Pourquoi Sarkozy va monter parmi les jeunes
par Jean Malacombes
mercredi 13 décembre 2006
Les 15-25 ans vont peser lourd dans le débat présidentiel à venir. Fragilisée face à de nouveaux risques (niveau de vie, chômage, déclassement professionnel, mal-logement, conduites addictives...), la jeunesse exprime en effet un profond besoin de reconnaissance de la part de la classe politique. Elle attend en 2007 des réponses précises à son malaise et des propositions concrètes lui permettant de construire son avenir.
A ce stade, le Parti socialiste paraît recueillir les faveurs de cet électorat. Selon un sondage BVA/Le Mouv’ du 28 novembre dernier, 34 % des 15-25 ans destinent leur vote à la candidate du Parti socialiste, Ségolène Royal, contre 14 % au probable candidat de l’UMP Nicolas Sarkozy. Ce sondage donne cependant une image partielle des forces en présence, pour deux raisons.
Une raison de méthode d’abord. En effet, ces deux candidats représentent moins de la moitié des intentions de vote exprimées par les sondés, ce qui signifie que le vote des jeunes peut en grande partie se destiner à d’autres personnalités. Dans la mesure où 88 % des 15-25 ans ont l’intention de voter, cette dispersion peut jouer un rôle perturbateur dans un contexte de forte mobilisation de l’électorat « jeunes ». De fait, le sondage de BVA note que « les jeunes apparaissent particulièrement disponibles pour modifier leurs choix au fil de la campagne ». A ce stade, le vote des jeunes n’est donc acquis à aucun des candidats.
Une raison de fond ensuite. Le positionnement des deux principaux candidats vis-à-vis des jeunes a profondément évolué au cours des derniers mois.
Initialement, Nicolas Sarkozy, par ses fonctions de ministre de l’Intérieur, ne disposait pas du positionnement le plus aisé pour parler aux jeunes. Réciproquement, Ségolène Royal, utilisant avec habileté les codes de la net-génération via son site Désirs d’avenir, semblait incarner une forme de modernité répondant aux aspirations de la jeunesse. Cette répartition des rôles est pourtant en train de s’inverser. Deux facteurs se conjuguent pour expliquer ce phénomène qui prend corps progressivement.
Tout d’abord, Ségolène Royal n’a pas développé de véritable discours en direction des jeunes. Au-delà d’initiatives locales (bourses instaurées par le Conseil régional de Poitou-Charentes, distribution de charentaises aux jeunes pour favoriser les productions régionales), la candidate socialiste ne présente pas à ce stade de doctrine claire concernant les 15-25 ans. Par ailleurs, certaines de ses propositions les ont inquiétés. En mai 2006, l’évocation par la candidate d’un encadrement militaire pour les jeunes délinquants avait rebuté une partie de l’électorat jeunes. Afin d’adoucir cette image autoritaire, Ségolène Royal a formulé le vœu, dans son « pacte de Bondy » du 25 novembre dernier, de redonner vie aux emplois jeunes. Or, cette formule contestée avait été supprimée en 2002, dans la mesure où seuls 30 % à peine des bénéficiaires du programme réussissaient ensuite à trouver du travail. Des propositions neuves manquent donc à la candidate pour faire fructifier l’avantage dont la créditent les sondages auprès de l’électorat jeunes.
A l’inverse, Nicolas Sarkozy, sortant de sa posture d’autorité, développe auprès des jeunes un discours de fond conciliant respect et propositions concrètes destinées à améliorer la vie de cette classe d’âge. Lors de l’université d’été des Jeunes populaires le 3 septembre 2006, ou plus récemment dans son discours consacré à l’éducation le 1er décembre, il a tracé les contours d’une nouvelle donne pour les jeunes, articulée autour de l’éducation tout au long de la vie (via le compte-épargne formation), l’amélioration du système de bourses et de l’accès au logement, l’instauration d’un service civique obligatoire, le développement d’aides à la création des jeunes, l’institution d’une pré-majorité à seize ans, la mise en place d’un contrat d’autonomie pour les jeunes, garantissant à ces derniers un soutien financier pour accompagner leur effort d’insertion. Rompant avec le discours « jeuniste » fréquemment utilisé pour parler à la nouvelle génération, il s’aventure sur des sujets qui la préoccupent : l’environnement, la revalorisation du travail, l’éducation, les droits des adolescents...
Les quatre mois de campagne qui s’annoncent permettront de mesurer si la jeunesse est sensible à cette nouvelle donne. En tout état de cause, les propositions formulées à ce stade par Nicolas Sarkozy constituent un sérieux capital qui est appelé à fructifier au sein de l’électorat jeunes dans les semaines à venir.