Poutine envers et contre tous

par Kamal GUERROUA.
jeudi 6 mai 2021

    Le ton monte entre d'un côté, la Russie et de l'autre les Etats-Unis et l'Union européenne. Le 30 avril dernier, le Kremlin aurait annoncé interdire d'entrée en Russie huit responsables européens, parmi lesquels le président du Parlement européen David Maria Sassoli, le procureur de Berlin Jorg Raupach et une vice-présidente de la Commission européenne, Vera Jourova, une ressortissante tchèque chargée des Valeurs et de la Transparence, en représailles aux sanctions imposées par l'UE les 2 et 22 mars, à de hauts responsables russes. Des actes visant, pour rappel, aux yeux de Moscou, à « lancer un défi ouvert à l'indépendance de la politique intérieure et extérieure russe ». Ce regain de tension entre Moscou et l'Occident survient quelques mois seulement après l'investiture de Joe Biden à la Maison Blanche. Ce qui en dit long sur le coup de froid dans les relations entre les deux puissances, après l'accalmie relative constatée sous Donald Trump.

 

   De son côté, David Maria Sassoli a dénoncé cette décision, en réaffirmant la constance du Parlement européen dans la défense des droits de l'Homme et la démocratie. « Les menaces ne nous feront pas taire », a-t-il souligné. La décision de Moscou a également provoqué une avalanche de critiques au sein de l'UE, le Commissaire européen à l'Economie, Paolo Gentiloni, dénonce des sanctions « injustifiées et inutiles », tandis que l'ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt a appelé l'UE à « aller au-delà des sanctions symboliques » et à « frapper les oligarques » proches de Poutine. En effet, les spécialistes occidentaux décrivent ce dernier comme un tsar paranoïaque, de plus en plus, détaché de la politique quotidienne, mais tentant d'éviter la voie d'une dictature à la biélorusse à l'aide d'une répression plus sophistiquée. Dernier événement en date à l'origine de ce branle-bas de combat : la Russie aurait annoncé, le 22 février, sur fond de tensions avec l'Ukraine, le retrait des troupes massées près des frontières de cette dernière et en Crimée annexée en 2014 sous prétexte qu'elles sont incapables d'assurer une défense fiable du pays. Or, les manœuvres russes impliquaient, pour rappel, quelque 10.000 militaires, l'aviation, une quarantaine de navires de guerre, la défense antiaérienne et des troupes aéroportées. Ce déploiement intervient dans un contexte troublé : Moscou et Kiev s'imputent la responsabilité de l'escalade dans toute la région. Si cette dernière reproche aux Russes leur intrusion militaire dans les territoires des séparatistes de Donbass, le Kremlin n'en reste pas moins catégorique sur les « provocations » de l'Ukraine et les activités jugées « menaçantes » de son allié l'Otan à ses frontières. Du coup, dans son discours annuel devant le Conseil de la Fédération, tenu le 21 avril, Poutine aurait mis en garde les Occidentaux, en cas du franchissement de la ligne rouge dans leurs relations avec la Russie, promettant « une riposte asymétrique, rapide et dure ». Une dizaine de diplomates américains ont été expulsés dans la foulée, provoquant des expulsions similaires de la part de la Maison Blanche et de l'UE. Cette mesure intervient après que Joe Biden ait appelé à un sommet politique américano-russe dans un pays tiers pour trancher dans certains dossiers sensibles (cyber-piratage et ingérence russe dans les élections américaines de 2020, le financement d'unités afghanes contre l'armée américaine, etc. ).

Au plan intérieur, l'étau se resserre aussi autour de Poutine. En cause les soutiens de l'opposant Alexeï Navalny, emprisonné, avaient appelé à des rassemblements dans une centaine de villes, le jour même du discours présidentiel. Selon l'AFP, quelque 1.800 personnes ont été interpellées à travers tout le pays.

Ce qui a provoqué l'ire des Européens, surtout le Quai d'Orsay, lequel aurait promis de réagir en cas du décès de l'opposant russe. Envers et contre tous, Vladimir Poutine semble plus que jamais, en résistance face à l'Occident libéral, comme s'il ressuscite l'ère révolue de la guerre froide.
 

Kamal Guerroua. 


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