Pouvoir, Constitutionnalité et Sécurité Sociale

par Vulpes
lundi 5 juin 2023

Le respect de la Constitution réserve bien des surprises aux citoyens quant à son application. 

L'article 40 de la Constitution concerne la recevabilité des propositions et amendements formulés par les membres du Parlement dont l'adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.

Le texte proposé par le groupe Liot le 8 juin 2023 à l'assemblée nationale entre-t-il dans le domaine d'application de cet article ?

Selon la loi de finance rectificative de la Sécurité Sociale du 14 avril 2023. l'âge du départ à la retraite est fixé à 64 ans à dater du 1er septembre 2023. Aujourd'hui 4 juin 2023 le même article fixe le départ à la retraite à 62 ans :

L'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la Sécurité sociale, à l'article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l'article L. 24 et au 1°de l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite est fixé à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955. (article L. 161-17-2.)

La proposition de loi du groupe Liot au jour d'aujourd'hui et jusqu'au 1er septembre n'a nullement pour conséquence d'aggraver une charge publique. La Sécurité Sociale est une entreprise privée chargée d'une mission publique. Son financement n'entre pas dans le budget de l'Etat. Si selon l'article 34 de la Constitution la loi fixe les règles de son financement elle les assujettit aux prévisions de recettes, fixe ses objectifs de dépenses, sous les réserves prévues par une loi organique précisant les conditions de son équilibre financier.

 

Cette loi de financement rectificative du 14 avril 2023 est chiffrée, elle renvoie à la loi de financement du 23 décembre 2022 qui prévoit pour la branche Vieillesse une dette de 3,6 milliards €. En avril selon la répartition des branches la prétendue diminution des dépenses Vieillesse sur les 4 derniers mois de l’année prévoit une dette de 273,7 – 269,8 soit 3,9 milliards €. La rectification augmente les recettes de 100 millions € et le déficit de 0,6 milliard €. Ce poste de dépenses, objet du recours à l’article 49-3 de la Constitution, enfreint-íl les dispositions de l’article 40 ? Non ! Ledit article ne s’adresse qu’aux membres du Parlement. Ainsi, pour autant qu’il soit suivi par le Parlement, le Gouvernement dispose à merci du citoyen et de sa représentation.

 

Comment affirmer l’aggravation de la dépense publique dès lors que le financement de la branche Vieillesse de la Sécurité Sociale augmente en dépit de la mesure retardant les départs à la retraite ? Sur ce sujet Monsieur Eric Coquerel, Président de la commission des finances, a validé les dispositions du projet de loi Liot.

L’article 89 du Règlement de l’Assemblée Nationale a pour objet la recevabilité financière des projets soumis par les députés. Son alinéa 4 permet d’appliquer l’article 40 et son alinéa 5 prend en comptes les lois organiques d’application pour accepter ou refuser le projet. Mais encore faudrait-il connaître le gain présumé de cette mesure sachant que les retraités (14.170.000 en 2021) ne cotisent plus pour la branche vieillesse et ne sont pas nécessairement remplacés après leur départ ou le plus souvent par des jeunes au salaire inférieur produisant moins de financement « vieillesse » salarial et patronal, si ces charges ne font pas l’objet d’une aide à l’employeur. Sachant aussi que le chômage 6,4% et la maladie longue durée des travailleurs de plus de 55 ans sont une charge substantielle pour les ressources publiques. Bien entendu encore faut-il tenir compte des décès lesquels ont représenté 4% des retraités en 2021 et les pensions de réversion au conjoint survivant (2.000.000 en 2021). Ces estimations et prévisions recourent à Madame Soleil.

S'il parait réaliste que la première Ministre et la Présidente de l’Assemblée Nationale arguent de l'Inconstitutionnalité de l'article premier du projet de loi du Liot. Encore convient-il que ces autorités appliquent toute la Constitution et non les bouts qui arrangent leurs affaires.

Dans un Etat de Droit le respect de la Constitution s'impose. C'est pourquoi il est étonnant que le Président de la République qui a la charge de veiller à son respect selon l'article 5 soit en contradiction avec cette mission quand il agit en chef de l'exécutif et décide seul des opérations militaires. Selon les articles 20 et 21 de la Constitution, ces tâches sont la responsabilité exclusive du Gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation et dispose de l'administration et de la force armée sous la direction du premier ministre. Ceux qui s’appuient sur la Constitution le savent : La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision (article 89). Choisi par l’électeur le Président de la République est un arbitre entre l’exécutif et le législatif. Il ne peut être juge et partie. Il ne dirige pas un parti, mais assure le fonctionnement régulier des institutions. 

Pour mémoire le préambule de la Constitution qui reprend celui du 27 octobre 1946 en son alinéa 8 dispose : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail… » La retraite est partie des conditions de travail selon le code éponyme. La Constitution a donc été transgressée par le Gouvernement sous l’autorité et la pression de l’Elysée en ignorant les travailleurs. A son tour le Conseil Constitutionnel a une lecture bien étrange de la Constitution. D’autre part l’alinéa 9 du préambule déclare : « Tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité »

La Sécurité Sociale est une entreprise privée à but non lucratif. Allez comprendre pourquoi depuis sa fondation le 19 octobre 1945 Elle est restée une entreprise privée. Les personnels de la Sécurité sociale sont des salariés de droit privé. Il relève du Code du travail et sont régis par des conventions collectives. La Sécurité sociale est composée de sociétés mutualistes formées par les différentes branches représentées. La Sécurité sociale est gérée par ses adhérents.

Hélas ! Non seulement le Gouvernement ne détermine ni ne conduit la politique de la nation, mais encore il utilise la Constitution au mépris des articles que le président qu'il sert transgresse. A tort ou à raison une majorité de nos compatriotes rejette le départ à la retraite à 64 ans. Sans doute convient-il de l’entendre et de la respecter. Dans une démocratie le peuple représenté par le Parlement est souverain pas le Président élu ni l’occupant du « Perchoir ».

Annexe :

Loi du 23 décembre 2022 Article 23

Loi rectificative du 24 avril 2023


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