Pourquoi la guerre ?

par Pierre
mardi 12 novembre 2013

La commémoration de l'anniversaire de la fin de la Grande Guerre s'est passée dans la contestation à Paris. C'est dommage. Les victimes de cette effroyable boucherie méritent notre respect pour les souffrances qu'elles ont endurées pendant quatre ans dans des conditions qu'on ne peut plus imaginer aujourd'hui. Ce respect ne va ni aux responsables de cette guerre ni aux généraux qui ont sacrifié des milliers de vies pour leur gloire personnelle. N'oublions pas que les gaz de combat dont on parle tant ces dernières semaines ont été expérimentés pour la première fois dans les tranchées d'Ypres par les Allemands en 1915.

Le mot « guerre » a sur moi le même effet qu'une madeleine pour Proust. Cela réveille en moi des souvenirs d'enfance et cela commence toujours par un souvenir précis.

J'avais aligné mes petits soldats sur le sol et j'allais commencer ma petite guerre d'enfant entre deux armées.

Mon grand-père me demanda alors si je savais pourquoi ces soldats allaient se battre.

Eh bien oui, répondis-je, les bons vont attaquer les mauvais. Comme un raisonnement d'enfant est simple ! La lutte du bien contre le mal et sans avoir lu la bible. Il est vrai que la Seconde Guerre mondiale était encore dans tous les esprits dans les années 50.

Mais non, me répondit mon grand-père, ce n'est pas une raison pour faire la guerre. Les guerres servent à faire tourner les économies. On casse tout et puis on reconstruit. Cela donne du travail aux gens et cela enrichit les patrons.

Là, cela devenait trop compliqué pour ma petite tête d'enfant. Je ne voyais pas pourquoi il faudrait casser mes anciens jouets pour m'en offrir de nouveaux mais soit. On n'a pas encore appris à défendre ses idées quand on a 6 ans.

Plus tard, j'appris à l'école qu'il y avait des guerres de religion, des guerres d'indépendance ou des guerres de conquête mais on ne m'apprit jamais qu'il y avait des guerres pour faire tourner les économies. J'avais l'âge de raison mais mon grand-père n'était plus là pour en parler.

J'étais jeune adolescent quand une guerre de Six Jours éclata au Proche-Orient. Une autre de Cent Heures en Amérique Centrale. Tout cela me semblait très exotique. Les Européens étaient dans leur cocon et faire la guerre en Europe leur était inconcevable.

En 1989, la chute d'un mur mit fin au monde bipolaire. Francis Fukuyama put annoncer la « Fin de l'Histoire » Le monde bascula. Il n'y avait plus d'ennemis et on a pu rêver quelques temps que tous les conflits résiduels se régleraient devant des tables de négociation. (Oslo.)

Je compris qu'on pouvait faire tourner les économies sans faire la guerre. Il suffisait que le FMI et la Banque mondiale prêtent de l'argent à des pays du tiers-monde moyennant des réformes libérales pour faire tourner nos usines avec des retours sur investissement de 500%

Mais les guerres reprirent de plus belle. La guerre du Golfe (1990-1991), les guerres de Yougoslavie (1991-2001), le conflit israélo-palestinien 1948 - ...).

Une nouvelle doctrine vit le jour : R2P, responsabilité de protéger.

Nos démocraties, sans adversaire de leur niveau, ne se sentaient plus liées par la Charte des Nations Unies. L'ouverture des hostilités débuta avec la guerre du Kosovo (1999). Une guerre curieuse. L'OTAN ne chercha pas à détruire les forces militaires ennemies mais se mit à bombarder les usines serbes (de voitures, de tabac, etc) et les infrastructures civiles (ponts, bâtiments, télévision).

C'est alors que les paroles de mon grand-père me revinrent à l'esprit. Quel rapport y a-t-il entre la destruction de fabriques de tabac et la protection de civils « en danger » à l'autre bout du pays. Aucun évidemment. Et si finalement mon grand-père avait dit vrai. Si la destruction d'une fabrique de tabac serbe favorisait la vente de cigarettes Malboro. J'avais un doute qui fut levé quand Bernard Kouchner, le Haut représentant de l'ONU au Kosovo (1999-2001), déclara à un journaliste qu'il avait manœuvré pour que ce soit une entreprise française qui décroche le contrat de téléphonie au Kosovo plutôt qu'une étasunienne.

Les guerres suivantes ôtèrent les derniers doutes de mon esprit. Il ne fut pas nécessaire de détruire l'Afghanistan pour le reconstruire, ce pays était dépourvu de tout. Les contrats de construction dans ce pays ont alors été distribués au grand profit des compagnies étasuniennes.

Moins de deux ans plus tard, ce fut le tour de l'Irak. Ici, il s'agissait de détruire pour reconstruire. Les compagnies étasuniennes se sont rempli les poches grâce au budget fédéral et à la mainmise sur le pétrole irakien. On peut citer Halliburton, DynCorp International, International American Products, etc.

La Libye subit la même punition en 2011. L'instabilité actuelle ne permet pas encore la reconstruction de ce pays mais soyons sûr que ce n'est qu'une question de temps.

La dernière victime en date devait être la Syrie. Elle vient cependant d'échapper de peu à cette tragédie

Il me restait une question sans réponse. Pourquoi casser ces pays-là plutôt que d'autres ?

La réponse m'est apparue récemment. Tous ces pays n'étaient pas endettés et refusaient de se lier aux draconiennes contraintes du FMI. Il n'y avait qu'un moyen pour y implanter nos entreprises : les détruire pour ensuite les reconstruire.

Bien sûr, on peut évoquer d'autres raisons : le néo-colonialisme ou la géostratégie mais on en revient toujours aux raisons économiques.

Pour être de bon compte, la Russie contemporaine a utilisé la même méthode dans la guerre de Tchétchénie.

Voyez Grozny en 2000 qui ressemblait à Berlin en 1945 et la même ville en 2013 avec ses gratte-ciel et ses centre commerciaux à l'européenne.

Ici aussi, des entrepreneurs et des dirigeants locaux ont dû bien s'enrichir.

Pour finir, les discussions actuelles sur l'Iran avancent parce que les États-Unis se voient ouvrir une opportunité d'investir le marché iranien.

Le raidissement de Laurent Fabius est sans doute lié au fait que la France n'a pas sa part du gâteau.

Je termine cet article par quelques citations sur la guerre qui sont à méditer.

La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens. (Carl von Clausewitz.)

C'est une bien cynique vision de l'auteur de « De la Guerre ». C'est même une très contestable vision que certains appliquent trop vite

 

On fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut. (Nicolas Machiavel.)

Georges W Bush ne s'en est pas soucié. Barack Obama doit assumer la deuxième partie de cette citation.

 

Si tu veux la paix, prépare la guerre. (Si vis pacem, para bellum.) Un oxymore attribué à l'auteur romain Végèce. Il est paradoxal de dire que les fortes armées assurent la paix. Les militaires qui ont de si belles armes brûlent d'envie de les essayer. Ces fous peuvent peuvent parfois travailler dans un bâtiment qui a la forme d'une surface à cinq côtés.

 

Il n'y a pas de paix possible après la guerre. (Proverbe arabe.)

Si c'est vrai, comment sortir de la guerre en Syrie ?

 

La première victime d'une guerre, c'est la vérité. (Rudyard Kipling.)

Sans commentaire.

 

Celui qui sait vaincre n'entreprend pas la guerre. (Proverbe chinois.)

A méditer s'il y a encore des sages qui gouvernent le monde.

 

La guerre ! C'est une chose trop grave pour la confier à des militaires. (Georges Clémenceau.)

Jadis, les militaires ont cherché la gloire en faisant des guerres. Aujourd'hui, ce sont les politiciens qui espèrent en tirer un bénéfice. La formulation de cette citation est à revoir.

 

Faites l'amour, pas la guerre. (Make Love, Not War) (Anonyme). Un slogan oxymorique anti-guerre venant des États-Unis. Ce slogan a eu une incontestable influence pour mettre fin à la guerre du Vietnam.

On ne fait pas la guerre pour se débarrasser de la guerre. (Jean Jaurès.)

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? (Jacques Brel.)

 

Dans toutes les guerres, l'Angleterre gagne toujours une bataille : la dernière. (Elefthérios Vénizélos.) Je l'ai gardée pour la fin. C'est tellement vrai, on n'a qu'à penser à Waterloo.

 


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