Pourquoi les mollahs sont-ils revenus sous le contrôle nucléaire international  ?

par Dr. salem alketbi
jeudi 23 septembre 2021

Dans un geste aux connotations importantes, l’AIEA et l’Iran ont conclu un accord sur la surveillance du programme nucléaire iranien. Selon cet accord, Téhéran va permettre à l’AIEA d’accéder aux enregistrements des caméras de surveillance placées dans un certain nombre d’installations nucléaires iraniennes.

L’AIEA peut maintenant reprendre la surveillance de l’enrichissement de l’uranium dans ces installations. Fait à noter, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique Rafael Grossi a mené des négociations sur cette question lors de sa récente visite en Iran avec Mohammad Eslami, vice-président de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique.

Les mollahs ont placé leur programme nucléaire sous la supervision de l’un des plus éminents dirigeants de la ligne dure des gardes révolutionnaires. Eslami a servi comme chef du centre de recherche des GRI.

Des rapports de l’opposition iranienne indiquent qu’Eslami a joué un rôle clé dans la communication avec le réseau du père de la bombe nucléaire pakistanaise Abdul Qadeer Khan pour lancer un projet nucléaire iranien dans les années 1980.

C’est intéressant car, malgré l’accord pour reprendre le contrôle des installations d’enrichissement de l’uranium, le directeur de l’AIEA a reconnu lors de la dernière réunion du Conseil des gouverneurs qu’il y avait des installations d’enrichissement de l’uranium dont l’AIEA ne savait rien.

«  La question des garanties n’est toujours pas résolue,  » a-t-il ajouté. L’accord de Téhéran pour reprendre le contrôle n’est rien d’autre qu’un leurre pour manœuvrer, et faire semblant de coopérer afin de gagner du temps, d’approfondir la division internationale et d’éviter qu’une position unifiée ne soit bâtie sur le programme nucléaire iranien.

Il est clair que l’approbation par le régime des mollahs du retour du contrôle de l’AIEA est contraire aux décisions du Conseil de la Choura iranien, en vertu desquelles la coopération avec l’AIEA a été suspendue.

Le Conseil a subordonné la collaboration avec l’agence et l’autorisation d’accéder aux enregistrements des caméras à la levée des sanctions, faute de quoi les mesures iraniennes s’intensifieraient. Or, les sanctions n’ont pas été levées, mais les mollahs sont revenus coopérer avec l’AIEA.

Ils ont fait marche arrière après avoir refusé la visite du directeur général de l’AIEA et ont même accepté tout ce qui avait été rejeté par le précédent gouvernement d’Hassan Rouhani. La nouvelle équipe de négociation de l’Iran n’a pas une vision stratégique claire de la gestion de la crise de l’accord nucléaire.

Il est devenu évident que pousser les choses sous Hassan Rouhani vers la ligne dure ne visait qu’à priver Rouhani et son équipe de négociateurs de toute réalisation politique à la fin de leur mandat. De plus, les mollahs s’étaient retrouvés face à une administration américaine qui cherchait à panser ses plaies après le retrait chaotique d’Afghanistan.

Elle n’aurait peut-être pas vu de problème à une escalade contre l’Iran pour détourner l’attention de ce qui s’est passé à l’aéroport de Kaboul. L’intransigeance continue de l’Iran avec l’AIEA a nécessairement conduit le Conseil des gouverneurs à publier une déclaration renvoyant le dossier iranien au Conseil de sécurité de l’ONU.

C’est là que Washington pourrait trouver la bonne couverture pour une frappe militaire sur les installations nucléaires iraniennes, ou du moins donner le feu vert à Israël pour mener à bien cette mission avec le soutien et la bénédiction des États-Unis. Ce qui s’est passé n’est donc rien d’autre qu’un report de la confrontation entre les mollahs et l’AIEA.

Mais là où le bât blesse  : l’Agence pose des questions et émet des doutes, mais qu’elle n’a pas été capable jusqu’à présent de construire des certitudes complètes et précises sur des questions comme l’uranium enrichi de l’Iran, notamment celles que le régime a pu accumuler ces derniers mois depuis que les caméras de l’AIEA ont été coupées de la surveillance.

Lors de la dernière réunion du Conseil des gouverneurs, le directeur général de l’AIEA a exprimé sa profonde inquiétude quant aux quantités d’uranium enrichi dans les installations nucléaires secrètes gérées par le régime iranien.

L’AIEA a déclaré dans son dernier rapport que l’Iran a augmenté son stock d’uranium enrichi de plus que ce qui est autorisé dans l’accord de 2015, qui ne permet pas à l’Iran un taux d’enrichissement de plus de 3,67 %, et suppose donc un stock de 203 kilogrammes d’uranium enrichi.

Mais dans son rapport, l’AIEA a estimé le stock total de l’Iran à 2,441 kilogrammes, contrairement à ceux des installations secrètes. Ces estimations sont basées sur les informations dont dispose l’Agence et n’incluent pas les enrichissements secrets d’uranium.

En outre, il y a plus de 10 questions posées par l’Agence il y a quelque temps et les mollahs éludent les réponses. On se rend donc compte que leur régime est en réelle difficulté, même s’il sait bien prétendre le contraire.

La balle est donc maintenant dans le camp de l’AIEA, qui doit resserrer ses investigations pour obtenir des réponses à toutes les questions posées sur les ambiguïtés du programme nucléaire iranien. La question n’est pas de relancer ou non l’accord nucléaire, mais d’obtenir des informations adéquates sur les capacités nucléaires de l’Iran.

Accepter de relancer l’accord sans mécanismes pour vérifier l’abandon par l’Iran de ses violations et pour vérifier le stock d’uranium enrichi détenu par les mollahs ne serait d’aucune utilité réelle. La sécurité et la stabilité régionales et mondiales des intentions d’un régime qui maîtrise la prévarication et la tromperie.

En définitive, le retour des mollahs pour reprendre la coopération avec l’AIEA n’est rien d’autre qu’une tactique trompeuse pour rater l’occasion de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU et suggérer la flexibilité d’Ibrahim Raisi et de son équipe de négociateurs.

Mais le recul des mollahs sur leur intransigeance vis-à-vis de l’agence envoie également un message aux États-Unis sur leur volonté de reprendre les négociations sur les questions épineuses à Genève.


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