Poutine, poutinien, poutinisme, poutinissime

par Alain Roumestand
jeudi 15 décembre 2016

Si l'on en croit le journal "Libération" Vladimir Poutine est partout.

Le quotidien indique que Vladimir Poutine a fait l'élection de Trump. Il a provoqué le Brexit. La victoire de François Fillon à la primaire c'est encore lui. Et d'ajouter la défaite des pro-européens en Moldavie et en Bulgarie au profit de 2 présidents élus pro-russes. L'Estonie voit un progrès du parti du Centre pro-russe. Les Pays-Bas se sont opposés à un accord d'association Union Européenne-Ukraine. Poutine, Poutine, Poutine encore, Poutine toujours ! Le président Obama va jusqu'à laisser penser que la victoire de Donald Trump est due aux hackers russes.

Changeons de logiciel

Il est temps que la presse officielle française change de logiciel en ouvrant les yeux sur les réalités de 2016. Et surtout en regardant de près ce que Vladimir Poutine a proposé aux russes, ce qu'il met en pratique dans l'état qu'il gouverne. Et si des similitudes se font jour dans tel ou tel pays c'est que le monde de l'après guerre froide entre USA et URSS a changé. La donne change avec la mondialisation, avec l'émigration générale venant des pays les plus pauvres vers les pays plus développés, en pleine mutation réussie ou non, avec la résurgence des racines nationales et morales qui structurent sans freiner les réformes, avec les majorités délaissées par les gouvernements au profit des minorités de toutes sortes.

Les racines de Vladimir Poutine

Vladimir Poutine gouverne la Russie en tenant compte des racines de son pays. Les penseurs russes, philosophes, historiens, écrivains ( Dostoïevski, Tolstoï, Tchekhov, Mandelstam) des 2 derniers siècles ont nourri sa pensée politique. Parmi eux Soljénitsyne, l'immense écrivain qui a subi et révélé le goulag. Vladimir Poutine n'est pas l'inculte culturiste que l'on se plait à présenter. Etudiant en droit il a lu les philosophes allemands et anglais du 18ème et 19ème siècles. Son "conservatisme" au sens exact du terme, sa morale ancrée dans la religion, sa volonté de voir le peuple russe avec une mission historique, sont directement inspirés de ces penseurs.

Et ce n'est pas parce qu'il a travaillé aux KGB FSB (sécurité de l'état soviétique et post-soviétique) qu'il souhaite établir une idéologie d'état, officielle à la manière des communistes qui ont échoué aussi bien politiquement qu' économiquement.

Par contre il partage avec eux le patriotisme. La victoire contre le nazisme, les 20 millions de russes morts pendant la seconde guerre mondiale, soudent la Russie dans la reconnaissance de la force morale du peuple russe dans sa résistance à Hitler de 1941 à 1945. La victoire de la Russie dirigée par Staline a permis aux peuples européens de recouvrer leur liberté. La Russie s'est sacrifiée pour l'occident. Si le nouveau drapeau russe est celui de la révolution de février 1917 avant le coup d'état bolchevik, le drapeau de l'armée est resté le drapeau de l'Armée rouge.

Poutine pro-européen

Successeur des dirigeants soviétiques, Vladimir Poutine a été dans un premier temps attiré par l'occident. L'OTAN est même considérée par lui comme une organisation avec laquelle on peut discuter. La Russie ne se veut pas hégémonique. La Russie fait partie de l'Europe, aussi bien au plan culturel, intellectuel, que religieux par le biais du christianisme oriental et occidental.

Ce qui ne l'empêche pas de vouloir préserver l'identité, les racines culturelles et spirituelles de son pays, avec la tolérance envers tous les peuples de la fédération russe et la volonté de les faire vivre tous ensemble dans un espace multi-ethnique. Un européen convaincu ne peut que cautionner la vision de la démocratie qu'il présente dans un premier temps, un système politique, juridique, administratif efficace mais soucieux de liberté dans tous les domaines, opinions, moeurs, arts, religion. Et pour conduire cette démocratie, des hommes soucieux de l'intérêt général et national. Mais dès le début il s'appuie sur les valeurs religieuses partant du principe que la population russe est très liée à la religion orthodoxe et à ses valeurs morales. Au même moment des dirigeants européens nient les racines chrétiennes de l'Europe.

Vladimir Poutine contre l'occident

Alors Vladimir Poutine, le temps avançant, critique l'égoïsme de l'occident, sa décadence morale , veut protéger les jeunes de la pornographie, des comportements obscènes qu'il impute à l'occident. A la manière des dirigeants communistes de l'ère soviétique. D'où la loi contre la propagande homosexuelle et le combat contre la culture homosexuelle.

Suit la critique de l'ultralibéralisme de l'occident qui se conjugue avec une crainte de l'occident .

Lorsque l'OTAN était intervenue pour le Kosovo, zone d'influence de la Russie, en 1999, Vladimir Poutine avait dénoncé l'ingérence dans les affaires intérieures des états quelques soient les raisons invoquées, suivant en cela la position classique des soviétiques à l'ONU pour lesquels rien ne devait se faire en dehors de la charte et de la non-ingérence.

S'appuyant sur l'humiliation ressentie par les russes après la chute de la deuxième grande puissance mondiale qu'était l'URSS il y a 25 ans, avec la perte de l'Europe de l'est, l'effondrement de l'état, le potentiel militaire en berne, avec son cortège de malheurs économiques et sociaux, Vladimir Poutine reprend la vieille thèse russe de la politique d'endiguement de la Russie par l'Europe dans les siècles passés.

La révolution Orange, ukrainienne en 2004 a été vécue comme une tentative américaine pour gêner la Russie, car les économies russe et ukrainienne sont imbriquées et les cultures, les traditions, l'histoire sont communes, les langues très proches. Les nombreux hauts fonctionnaires géorgiens venus mettre en oeuvre des réformes en Ukraine auprès du pouvoir pro-européen, ont provoqué un tollé en Russie, la collusion étant avérée.

Il faut alors, pour Vladimir Poutine, que la Russie se défende, retrouve une place importante au niveau international.

Le galop d'essai contre la Géorgie en 2008 avec le détachement opéré de l'Ossétie du sud et de l'Abkhazie n'est rien par rapport à l'annexion par la Fédération de Russie, de la Crimée, suite à référendum. La Crimée avait été rattachée à l'Ukraine en 1954.

Vladimir Poutine considère que les Etats-Unis, pilier du monde capitaliste, soumettent ou marginalisent de nombreux pays qui perdent leur souveraineté.La volonté des Etats-Unis d'élargir l'OTAN ne passe pas. Vladimir Poutine, alors que l'on avait connu une crispation russe lors de l'intervention franco-anglaise en Libye, réaffirme constamment et fait réaffirmer au Conseil de sécurité de l'ONU, le principe de souveraineté nationale notamment face à la crise en Syrie où combattent des tchetchènes, des djihadistes d'Asie centrale, contre le gouvernement en place. Il y dénonce l'organisation de l'état islamique, de Daech, armé par les américains dans un premier temps. Et il soutient le dictateur syrien Bachar- el- Assad, sans pour autant entraver la possibilité de négociation. Il se pose même en défenseur des chrétiens d'orient.

En mai 2014 la Russie, le Kazakstan, la Biélorussie signent un traité d'Union économique avec libre circulation des biens, des services, des capitaux, de la main d'oeuvre. Le Kirghizstan et l' Arménie les rejoignent. Vladimir Poutine considère qu'une très large part de la Russie se trouve en Asie. Et la structure eurasiatique permet de faire coexister des peuples, des langues, des religions diverses, dont des milliers de musulmans. Cette union économique n'a rien à voir pour lui avec ce que la Russie a réalisé aux époques tsariste ou communiste. Elle n'a pas la vocation de "missionnaire", mais elle permet de conforter la Russie en butte aux sanctions occidentales.

En Ukraine qui devrait faire partie de cette Union, Vladimir Poutine considère que son pays apporte une aide normale aux russophones, alors que les Etats-Unis avaient aidé les révolutionnaires de la place de l'indépendance (Maïdan) en 2014. Il explique même que l'est du pays, le Donbass, a été donné à l'Ukraine par les soviétiques.

Dans les états Baltes il dénonce la situation des russophones privés de leurs droits et pourtant représentant un bon quart de la population en Lettonie et Estonie.

Et l'Europe ?

Par rapport à l'Europe et compte tenu des espoirs mis par lui, en elle, au début de son action politique,Vladimir Poutine se sent sans aucun doute floué, déçu par la nouvelle situation de l'Union Européenne. Il analyse le déclin économique et moral de l'Europe. Pour lui le rejet de l'islam en Europe est mauvais. Il dénonce la montée des populismes en liaison avec l'immigration incontrôlée. Il considère que les gouvernements n'écoutent pas assez leurs peuples, ce qui entraîne un nationalisme dommageable. Il faut donc que l'Europe lutte contre la xénophobie, le racisme, le terrorisme.

 


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