Pourquoi s’engager pour un Tibet libre ?
par Nassara
lundi 7 avril 2008
Voilà plus de cinquante ans que la Chine a envahi le Tibet, et voilà que depuis quinze jours chacun doit avoir un avis sur le sujet. Voici une tribune libre, un avis engagé et certainement partial, mais aussi une rétrospective de l’histoire de cette guerre larvée, texte rédigé par un jeune médecin qui revient de deux mois à Dharamsala, refuge indien du Tibet exilé.


Le week-end du 15 mars 2008, l’armée chinoise a ouvert le feu sur des moines et des civils tibétains. Des « séparatistes hostiles au régime qui saccagent les installations chinoises » ? Sans doute. Mais pourquoi ?
C’est au début des années 50 que la Chine de Mao Zedong envahit le Tibet afin de le libérer du joug de ses gouvernants et d’offrir à ses habitants les bienfaits de la civilisation communiste. Au nom de la révolution culturelle, seront détruits quelques années plus tard de nombreux monastères et autres monuments extrêmement anciens, trésors du culte bouddhiste et de la culture tibétaine. Soyez rassurés, Pékin reconstitue depuis quelques années ces bâtiments, tant pour attirer les touristes que pour prouver ses intentions louables à la communauté internationale. Sachez-le, il est exact de dire que le Tibet de 1949 était un régime de type féodal, sous-développé, dont les gouvernants usaient de méthodes peu démocratiques (notamment la pratique du servage qui fut abolie par les communistes).
Est-ce à dire que les Tibétains y ont gagné au change ? Voire ! Les opposants au régime sont systématiquement emprisonnés, battus et les signes d’allégeance au Dalaï-Lama, le chef spirituel tibétain, sont sévèrement punis. Les Tibétains n’ont pas des droits comparables à ceux de la population chinoise. Une politique de colonisation démographique a été entreprise depuis plusieurs années, tendant à rendre les Tibétains minoritaires sur leur propre terre.
Livrés à une vie misérable, sans accès à l’éducation la plus élémentaire, aux instances décisionnelles, sans espoir d’une vie meilleure, le peuple des hauts plateaux sombre dans l’oubli, dans la pauvreté extrême et l’alcoolisme (l’alcool importé y est étonnamment peu cher et d’accès aisé...).
Peut-on raisonnablement espérer que la Chine se retirera du Tibet ? Non, bien sûr. Il y a près de soixante ans que cette province chinoise a été annexée. Elle représente aujourd’hui un intérêt stratégique (une frontière avec le frère ennemi indien), une zone touristique prometteuse, un sous-sol minier formidable et (surtout) une question de fierté nationale. L’intervention politique de nos démocraties occidentales ? Les Etats-Unis ont récemment retiré la République populaire de Chine de leur liste des dix Etats bafouant le plus les droits de l’homme. Quel fou inconscient risquerait de gâter ses relations avec le nouveau superchampion économique et son marché de 1,3 milliard de consommateurs potentiels ? Une réaction politique de l’ONU alors ? La Chine est membre du Conseil de sécurité... Non, l’espoir est bien faible. Alors pourquoi s’engager pour cette cause perdue d’avance ?
Parce que le monde en a bien besoin ! Parce que l’économie de libre marché, la mondialisation, ne peuvent être vertueux que si des limites morales existent. L’ONU prône le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, c’est bien de cela dont il est question. Pouvons-nous tolérer, à l’aube du XXIe siècle qu’un acteur de premier plan de la communauté internationale piétine les droits de l’homme sans être inquiété ? La Chine reconnaît officiellement détenir depuis 1995 la réincarnation du Panchem Lama (l’un des plus importants lamas après le Dalaï-Lama), le plus jeune prisonnier politique au monde, âgé de 6 ans lors de son emprisonnement ! Rêvons d’une nation tibétaine, un peuple spirituel et simple, qui prie chaque matin pour le bien-être de tous les êtres vivants. Demandons que cessent les arrestations sommaires. Exigeons que le Tibet et son Himalaya mythique soient protégés et non une décharge pour les déchets nucléaires de Pékin.
Pourquoi ne pas tenter l’expérience d’un pays démocratique non militarisé (promesse du Dalaï-Lama) bâti sur les principes bouddhistes, philosophie et religion qui rassemble de plus en plus de gens autour de ses idées simples et pacifistes. L’expérience est séduisante et la situation actuelle inacceptable.
Seule une volonté populaire affichée fera bouger nos politiques face au géant mandarin. Une volonté populaire affichée pour dénoncer l’inacceptable.
O. Breton