Pourquoi la France se tourne vers Moscou et Pékin

par Roosevelt_vs_Keynes
jeudi 4 janvier 2018

Bruno Le Maire personnifie sans doute à lui tout seul la contradiction criante dans laquelle se trouve le gouvernement français, sous la présidence Macron, se faisant d’un coté le serviteur fidèle de la « bonne » finance anglo-saxone, tout en souhaitant, de l’autre côté, engager la France dans le paradigme de coopération multipolaire mis en œuvre par la Chine et plus généralement les BRICS.

Quelques jours avant la visite d’État d’Emmanuel Macron en Chine le 8 janvier, où l’on s’attend à des avancées majeures dans la coopération entre nos deux pays, le Wall Street Journal (WSJ) publie le 29 décembre un article basé sur une interview du ministre français de l’Économie et des Finances, réalisée deux semaines plus tôt lorsque Le Maire se trouvait à Moscou. Titrant « La France envisage de renforcer ses liens commerciaux avec la Russie et la Chine », le WSJ s’inquiète de ce que la presse – y compris française – n’avait pas relevé à ce moment-là, et qui pourtant est tout à fait essentiel : le fait que la France songe à réaligner l’Europe sur la Chine via Moscou. Même si le terme n’a été utilisé ni par Le Maire ni par le journal new-yorkais, un tel axe s’inscrirait implicitement dans le cadre plus large de l’initiative chinoise de la ceinture et la route (BRI). Ce qui, bien entendu, ne doit pas ravir les acharnés d’un monde unipolaire anglo-américain.

Ceci est un premier signe timide que les Européens envisagent de plus en plus de se détourner des anglo-américains, par la force des choses. Deux facteurs y contribuent : premièrement, il y a le retour de bâton des sanctions imposées pendant l’été 2017 par le Congrès américain (contre l’avis de la Maison-Blanche), qui visent toute entreprise européenne faisant des affaires avec la Russie. De telles sanctions, fondées sur le concept douteux d’une supposée juridiction extraterritoriale, font des États-Unis « un gendarme de facto du commerce mondial », ce qui est « contraire à notre vision d’un ordre mondial multilatéral », a précisé Bruno Le Maire.

Le deuxième facteur est l’absence de réelle perspective de reprise de l’économie américaine, en dépit de l’euphorie de Wall Street et des incantations fiscales de Donald Trump. De plus, Le Maire ainsi que d’autres ministres européens de l’Économie ont publiquement déploré le fait que les baisses d’impôts sur les entreprises que Trump vient de faire voter au Congrès vont faire partir les capitaux américains d’Europe. Soit dit en passant, l’idéologie qui sous-tend la réforme fiscale de Trump est également la même que celle ayant sous-tendu la loi sur le budget 2018 engagée par Macron à l’automne…

Mais ne nous y trompons pas : il s’agit bien là d’une confirmation de l’inflexion de la politique étrangère de la France par Macron, notamment depuis qu’il a accueilli Vladimir Poutine à Versailles en mai 2017, à l’occasion du 300e anniversaire de Pierre le Grand. Il faut se souvenir que c’est Bruno Le Maire qui avait écrit le discours de Dominique de Villepin à l’ONU, en 2003, contre la guerre d’Irak, sans doute l’un des derniers actes souverains de la France de Chirac (aux côtés de l’Allemagne de Schroeder et de la Russie de Poutine) face à l’impérialisme des néo-conservateurs et des intérêts financiers logés outre-Atlantique et outre-Manche.

Toutefois, comme l’avait dit Jacques Cheminade à l’attention de François Hollande en 2012 : « on ne peut pas faire un enfant à moitié ! » C’est-à-dire qu’on ne peut pas dérouler le tapis rouge à la finance de la City et de Wall Street, et « en même temps » espérer contribuer à bâtir un monde de coopération et de développement multipolaire.

À nous, à travers le combat politique de Solidarité & Progrès, de résoudre cette contradiction...

Source : Solidarité & Progrès

 


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