Pourquoi musulmans et juifs font passer leur appartenance religieuse avant leur citoyenneté ?

par houakel
samedi 25 janvier 2020

D’abord, pour couper court aux éventuelles objections de ceux qui ne seraient pas d’accord avec l’analogie entre musulman et juif, je répondrai qu’il n’y a de musulman que celui qui croit en l’Islam qu’il soit pratiquant ou pas. Et qu’il n’y a de juif que celui qui croit au judaïsme qu’il soit pratiquant ou pas. Sinon, quels seraient les liens entre un juif falasha, séfarade, ashkénaze… Toute autre prétention n’est que politicienne au service du sionisme pour occuper la terre des Palestiniens. Si l’on admet que l’on peut être juif par sa mère, alors d’une part, tout le monde peut aussi le revendiquer et d’autre part, on serait tous juifs puisque selon la croyance de cette mère juive, nous descendons tous d’Ève. Des historiens de renom juifs ont démontré que l’idée du peuple juif est une arnaque scientifique et historique. Donc, dans mon exposé, je me contente de considérer juif, celui qui croit au judaïsme sans tenir compte du degré de radicalité ou de modération de sa pratique.

Le musulman et le juif Français se sentent français en second degré pour des raisons identiques et différentes en même temps. Elles sont différentes de celles des binationaux qui, eux se sentent plus citoyens de leur pays d’origine. Un Français d’origine espagnole ou Italienne se sentira toujours espagnol ou italien. Il soutiendra un club de foot espagnol ou italien et consommera plutôt des produits tels que tapas, paella, pizza, pâtes… qui lui rappelleront ses origines et lui permettront de se sentir appartenir à une culture, traditions et parfois une communauté linguistique. Dans ces cas, il faudra simplement attendre deux ou trois générations pour que le problème disparaisse par la dilution de ce sentiment à travers un brassage multiculturel par des mariages mixtes ou des choix éclairés ou intéressés où chacun fait un pas vers l’autre en modérant, voire en délaissant, son appartenance d’origine.

Commençons donc par le juif. L’histoire des juifs est tourmentée. Partout où ils étaient, ils subissaient des injustices et pour les surmonter, ils ont dû se regrouper en communauté : L’union fait la force. Aussi, parfois, la situation était inversée. Par exemple, quand ils étaient chassés d’Espagne en 1492 par Isabelle la Catholique, chat échaudé craint l'eau froide, ils sont arrivés en Afrique du Nord et ils n’ont rien fait pour s’intégrer, bien au contraire, ils avaient créé leurs villages ou leurs quartiers. Ils y avaient construit leurs synagogues (preuve que les juifs sont les adeptes du judaïsme et rien d’autre). Ainsi, ils ont construit inconsciemment des îlots étanches et imperméables à toute forme d’intégration ou d’assimilation. Ce ne sont pas les Berbères ou les ‘’Arabes’’ de l’Afrique du nord qui avaient exclu les juifs, bien au contraire, ils les ont accueillis pendant plus de 5 siècles, mais quand ils ont vu que ceux-ci faisaient tout à part, une animosité et des préjugés fondés sur l’idée que les juifs ne leur faisaient pas confiance pour vivre ensemble sont nés, alors une réaction naturelle de stigmatisation mais pas forcément justifiée des Nord-Africains est apparue sans savoir pourquoi les juifs agissaient ainsi. Les Nord-Africains n’avaient aucune idée de ce que les juifs avaient enduré en Europe.

Pour échapper à la terreur, les juifs ont fait de l’idée de se rallier au plus fort un concept de survie. Quand la France a occupé le Maghreb, les juifs n’avaient pas hésité un seul instant pour se rallier à l’occupant1. Cela a eu deux conséquences importantes bien que complètement différentes. La première est négative, elle émanait des populations locales qui se sont senties trahies par les juifs. La seconde était profitable aux juifs puisqu’ils avaient bénéficié de la nationalité française (décret Crémieux) et ainsi, à la fin de la colonisation, ils étaient ‘’rapatriés’’ comme les Français venus de la métropole. En débarquant en France, l’instinct de survie renaît chez ces mêmes juifs. Ils refont exactement les mêmes choses : former une communauté, construire des synagogues, le CRIF… et cerise sur le gâteau, l’immense majorité ont fait les démarches auprès des représentations israéliennes en France pour obtenir la nationalité israélienne.

Quant aux musulmans, l’analyse est plus simple. D’habitude et historiquement, c’est l’islam qui envahissait des terres et des populations. Il venait chez les peuples. En Iran, Afghanistan, Pakistan, Indonésie, Malaisie, Turquie, au moyen orient… il y a islam mais les populations sont locales. Seul le Maghreb pose un problème. Les Maghrébins sont tiraillés entre deux identités Berbère ou Arabe. Certains se voient Amazighs et d’autres Arabes. Dans une même famille, certains prétendent être Arabes et d’autres se disent Berbères. Le seul lien en commun est leur croyance : l’ISLAM. Ils sont tous musulmans2. Aussi, dans leurs pays d’origine, l’islam est la règle. Il est même la religion de l’Etat. Les citoyens de ces pays ont l’habitude de vivre dans un milieu dit musulman. Il n’y a pas de chrétiens et le peu de juifs qui y étaient sont partis soit en France soit en Israël.

La reconstruction de l’Europe et de la France en particulier au sortir de la 2e guerre mondiale, a poussé la France à venir se servir dans le grenier d’ouvriers de ses ex-colonies. Les patrons cupides ont, dans un premier temps, parqué cette main-d’œuvre dans des baraquements sur les chantiers, sur les lieux de travail loin de la vue des Français. Puis, dans un deuxième temps, on a construit des foyers pour travailleurs étrangers très souvent par origine ethnique. Il y avait des foyers pour Maliens et Sénégalais et d’autres pour Maghrébins. Ce qui fait que ces travailleurs étrangers restaient toujours éloignés de la cité. En l’absence de mixité, ils n’avaient aucune chance de s’intégrer. Et cerise sur le gâteau, suite au regroupement familial, pour éviter que ces étrangers très majoritairement musulmans ne se mêlent au reste de la population française qui est catholique ou de culture chrétienne, on a érigé des tours en périphérie des villes et agglomérations pour loger ses travailleurs et leurs familles qui viennent de débarquer du bled. Tout est fait par les autorités françaises et par les acteurs économiques et sociaux pour exclure les musulmans de la vie sociale et culturelle locale.

Ayant subi et enduré pendant des décennies l’exclusion sociale et très souvent des discriminations raciales : d’abord les baraquements puis les foyers et enfin les HLM des banlieues, les Maghrébins ont opté naturellement pour le même comportement que celui des juifs. À savoir se regrouper en une communauté pour se protéger et pour exister. Ils ont conclu qu’ils ne pourront exister socialement en tant que Français parce qu’ils sont rejetés par le corps d’obédience chrétienne. Ils ont aussi compris qu’ils ne pourront pas exister en tant qu’Amazighs ou arabes puisque d’une part cela les divisera et d’autre part, ils resteront quoi qu’ils fassent les bougnouls de service.

En conclusion, les juifs ne sont des juifs que parce que le regard de l’autre les voit ainsi. Les musulmans ne sont des musulmans que parce que dans le regard de l’autre ils sont ainsi vus. Il revient à tous les acteurs politiques, sociaux, culturels et économiques de casser les ghettos et les îlots. Rien de cela ne pourra voir le jour tant que la laïcité est biaisée et qu’hypocritement tous les acteurs travaillent au profit des communautés en totale contradiction avec les principes fondateurs et fondamentaux de la République : Liberté, Égalité, Fraternité.

1 – L’immense majorité des juifs ont collaboré et soutenu l’occupant. Cependant, certains, hélas très peu nombreux sont restés fidèles à leur pays et ont combattu l’armée de l’occupant à côté des résistants du Maghreb.

2 – Les régimes totalitaires successifs au Maghreb faisaient que la population était considérée musulmane en sa totalité. Cependant, grâce aux nouvelles technologies de l’information, il y a de plus en plus de non-croyants.


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