut nullement question lors de la dernière rencontres entre Macron et Xi Jinping.
Le principal avantage d’une stratégie à long terme est que nous n’aurons pas, de notre vivant, à supporter les conséquences de nos mauvais choix. Les chinois ont bien compris que l’occident est avant tout un ensemble d’individus, ou de petits groupes, qui se battent les uns contre les autres sur un ring nommé « marché », avec la certitude – puisque l’URSS s’est effondrée - que le progrès ne peut découler que de ce combat. Les chinois savent également utiliser les ambitions des élites confrontées à des échéances électorales, qui sacrifieront toujours la vision à long terme contre la réalisation de gains immédiats. Ils savent jouer de la cupidité des puissants qui n’hésitent pas à transférer de précieux savoirs faire technologiques en échange de misérables gains salariaux. Enfin, ils savent certainement que l’attachement aux droits civils et politique génère une instabilité qui ne permet pas de sortir d’une approche infantilisante de la société. Les occidentaux considèrent trop souvent que l’approche politique permet de résoudre tous les problèmes, y compris lorsqu’ils procèdent d’impasses économiques. Aux prochaines élections, combien sont convaincus que voter Marine Le Pen résoudra tous les problèmes ? Les adultes devraient savoir qu’il n’ y a pas de solution politique à un problème qui se résume à « produire moins pour consommer plus », d’autant moins que le rééquilibrage des forces mondiales réduit les gains potentiels des solutions militaires.
Ceux qui partent de zéro savent qu’il doit y avoir une concordance entre leurs ambitions et leur niveau de sacrifice initial. Les américains disent « no pain, no gain ». L’inventeur des aspirateurs Dyson, par exemple, avait tout sacrifié avant de devenir millionnaire. Mais aujourd’hui, personne ne fait autant de sacrifices que la Chine ; il est donc légitime de s’interroger tout d’abord sur les ambitions chinoise et ensuite sur la volonté des chinois de défendre leurs acquis. Sur ce dernier point, il ne faut avoir aucun doute sur la volonté d’un peuple qui a été capable de sacrifier de nombreuses générations pour atteindre ses objectifs. Sur le premier point, il est évident que la Chine veut doter sa population de tout le confort moderne. Et puisque la capacité de notre planète à soutenir le confort de l’ensemble de ses habitants est un sujet d’inquiétude, il est évident que nous nous acheminons soit vers une redéfinition du mot confort, soit vers d’âpres combat pour les ressources. Par ressources, il faut entendre sources énergie, mines d’extraction des matière première, eau, terres agricoles, main d’œuvre, mais aussi les points et voies d’acheminement de ces ressources…
Si la stratégie est bonne, le dispositif final ne se révèle qu’à la fin de la partie, lorsque l’adversaire est asphyxié. Le fait que l’on commence a percevoir le dispositif chinois signifie-t-il que l’échéance est proche ?