Pourquoi les candidats à la présidentielle ne peuvent pas dire la vérité

par Gilles Mérivac
mardi 14 février 2017

Même si les électeurs ne s'intéressent pas à la politique étrangère et la situation internationale, celles-ci pèsent de tout leurs poids sur notre économie et nos emplois, et elle seront déterminante pour notre manière de vivre. Les communications étant beaucoup plus faciles et rapides qu'autrefois, les nations sont plus que jamais interdépendantes.

Le dilemme de l'euro : en sortir ou pas

Cette monnaie est comme un costume qui n'existerait qu'en une seule taille, la plus grande. Dès le départ, l'Allemagne a exigé et obtenu un euro en parité avec le mark, c'est-à-dire un costume taillé à ses mesures. Avec la puissance exportatrice de ce pays, l'euro s'est comporté sur la marché international des monnaies exactement comme le mark l'aurait fait, perdant un peu de valeur quand l'industrie allemande s'essoufflait et en reprenant quand celle-ci se regonflait.

Par contre, les autres pays n'avaient pas le choix, ils devaient s'adapter à la situation tant bien que mal et ne pouvaient jouer sur la monnaie pour soutenir leurs exportations. C'est ainsi que petit à petit nos fleurons industriels se sont fait tailler des croupières par nos concurrents, seuls ont survécu les groupes qui avaient déjà une dimension européenne, comme Airbus. Le sort des pays ayant une forte industrie locale, la France, l'Italie et l'Espagne est déjà réglé et leurs industries s'effondrent comme châteaux de cartes. Des pans entiers de l'économie sont rachetés par des fortunes étrangères.

Selon le principe des vases communicants, les faiblesses des pays du sud deviennent des atouts pour l'Allemagne dont les exportations en Europe battent des records. Celle-ci devient naturellement le leader de l'UE, mais sa domination ne peut se faire que des pays en perte de vitesse, ce qui se traduit par des dettes de plus en plus vertigineuses. La cohérence voudrait que ce soit l'Allemagne qui rembourse les déficits, à cause de ses excédents, le fédéralisme étant d'ailleurs le seul chemin pour harmoniser des économies aussi diverses.

A lui seul, le test de la Grèce permet d'affirmer que l'Allemagne refuse cette solidarité, et qu'elle ne paiera certainement pas les dettes des états en difficulté. A vrai dire, c'est compréhensible car la pente est savonneuse, et si elle cède une seule fois plus aucun pays du sud ne fera d'efforts pour équilibrer son budget. Quant au fédéralisme, je soupçonne fortement qu'Angela Merkel préfère être à la tête d'un état dominateur plutôt que d'un ensemble hétéroclite et difficilement gouvernable.

A cause de ces écarts de plus en plus prononcés, les tensions sur la monnaie risquent dont à terme de devenir insoutenables. L'autre solution est la sortie de l'euro, mais personne ne sait vraiment comment cela peut se passer. En supposant que nous revenions au franc, les créanciers pourraient se précipiter pour réclamer leur dû en nous plongeant dans une crise majeure et ruinant en même temps tous les épargnants. En restant dans l'euro, ils seraient quand même ruinés, mais progressivement. Voilà ce que nos prétendants ne peuvent pas dire, car ils doivent vendre de l'espoir.

Cependant, les dirigeants européens n'ont pas renoncé à leur modèle et ont cherché une façon détournée de garder le statu quo actuel en agissant sur la masse salariale.
 

L'immigration, arme contre les revendications des salariés

Les dirigeants capables d'influer sur l'économie qui se réunissent régulièrement à Davos et ailleurs sont bien conscients que le creusement des déficits est causé principalement par les revendications salariales. Mais si l'on provoquait une concurrence très forte sur le marché de l'emploi, les travailleurs auraient peur de perdre leur emploi et accepteraient alors des conditions beaucoup moins avantageuses, ce qui réduirait d'autant les déficits.

Ce n'est donc peut-être pas une coïncidence que la déstabilisation de la Lybie et de la Syrie aient provoqué ces vagues de réfugiés. Le feu vert de cette politique a été vraiment donné lorsque Merkel a instrumentalisé la photo du petit Aylan en imposant des quotas d'immigrés dans tous les états de l'UE. Pour les stratèges de l'UE qui vivent dans des endroits inaccessibles au commun du peuple, l'incompatibilité des cultures et les problèmes sociaux engendrés n'ont pas plus d'importance que la vie des fourmis qui se déroule à leurs pieds.

Le calcul de Merkel est très simple, la masse des réfugiés empêchera toute amélioration des conditions de vie des travailleurs en augmentant la natalité, et permettra ainsi de faire passer des lois sur le travail plus contraignantes pour le salarié. En même temps, ces lois doivent favoriser l'embauche des immigrés, plus accommodants. Les autres pierres angulaires de cette construction sont constitués des gouvernements sociaux-démocrates, donc de la même tendance que la majorité des parlementaires européens. En effet, bien mieux qu'un parti de droite toujours soupçonné d'être « pour le patronat », ces partis peuvent plus facilement faire des réformes dans le sens voulu par les dirigeants européens. Par exemple, Hollande était parfait pour cela et Macron le sera encore davantage.

Cette situation favorise la domination de l'Allemagne, il est donc douteux que ses gouvernants changent de politique, mais notre intérêt n'est pas du tout le même. Cependant là aussi, il est difficile pour un candidat de se prononcer clairement en faveur de l'arrêt de l'immigration, il aurait contre lui la majeure partie des médias, et pratiquement toutes les chaînes de télévision.
 

Épilogue

Sous les applaudissements, le président nouveau-né montre sa dentition aux photographes de presse, la fée INSEE se penche sur son berceau en brandissant une courbe du chômage en baisse et des emplois en hausse, la fée BCE lâche une poignée de crédits qui s'envolent et se posent doucement sur la tête du jeune élu.

 


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