Pourquoi la dénomination de « Zouj Bghal » de la frontière Algérie-Maroc, maintenue par le Maroc après l’indépendance, devrait être remplacée ?

par Hamed
lundi 3 novembre 2014

   Le problème algéro-marocain n’est pas simple. Il remonte loin dans l’histoire. Le Maroc comme l’Algérie ont joué un rôle essentiel dans la défense du Maghreb contre la Reconquista. Ces événements historiques remontent très loin. Et la roue de l’Histoire a tourné. L’Algérie a été colonisée dès 1830 avec le déclin de l’empire Ottoman, le Maroc est placé sous protectorat plus tard, en 1912 par la France en 1912. Les visées impérialistes du kaiser allemand l’ont accéléré. C’est ainsi que deux pays importants du Maghreb, l’Algérie et le Maroc furent englobés dans l’empire français.

  Evidemment, les peuples ne peuvent rien contre les vicissitudes de l’Histoire, puisque les peuples européens, ironie de l’Histoire, se sont trouvés aussi à « s’entretuer » durant la « Grande Guerre » (1914-1918) et le Deuxième Conflit mondial (1939-1945).

 On eut alors d’un côté des peuples arabo-berbères nord-africains colonisés et des peuples européens enferrés dans la servitude d’une « industrie aliénante » (pays noirs des mines, usines d’armements, villes dortoirs) ou transformés en « chair à canon ». L’Europe a perdu tout repère dans cette volonté de puissance, une véritable nihilisation de la pensée européenne. L’industrialisation rapide réponse à l’avancée démographique n’apporta pas donc que du bonheur mais surtout des malheurs, au même titre que ceux qu’ont connu les peuples assujettis.

 Des séquelles de la colonisation ont été ressentis par les peuples. Si le Maroc et l’Algérie ont reconquis leur indépendance, respectivement en 1956 et 1962, cela ne veut pas dire que tous les problèmes de la colonisation ont disparu. Il y a des événements historiques qui ont la peau dure, ils ne veulent pas disparaître.

 Aujourd’hui, par exemple, les deux peuples se trouvent séparés par une frontière terrestre fermée depuis une vingtaine d’années. Pourquoi dira-t-on ? A cause de la politique ? Mais si c’est à cause de la politique, cela peut se comprendre. Et on n’y peut rien car cela relève de la politique et les régimes politiques des deux pays sont d’essence antagonistes. D’un côté un régime monarchique, de l’autre un régime républicain. Et les peuples n’y peuvent rien, il faudrait une révolution pour que tout change.

 Mais, au-delà des régimes politiques, il y a parfois des faits qui arrête l’attention, qui fait rappeler la « bêtise humaine », et surtout jusqu’où elle peut aller. Et c’est cela qui étonne, et encore de nos jours. Et souvent les gens en relatent sans faire attention, parce que cela paraît insignifiant bien qu’elle renferme beaucoup de sens. D’autant plus que cela a trait à la colonisation.

 Et justement il concerne un article très récent publié sur www.agoravox.fr « Maroc-Algérie : « Zouj Bghal », et comme le dit l’auteur, littéralement traduit « Les Deux Mulets ». Ce nom arabe a été donné à la frontière algéro-marocaine par la France. L’auteur énonce « A part les coups de feu, encore une fois les gardes frontières Algériens ont ouvert le feu sur des civils marocains soulevant un tollé, certes « légitimes », dans la classe partisane marocaine ». Passant sur les gardes-frontières qui ne sont qu’un fait divers, mais pourquoi fait-il ressortir le nom de la frontière algéro-marocaine ? On peut même dire que c’est très bien qu’il l’ait fait.

 Il faut rappeler que le nom de cette frontière a été donné du temps de la colonisation, donc par la France. Ce qui est incompréhensible, c’est que l’Algérie a changé le nom de cette frontière dès l’indépendance et l’a renommée « Akid Lotfi », du nom d’un des chefs historiques de la révolution algérienne. Une longue guerre de libération qui a fait plus d’un million de morts.

  Evidemment, c’est du passé. Le monde a complètement changé. D’autres problèmes se posent aujourd’hui qui n’ont presque rien à voir avec le temps colonial. Au contraire l’Europe cherche à se préserver des Harraguas, ceux qui traversent la mer Méditerranée pour rejoindre cet eldorado qu’est devenue l’Europe. Sans prendre conscience que l’Europe vit la plus grave crise de son histoire contemporaine après les deux conflits mondiaux.

 Pourquoi le Maroc a maintenu ce nom qui provient de la colonisation ? Par le sens même de « Zouj Bghal », n’exprime-t-il pas « Les Deux Mulets » dans la ligne de frontière entre les deux pays, deux nations devenues souveraines ? Pourquoi l’Algérie a changé le nom ? N’a-t-elle pas senti l’indécence dans cette appellation ? Et si la France, par ses autorités coloniales, a voulu, du temps de la colonisation, viser manifestement le Maroc et l’Algérie. Un mulet à l’Ouest, un mulet à l’Est. Voit-on, par exemple, une frontière franco-espagnole, franco-allemande ou autre… s’appeler ou « Les Deux Mulets », « Les Deux Ânes » ? Par le côté débile et la symbolique que représente une telle appellation, ce serait impossible, inacceptable pour les pays européens.

 La question se pose pourquoi le Maroc, les autorités cela va soi, continuent d’utiliser ce nom pour la frontière. Est-ce qu’il y a simplement un engourdissement du temps au point que cela paraît normal ? Evidemment, un pays monarchique laisse peu de liberté mais ce n’est pas une raison pour ceux qui président au destin du Maroc de ne pas prendre conscience de la débilité de l’appellation. Car, non seulement, ils ont maintenu le nom que la puissance colonisatrice a laissé mais ils ont maintenu le « Zouj », c’est-à-dire « Deux ». L’Algérie aurait dû demander aux autorités marocaines, par la voie diplomatique, de remplacer cette dénomination par un nom plus marquant de l’histoire marocaine. Et probablement, l’Algérie l’a demandé puisqu’elle a changé de son côté la dénomination de sa frontière. Et cette question s’est posée après l’indépendance.

  Mais si refus il y a eu de la part du Maroc, l’Algérie aurait dû au moins demander d’enlever le « Zouj », c’est-à-dire « Deux ».

 Mais le Maroc aura-t-il écouté ? Manifestement non !

 

Medjdoub Hamed 

Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,

Relations internationales et Prospective.

www.sens-du-monde.com


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