PPDA, les doigts dans le pot de déconfiture !
par Paul Villach
lundi 31 janvier 2011
Comment se défendre d’une infâmante accusation de plagiat démontrée textes comparés en main ? C’est le numéro d’illusionnisme que Patrick Poivre d’Arvor a tenté au cours de l’émission « Bibliothèque Médicis », le 26 janvier 2011, animée sur la chaîne Public Sénat par Jean-Pierre Elkabach, qui n’avait sûrement aucun autre auteur plus sérieux à inviter : un microcosme par définition est très très petit (6).
Il faut avoir un culot monstre pour nier l’évidence, celui de l’enfant qui, pris en flagrant délit les doigts dans le pot de confiture, s’écrie : « C’est pas moi ! ». Avec la même effronterie, PPDA s’y prend en trois coups de cuillers à pot de déconfiture : 1- il amuse d’abord la galerie en délayant un leurre de diversion qui détourne l’attention de l’essentiel, l’accusation de plagiat. 2- Il nie ensuite farouchement l’évidence, indifférent à la contradiction. 3- Il joue enfin du leurre d’appel humanitaire en se présentant en victime.
I- Premier coup de cuiller à pot : détourner l’attention par un leurre de diversion
Pour détourner l’attention de l’accusation de plagiat, PPDA livre d’abord un leurre de diversion qui présente trois caractéristiques.
1- Un bobard invraisemblable
C’est un bobard énorme dont il ne se soucie même pas de la vraisemblance : il se serait produit un quiproquo entre une version de travail et la version définitive. Qu’on puisse douter que des professionnels de l’édition commettent pareille erreur enfantine, n’arrête pas l’honnête homme qui entend parler « très honnêtement ».
2- Trois leurres auxiliaires
Il essaie néanmoins de rendre crédible ce bobard invraisemblable par trois leurres auxiliaires.
a- le premier est le leurre de la vaccine décrit par Barthes. Comme le vaccin qui inocule des germes inactivés pour susciter des anticorps salvateurs, PPDA reconnaît un peu de mal pour faire admettre un grand bien, l’absence de plagiat. Il concède, - « confesse » même - ce qu’avec J.-P. Elkabach il nomme trois « imprudences ou maladresses » et même « fautes », qui, en fait, n’en sont pas ! 1- écrit à la main, son manuscrit va et vient de lui à l’éditeur qui le dactylographie, et une inversion de versions est toujours possible ; 2- il a donné son « bon à tirer » par téléphone sans vérifier la version définitive, car il était en voyage. 3- Il a enfin dédicacé son ouvrage à des journalistes sans avoir davantage feuilleté les exemplaires.
b- Le deuxième leurre est le leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée. Puisque nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire, oser dire du mal de soi tend à rendre son information plus crédible que sa propre louange. PPDA consent à dire un peu de mal de lui : il reconnaît avoir commis des « imprudences ou maladresses » et même des « fautes » dont on a dit plus haut qu’elles n’en sont pas. En fait, entre deux maux, il choisit le moindre : entre plagiat infâmant et inversion de versions, il avoue la seconde qui n’est qu’une erreur bénigne, bien qu'indigne d'un professionel de l'édition.
c- Le troisième leurre est le leurre de l’égalisation. Essentiel et détails inutiles sont mélangés et traités à égalité pour égarer : on apprend ainsi qu’il écrit à la main, et même à l’encre violette, qu’il a donné son « bon à tirer » par téléphone du Pakistan où il était en représentation, qu’il ne vérifie pas les exemplaires qu’il dédicace. L’auditeur, noyé dans les détails, peut finir par perdre de vue l’essentiel : l’accusation de plagiat et ses preuves.
3- Un quatrième leurre vise pour finir à rendre encore plus crédible ce bobard du quiproquo entre les versions : c’est le leurre del’argument d’autorité. PPDA en profite pour parler de sa « longue mission » au Pakistan confiée par l’UNICEF. Il rappelle ainsi qu’une organisation des Nations Unies l’a investi d’un rôle prestigieux de représentation en raison de sa qualité et de sa notoriété. Ce leurre de l’argument d’autorité qu’il brandit, tend à dissuader celui qui l’écoute de croire qu’une personnalité d’envergure internationale de son tonneau puisse s’abaisser à commettre l’escroquerie dont on l’accuse.
II- Deuxième coup de cuiller à pot : nier farouchement sans craindre la contradiction !
Que faire, cependant, des « passages litigieux relevés par L’Express » que lui rappelle gentiment J.-P. Elkabach en ayant , cependant, la délicatesse de ne surtout pas les lui remettre sous le nez ?
1- Dénégation farouche
PPDA nie farouchement leur existence. « Arrêtez, Jean-Pierre ! » ordonne-t-il, péremptoire.
- Il n’en admet la présence que dans « la version (intermédiaire) qui doit dater d’octobre, ou peut-être de fin septembre (2010) ». Encore un détail d’importance sans doute ? Pourquoi ne pas préciser le jour et l’heure, tant qu’il y est ?
- Surtout, par argument ad hominem, il a le front de retourner implicitement l’accusation de malhonnêteté contre ces détracteurs : « Parce qu’au fond, ose-t-il dire, tous ces gens qui parlent, n’ont jamais vérifié si oui ou non il pouvait y avoir un emprunt quelconque à la fameuse biographie. »
2- Contradiction entre affirmations et données vérifiées
Or, tout lecteur des articles de Jérôme Dupuis dans L’Express sait pertinemment que cette accusation est en contradiction avec des données vérifiées (1). On a soi-même analysé sur AgoraVox les méthodes du plagiaire pour maquiller son vol de la propriété intellectuelle d’autrui (2).
3- Aveu de copies dans la version de travail
PPDA a beau nier l’évidence et renvoyer à une version de travail ces longues citations maquillées par changement de temps, usage de synonymes, inversions de mots et de groupes syntaxiques, ajouts redondants et omissions bénignes, sa dénégation et son bobard ne rendent pas compte de la présence surprenante de ces copies serviles même dans une version de travail.
N’importe quel auteur sait ce qu’il en est : y compris dans une version non définitive d’un livre, on ne trouve pas de copies d’autrui qui aient réclamé un effort de maquillage. Si l’on a à faire des emprunts dans la limite du droit de citation autorisé par la loi sur la propriété intellectuelle, on use de guillemets. Or, il n’y en avait aucun sur la version dite intermédiaire. En revanche, la couche de maquillage était si épaisse qu’elle dénonçait à elle seule l’opération de plagiat camouflée.
III- Troisième coup de cuiller à pot : jouer la victime
Que reste-t-il enfin quand, malgré tant d’efforts pour nier l’évidence, on se retrouve dos au mur avec le sol qui se dérobe sous ses pieds ? Jouer la victime, comme Georges Frêche et Mme Alliot-Marie, pour tenter de stimuler la compassion par un leurre d’appel humanitaire (3).
1- La pose de la victime
J.-P. Elkabach, plein d’attention pour son confrère, est venu à son secours pour lui tendre la perche avant qu’il ne se noie. Il lui a offert de sauter sur ce leurre : « Pourquoi on vous cherche ? » lui a-t-il demandé. « Ah ! Voilà ! a soupiré PPDA, à la fois soulagé et affligé. Y a peut-être un peu de jalousie, y a un peu d’envie, y a beaucoup de bêtise, et y a beaucoup, je dirais, de sottise ». On remarque en passant que PPDA, très inspiré, établit une différence entre « bêtise » et « sottise », comme entre le texte original de Griffin et sa copie servile.
Attaqué pour plagiat, PPDA brandit sa situation de victime mise hors-contexte. Il proteste d’entrée contre le sort qui lui est réservé : « On peut ne pas aimer mon écriture. Mais quand on est en train de dire :"Oh là là, c’est pas son écriture c’est celle d’un autre, qu’il a piquée chez un autre", évidemment c’est absolument intolérable ! Cela est totalement faux, puisque le livre qui est en librairie depuis hier, est le livre que j’ai écrit (…) ».
2- PPDA, victime de lui-même
La victime, en effet, inspire, en général, un réflexe de compassion et, symétriquement, ses bourreaux, un réflexe de condamnation. PPDA oublie seulement une condition pour manier avec succès ce leurre d’appel humanitaire : il faut que la victime n’ait rien fait pour le devenir et qu’elle soit perçue comme innocente. C’est une des leçons de La Fontaine dans « La Cigale et la Fourmi », même si ce n’est pas la principale. Comme la Cigale, PPDA est victime d’abord de lui-même et n’inspire donc aucune compassion : « Vous plagiez ? J’en suis fort aise ! Eh bien, payez-en le prix maintenant ! » pensent tous les auteurs-fourmis qui écrivent seuls des livres.
PPDA peut-il nier qu’il ait donné des verges pour se faire accuser de plagiat en diffusant un livre où Jérôme Dupuis avait relevé une centaine de pages directement inspiré de la biographie d’Hemingway par Peter Griffin ? Que peuvent le bobard du quiproquo même habilement troussé de leurres, la dénégation de la réalité et le leurre d’appel humanitaire quand le plagiat est si avéré. L’estocade est donnée par le livre de PPDA lui-même qui vient de paraître : Jérôme Dupuis relève qu’il est passé de 414 pages à 384. « Nombre de passages directement inspirés du modèle américain, écrit-il, ont purement et simplement disparu » (4). « (Ceux relatifs à la jeunesse d'Hemingway) comme on pouvait s'y attendre, écrit Le Monde, ont fondu comme neige au soleil : sur les 118 pages du début, il n'en reste que 63. (…) Les 27 pages consacrées au séjour d'Hemingway sur le front italien à la fin de la Grande Guerre ne sont plus que 13. (..) Comme si, en l'espace de quelques semaines, des éléments importants de la vie d'Hemingway, comme ses origines familiales, ses débuts de journaliste ou son expérience d'ambulancier en 1918, étaient soudain devenus moins importants pour son biographe. » (5) CQFD ! Le numéro d’illusionnisme de PPDA ne fait pas illusion. Paul Villach
(1) Jérôme Dupuis, « Trois exemples du plagiat de PPDA », L’Express, 4 janvier 2011.
(2) Paul Villach,
- « PPDA et son Hemingway : le dur métier de plagiaire-maquilleur », AgoraVox, 6 janvier 2011.
- « PPDA blanchi par son « nègre » ? L’interview qui tue ! », AgoraVox, 8 janvier 2011.
(3) Paul Villach,
- « Tunisie : Alliot-Marie à l’école de Georges Frêche « joue la victime » ! », AgoraVox, 19 janvier 2011.
- « « Je fais la victime ? » demande Georges Frêche, en bon disciple de Machiavel », AgoraVox, 12 janvier 2011.
(4) Jérôme Dupuis, « Ce qui a changé dans la nouvelle version de la bio d'Hemingway par PPDA », L’Express, 26.01.2011.
(5) Le Monde des livres, « Le "Hemingway" de PPDA revu et allégé », 27.01.2011.
(6) Extraits de l’émission « Bibliothèque Médicis » sur la chaîne Public Sénat, 26 janvier 2011
« PPDA.- On peut ne pas aimer mon écriture. Mais quand on est en train de dire, Oh là là, c’est pas son écriture c’est celle d’un autre, qu’il a piquée chez un autre, évidemment c’est absolument intolérable !
Cela est totalement faux, puisque le livre qui est en librairie depuis hier, est le livre que j’ai écrit, la version intermédiaire malheureusement a été adressée à des journalistes qui en ont fait leur miel.
- J.- P. Elkabach .- Quelles imprudences ou maladresses ont été commises que vous reconnaissez ?
- PPDA.- De mon côté, 1- n’écrire qu’à la main. Pardonnez-moi, je suis comme Philippe Sollers, je n’écris qu’à la main, à l’encre violette.
- J.-P. E. .- Donc quand on dit : qui lui l’a écrit ? À qui il a confié l’écriture ?
-PPDA. – Et puis quoi encore ? Tous mes manuscrits sont chez moi. Ils sont consultables par qui le veut. Première chose. Donc j’ai écrit à la main, et écrivant à la main, je fais taper par l’éditeur. Et c’est sûr, cette suite d’aller et retour peut entraîner quelques problèmes d’inversion de fichier. C’est ce qui a été notre cas.
Deuxième faute que je confesse, c’est vrai, j’étais au Pakistan pour l’Unicef, pour une longue mission, lorqu’on m’a demandé le bon à tirer, ça veut dire je tamponne, c’est bon, vous pouvez y aller, et je l’ai fait téléphoniquement, ce que j’aurais pas dû faire, j’aurais dû attendre mon retour. Mais le livre en aurait été retardé d’autant.
- J.-P. E.- Surtout vous avez dédicacé quelques livres…
- PPDA.- Alors troisième faute, mais je pense que certains d’entre vous, je ne sais pas comment ça se passe pour vous, quand on reçoit les livres, qu’il viennent immédiatement, juste d’arriver dans votre maison d’édition, vous les dédicacez, les envoyez…
- J.-P. E. .- Sans les regarder, et sans les relire…
- PPDA .- Très honnêtement, je l’ai jamais fait. De mon côté, jamais…
- J.-P. E. .- C’est plus que des dédicaces…
- PPDA .- … Il ne s’agissait que des exemplaires de presse…
- J.-P. E. .- Patrick…
- PPDA .- Je vais dire pire que ça : mes amis… j’ai été mortifié que mes amis, mes proches lisent une version qui n’était pas la version définitive.
- J.-P. E. .- Les passages litigieux relevés par L’Express, vous les avez supprimés.
- PPDA .- Arrêtez…Jean-Pierre ! Ce livre, la version telle qu’elle a été reçue par les journalistes, est une version qui doit dater d’octobre, ou peut-être de fin septembre. Entre temps, il y en a eu combien d’aller et retour ? J’ai beaucoup évidemment modifié. C’est pas en une semaine qu’on change un livre.
- J.-P. E. .- Pourquoi on vous cherche ?
- PPDA .- Ah ! Voilà ! Y a peut-être un peu de jalousie, y a un peu d’envie, y a beaucoup de bêtise, et y a beaucoup, je dirais, de sottise. Parce qu’au fond tous ces gens qui parlent, n’ont jamais vérifié si oui ou non il pouvait y avoir un emprunt quelconque à la fameuse biographie. Je peux vous garantir…
- J.-P.E .- Peter Griffin que vous avez cité dans le nouveau…
- PPDA .- 18 fois dans l’ancien, la version, et celui-là aussi, bien sûr…
- J.-P. E. .- Donc il n’y a pas de risques de procès des américains…
- PPDA.- Évidemment. Sottise là aussi ! Ce n’est pas le sujet. Le sujet, c’est que si vous regardez même la version intermédiaire, telle qu’elle a été adressée aux journalistes, elle n’est absolument pas fautive. Elle s’inspire de loin d’une biographie qui est de loin la meilleure biographie sur la jeunesse, sur l’enfance d’Hemingway. Mais c’est tout petit dans mon livre.
- J.-P. E. .- Est-ce que vous êtes indifférent aux critiques, aux rumeurs ?
- PPDA .- Pour le moment non, je vous l’ai dit avec honnêteté, non, non ! Parce que ça touche au sacré, à quelque chose qui est très important pour moi…
- J.-P. E. .- Et en même temps, vous le savez tous, vous qui écrivez, écrire, c’est livrer dans certains cas des morceaux de sa propre chair
- PPDA .- Oui, ça m’est arrivé très souvent ! J’ai écrit sur des drames intimes, j’ai perdu des enfants, j’ai raconté ces douleurs-là, j’ai raconté des histoires d’amour, des histoires qui m’ont touché, frôlé, et que j’ai peut-être fantasmées aussi. Je les ai racontées parce que pour moi, c’est capital…
- J. –P. E. .- Justement pourquoi cette accumulation de récits, de biographies, de témoignages personnels. Pourquoi ce besoin de se raconter, vos souffrances, vos épreuves, vos joies, vos amours ?
- PPDA .- Mais là je raconte Hemingway, comme lui (Sollers), il raconte Stendhal. Il se raconte à travers Stendhal
- J.-P. E..- Une histoire intime se termine, on la raconte…
- PPDA.- Pas du tout, il s’agit d’une histoire d’amour dont les protagonistes n’ont évidemment pas les noms, lointainement inspirés de choses qui ont pu m’arriver, ou que j’aurais aimé qu’ils m’arrivent, ça arrive aussi, ça ! C’est ça le miel de tout écrivain, c’est tout ce qui lui arrive, tout ce qu’il entend, tout ce qu’il repère, qu’il sent ! »