Pourquoi Ségolène Royal a besoin qu’Henri Proglio reste à la tête d’EDF ?

par Julien
jeudi 9 octobre 2014

Dimanche 28 septembre, Ségolène Royal a fait savoir que le choix d’attribuer ou non à Henri Proglio un second mandat à la direction d’EDF devra attendre le vote de la loi sur la transition énergétique. Si la ministre de l’Écologie avance pour explication la volonté de ne pas voir cette nomination « instrumentalisée », ce report a de quoi réjouir les anti-Proglio qui perçoivent là un signe approbateur. Pourtant, avec un dossier aussi lourd que celui de la transition énergétique sur les bras, Ségolène Royal ne peut se passer de l’actuel PDG d’EDF à ses côtés pour espérer réussir.

Une influence contestée mais indispensable

La transition énergétique, c’est maintenant. Vendue comme « un texte majeur » du quinquennat Hollande, cette « révolution verte » avait eu jusqu’à présent pour seul mérite de révolutionner la façon dont nos politiques s’y prenaient pour nous exposer de grands changements, à savoir de manière incertaine et peu réaliste. Si jusqu’à présent les grandes lignes étaient dessinées sans trop d’aplomb, l’instauration du nouveau modèle énergétique français bénéficie désormais d’un cadre règlementaire, prêt à être voté.

Lorsque la ministre de l’Écologie déclare ne pas vouloir « mélanger la question de la gouvernance d’EDF avec la définition, pour les Français, de ce qui va leur apporter des emplois et la baisse de leur facture énergétique », elle s’adresse directement aux écologistes qui attendent beaucoup de cette loi et qui reprochent au gouvernement de laisser Henri Proglio faire la pluie et le beau temps sur la politique énergétique du pays. La ministre veut marquer politiquement ses distances et rassurer l’opinion, même si stratégiquement Ségolène Royal a tout à gagner à ce que l’ancien PDG de Veolia rempile pour les trois années qui le séparent des 68 ans, l’âge limite pour gouverner l’électricien français.

Candidat marqué à droite, Henri Proglio a amené la « première entreprise de France » plus haut qu’elle ne l’était au moment de sa prise de fonction, sans pour autant se laisser déstabiliser par le virage à gauche du gouvernement. Attaqué par les écolos et une partie de l’opinion publique sur la question du nucléaire, Henri Proglio a néanmoins continué à appliquer sa vision du groupe sans vaciller, et faire d’EDF, n’en déplaise aux détracteurs de l’énergie carbone, le meilleure allié du gouvernement pour mettre en place sa transition énergétique.

Le nucléaire désormais plébiscité

Directement remise en cause par le projet de loi, la part du nucléaire devra passer de 75 à 50 % d’ici 2050. Une mesure qui pourrait continuer de diaboliser cette source d’énergie mais qui encourage surtout le développement des énergies renouvelables dans notre mix énergétique. La sortie du nucléaire n’est pas au programme, au contraire. « Les besoins en électricité de la France font que le parc nucléaire existant, y compris Flamanville, ne suffira pas à couvrir 50% » des exigences en la matière, déclarait Henri Proglio le 24 juin lors d’une audition au Sénat.

Un constat partagé par Ségolène Royal puisque la ministre a récemment rappelé son soutien à la filière : « Je ne suis pas pour la sortie du nucléaire », avant de préciser l’importance économique du secteur pour le financement des énergies renouvelables. Quelques mois auparavant, c’était Jean Bizet, sénateur UMP à l’origine d’un rapport sur la coopération énergétique franco-allemande de s’exprimer en faveur du nucléaire : « Si nous n’avions pas un substrat nucléaire, la transition énergétique ne pourrait pas se faire ».

Pour engager une transition énergétique rationnelle, Ségolène Royal doit pouvoir compter sur le nucléaire et profiter de la marge de manœuvre économique et environnementale (seule énergie sans impact d’émission de CO2) qu’il permet et qui ne peut être ignorée. Et tant pis si cela fait débat et que certains qualifient le « revirement d’opinion » de la ministre d’opportuniste, le temps presse, la transition énergétique c’est maintenant et demain l’heure sera aux résultats.

Des prétendants au poste peu convaincants

Qui dit élection dit candidats. Si quelques noms ont circulé dans la presse, personne n’a confirmé une quelconque ambition de remplacer le patron sortant, qui fait déjà office de favori. Porté par un bon bilan, autant économique avec 11 milliards d’euros de bénéfices dégagés entre 2010 et 2013, que social puisque l’homme est apprécié par les employés et les syndicats. L’homme connaît son affaire et est parvenu à optimiser le potentiel du groupe sur le territoire français mais également au-delà de nos frontières, avec le projet de fabrication de deux EPR pour la Grande-Bretagne actuellement sur les rails.

Guillaume Pepy, le PDG de la SNCF, Thierry Breton, PDG d’Atos, Jean-Pierre Clamadieu, le patron de Solvay, Jean-François Cirelli, DG de GDF Suez et Anne Lauvergeon, ex patronne d’Areva, ont beau espérer, en secret ou à demi-mots, prendre la relève, personne ne semble connaître aussi bien EDF que son actuel dirigeant. Certes, personne n’est irremplaçable mais ce serait dommage de courir le risque d’une déception. En ces périodes incertaines, il vaut mieux miser sur la sécurité, chose que semble garantir un HP2, nom donné à un éventuel second mandant.

Loin d’être renvoyée aux calendes grecques, la nomination du prochain dirigeant d’EDF devrait avoir lieu vers la mi-octobre. Pour crédibiliser son projet de transition énergétique et le rendre rationnel, Ségolène Royal va avoir besoin de partenaires solides, capables de se mesurer à la hauteur des ambitions portées par les chantiers à venir. Proglio a fait ses preuves et le conserver à la tête d’EDF encore trois ans permettra à la ministre d’asseoir son projet dans des conditions adéquates. Une stratégie qui aurait donc davantage à voir avec le bon sens qu’avec de l’opportunisme.


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