Poutine : un naufrage et 190 millions de victimes !

par Fergus
mercredi 2 mars 2022

Certes, les USA et l’Otan ont, à différentes reprises, soutenu les volontés d’adhésion au bloc occidental d’anciennes nations naguère dépendantes de l’influence soviétique. Voir là des provocations à l’encontre de la Russie n’est pas dénué de fondement. Cela justifiait-il l’invasion d’une Ukraine désormais très largement tournée vers l’Union européenne ? Certainement pas. Ce faisant, Poutine a commis une faute majeure qui va faire des dizaines de millions de victimes, tant en Ukraine qu’en Russie...

Dessin James Ferguson (Financial Times)

C’est un fait indéniable : mis à part la population russophone des oblasts (régions administratives) de l’est du pays – notamment du Donbass –, la grande majorité des Ukrainiens a tiré un trait définitif sur son passé russophile et son tropisme moscovite. Depuis la révolution de Maidan en 2014, elle a même franchi un pas supplémentaire en se tournant délibérément vers l’Union européenne dans laquelle elle aspire à faire entrer son pays, tout comme les populations de Géorgie et de Moldavie, deux autres nations de l’ancien bloc soviétique.

Une évolution des esprits de plus en plus pro-occidentale qui donne à l’évidence des boutons à Vladimir Poutine, notamment pour deux motifs : d’une part, la perte d’influence culturelle et politique de la Russie sur ces anciens états membres de l’URSS ; d’autre part, le risque de disparition du « glacis » sécuritaire que le maître du Kremlin entendait maintenir entre les pays de l’UE et de l’Otan et la Fédération de Russie.

L’agression russe contre l’Ukraine s’inscrit dans ce contexte, dominé par un fantasme poutinien de domination hégémonique aux plans idéologique et politique, mais aussi par une volonté de conquête de territoire que les ridicules et fallacieux prétextes, notamment de « dénazification » de l’Ukraine invoqués par Poutine, ne parviennent évidemment pas à masquer, excepté aux yeux de ceux qui, malgré l’éclatante réalité des faits, sont toujours aveuglés par une idéologie aussi sectaire que passéiste.

En réalité, l’on peut craindre que Poutine n’ait pour intention première de privatiser la totalité des accès à la mer d’Azov en imposant l’indépendance de fait d’un vaste territoire allant du Donbass à la Crimée par une conquête des oblasts de Transcarpatie et de Kherson.

L’invasion de l’Ukraine vise sans doute également à mettre à bas l’exécutif en place – le cas échéant en éliminant physiquement le président régulièrement élu Volodymyr Zelensky – pour le remplacer par un gouvernement fantoche. Et cela à l’image de ce qui existe en Biélorussie où, grâce à des élections truquées et au soutien de Poutine, Alexandre Loukachenko exerce sur le peuple biélorusse un pouvoir dictatorial qui interdit de fait toute opposition structurée et toute manifestation contre les atteintes aux droits de l’Homme.

Ces perspectives, aussi effrayantes que choquantes, les Ukrainiens en ont parfaitement conscience. Mais loin de les sidérer en leur ôtant toute énergie, cette menace glaçante les investit au contraire d’une grande motivation à défendre leur territoire, fût-ce avec des moyens très limités en comparaison des forces d’invasion russes. De plus en plus d’Ukrainiens de la diaspora sont d’ailleurs en route vers leur pays d’origine pour renforcer la résistance à l’envahisseur et défendre en premier lieu la ville de Kiev.

Cela dit, il convient de ne pas se faire d’illusions : eu égard à leur énorme supériorité militaire en nombre de combattants et en moyens terrestres et aériens, les Russes vont, dans quelques jours ou quelques semaines, faire main basse sur l’Ukraine, puis installer à Kiev un pouvoir à la botte de Moscou sous le regard consterné de la communauté internationale. Dès lors, pourra-t-on considérer que Poutine a gagné la partie ? Au plan militaire, sans doute, avec à la clé une sécession imposée des oblasts de l’est. Au plan politique, certainement pas : il est même probable que Poutine l’a d’ores et déjà perdue !

Une partie perdue par le président russe en termes d’image : à de très rares exceptions, partout dans le monde occidental la Russie est condamnée avec la plus grande fermeté et avec des mots très durs que justifie l’invasion d’un état indépendant reconnu par la communauté internationale. Même dans les rangs des Brics ou dans ceux des pays « obligés » aucune nation – à l’exception caricaturale du Venezuela – n’a exprimé le moindre soutien à l’agresseur de l’Ukraine. Pas même la Chine dont le président Xi Jinping affichait publiquement son amitié avec Poutine lors des récents Jeux Olympiques d’hiver de Pékin.

Une partie perdue par l’exécutif russe au plan économique. Les dures sanctions mises en œuvre par les USA et l’Union européenne – même la très prudente Suisse s’est alignée sur l’UE ! – sont en effet d’une ampleur exceptionnelle qui vise clairement, sinon à « provoquer l’effondrement de l’économie russe », comme l’a dit Bruno Lemaire le 1er mars, du moins à l’affaiblir considérablement. Notamment en l’excluant très largement des échanges internationaux et en provoquant une dévalorisation massive de la valeur du rouble que la Russie sera de facto incapable de soutenir du fait des sanctions prises à son égard. 

Une partie perdue par le peuple russe, entraîné, très largement contre son gré, par la paranoïa et le fantasme fasciste de son président autocrate dans une guerre qu’il n’a pas voulue contre un « peuple frère ». Une guerre dont il subira néanmoins de plein fouet les conséquences économiques drastiques prises à l’encontre de la Fédération russe. Aux 45 millions d’Ukrainiens tués, blessés, déplacés, exilés, séparés des leurs ou contraints de survivre dans les ruines s’ajouteront les 145 millions de Russes qui, moins touchés dans leur chair, n’en seront pas moins confrontés à de graves difficultés d’approvisionnement, à une déliquescence du tissu industriel et aux pertes d’emploi concomitantes, sans compter la perte de parents tués ou blessés au combat pour une cause absurde.

Enfin, une partie perdue par Vladimir Poutine. D’une part, au plan international où sa parole n’a plus la moindre valeur. D’autre part, au plan intérieur où le maître du Kremlin va très vite être pris en étau entre les oligarques, durement pénalisés par les mesures occidentales de saisie de leurs biens et de blocage de leurs avoirs financiers, et le peuple russe qui va très vite subir dans tous les aspects de sa vie quotidienne les effets des sanctions économiques et bruyamment exprimer sa colère. D’ores et déjà, les experts kremlinologues envisagent qu’une révolution de palais pourrait mettre fin au délire belliciste de Poutine et couper court à une possible fuite en avant cataclysmique. Fantasme ou possible réalité ? Réponse dans les semaines à venir.


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