Préparation H (1/2)

par Mmarvinbear
jeudi 3 mars 2011

L’amour est un sentiment assez ambivalent. Tout le monde le recherche et une fois trouvé, tout le monde souhaite à ses enfants de connaître le même bonheur.

Pourtant, une fois ce jour arrivé, il se produit parfois un phénomène étrange. La tension s’installe rapidement dans le groupe. La stupeur fait place au désarroi, à la colère, au mépris. Parfois, la violence s’installe. Verbale d’abord. Physique parfois.

Puis une fois que la tension s’apaise, vient le temps des reproches mutuels. Mais qui que soit le coupable potentiel, les deux parents sont d’accord sur l’essentiel.

Mais qu’est-ce qu’il lui a pris, à leur enfant, de tomber amoureux d’une personne de son propre genre ?

Loin de toute considération philosophique, religieuse ou sociale, l’homosexualité est définie comme étant « l’amour, l’attirance, une orientation et/ou la pratique de relations sexuelles entre personnes de même sexe. »

Depuis la nuit des temps, ce comportement a fait l’objet d’études, de remarques, de recherches. De critiques aussi. De rejet plus ou moins prononcé. De lutte plus ou moins intense. De persécutions plus ou moins cruelle. Au motif de la préservation de la paix sociale, politique, religieuse.

Par définition, il nous est impossible de connaître la situation des peuples humains de la préhistoire.

Nous pouvons simplement avoir un aperçu de ce qui a pu être par l’ étude des populations primitives qui existent encore sur Terre. Chez certaines d’entre elles, comme les Sambia de Papouasie, les rituels initiatiques font largement appel aux pratiques homosexuelles dans un cadre social et religieux. Les premiers descriptifs nous viennent des premiers explorateurs du XVIIIè et du XIXè siècle, ce qui exclut toute « contamination culturelle » par un contact avec une civilisation plus avancée comme la nôtre.

Les premiers textes historiques des grandes civilisations sont eux formels : l’ homosexualité y est une pratique existante, qui n’est pas interdite par la loi. Toutefois, la morale sociale impose déjà une distribution des rôles : l’ homme de rang plus élevé se doit être l’actif du couple. C’est une particularité qui va se diffuser et se retrouver dans le monde grec antique, puis dans la société romaine pré-chrétienne. Les écrits de Quinte-Curse attestent aussi de relations sexuelles entre maîtres et esclaves, parfois eunuques, dans l’empire Perse : ils sont « habitués, eux aussi, à servir de femmes. »

La personne d’ Alexandre le Grand en constitue la figure de proue de l’époque. Ses amours tant masculines que féminines ne sont ignorées de personne.
Une grande tendance de cette époque nous informe donc que le rapport sexuel y est plus codifié sur le plan de la pyramide sociale que sur le plan du sexe des personnes. On peut donc, par extension, faire prolonger vers le passé préhistorique ce type de comportement, avec les précautions d’usage : aucune texte, et pour cause, ne nous est parvenu. Toutefois, il n’existe aucune raison de penser que les choses auraient pu changer du jour ou, pour la première fois, un homme a gravé un signe pour désigner un objet ou un concept sur une tablette d’argile fraiche.

Vainqueur de Darius a la bataille de Gaumamèles, Alexandre met la main sur ce qui est à l'époque l'empire le plus puissant de la planète.


La Grèce Classique possède une civilisation qui s’inscrit dans la continuité des empires mésopotamiens et perses.


Il ne faut pas voir en la Grèce Antique un empire, voir même un Etat unifié qui couvre tout le bassin oriental de la Méditerranée. A cette époque, chaque ville de Grèce est indépendante les unes des autres. Il s’est bien entendu formé des ligues et des alliances temporaires ou durables pour résister aux pressions Perses ( Xerxès et Darius en savent quelque chose ) mais sur le plan économique, politique ou social, chaque cité applique ses propres lois.

Comme Athènes, après la chute de Sparte, va prendre le leadership du monde grec, ce sont les lois et les moeurs athéniennes qui nous sont le plus connues. Mais les historiens ont noté qu’ Athènes n’a fait que reprendre d’antiques traditions crétoises dans l’institutionnalisation de la pédérastie.

Il convient, ici, de bien préciser la définition du terme. La pédérastie est l’éducation morale et sociale d’un jeune garçon (l’éromène) par un adulte ( l’éraste ). Cette éducation couvre tous les sujets, y compris le sexe. Mais aussi les relations sociales, la chasse, la guerre, la poésie et la philosophie.

 
Eraste et eromène. Ces statues illustrent l' Arc de Triomphe de Paris.


Les relations sexuelles sont censées cesser entre les deux protagonistes au retour du jeune homme de sa formation, qui symbolise son passage à l’âge adulte. Dans la pratique, elles continuent parfois, ce qui donne aux auteurs classiques de l’époque de quoi alimenter leurs comédies théâtrales.

Si Rome ne va pas reprendre dans ses canons l’initiation pédérastique, la pratique va dans les faits perdurer aux premiers temps de la République romaine, sans doute un reliquat de la civilisation Etrusque et des comptoirs grecs de Sicile et du sud de l’ Italie.

La culture romaine est, comme toutes les autres de l’époque, masculine, misogyne et phallocrate. Rome va développer ce concept au sein de la virtus, la voie martiale. D’ailleurs, les mythes fondateurs romains donnent le dieu Mars comme père des légendaires Romulus et Rémus. Dans cette optique, la séduction des jeunes garçons n’est pas compatible avec la virilisation souhaitée des jeunes gens. La philosophie est plus proche de Sparte que de celle d’ Athènes.

Dans les faits, les rapports continuent d’exister, mais tout comme les civilisations mésopotamiennes, elles sont codifiées socialement et légalement. L’homme libre ne peut avoir pour rôle celui de passif. Il ne peut non plus avoir un autre homme libre dans ce rôle là. Les esclaves sont là pour cela aussi. Pour les contrevenants, la Lex Scatina prévoit une amende pour ceux qui franchissent l’interdit. Cicéron fustige ce comportement, tout en ayant eu lui-même des amants-esclaves qu’il a continué à fréquenter après les avoir affranchis.

Les choses changent et dégénèrent par la suite. La douceur grecque finit par avoir raison de la dureté martiale, et la virtus s’efface progressivement du paysage romain. Est-ce ce à cause de cela, en réaction, que lorsque le christianisme va s’imposer de façon durable, que les élites font promulguer des lois punissant de mort toute personne ayant eu des rapports sexuels entre partenaires du même sexe ?

Pour bien comprendre la position chrétienne, il faut remonter aux temps hébraïques.

Le judaïsme est une particularité du Moyen-Orient. C’est la première grande religion à instaurer le Dieu Unique. La position des textes bibliques est sans équivoque en ce qui concerne le sexe hors du mariage et de la reproduction : c’est une condamnation totale. Fellation, pénétration anale, masturbation, tout ce qui n’est pas reproductif est interdit et déconsidéré. Les textes les plus virulents à ce sujet se trouvent dans le Lévitique, un des textes les plus anciens de la Bible.

Les historiens ont retracé l’origine du lévitique au temps de la déportation des élites juives à Babylone au Ier millénaire avant JC : les obsessions zoroastres pour la pureté apparaissent alors dans la culture juive, ce qui est un indice sérieux quand aux liens entre ces religions. De larges pans du zoroastrisme ont influencé les hébreux qui y ont sans doute puisé une source supplémentaire d’interdit sexuel en ce qui concerne l’homosexualité. Cette condamnation va perdurer et se transmettre aux autres religions du Livre, le Christianisme puis l’ Islam.

Dès lors, et alors que les autres grandes cultures (indiennes, chinoises et amérindiennes) continuent à garder une attitude à peu près neutre sur le sujet, le monde occidental va s’enfermer dans un corset moral qui va perdurer pendant plus de 1500 ans.

Parmis les crimes dont furent accusés les derniers Templiers, figure celui de sodomie. La rumeur prêtait une homosexualité institutionnalisée au sein de l'ordre.


La religion chrétienne va dominer la vie politique et sociale de l’ Europe durant tout ce laps de temps. Les lois religieuses inspirent les lois civiles, et se placent même parfois au dessus de ces dernières.

Comme le judaïsme en son temps, la hiérarchie catholique, puis protestante, va régenter la vie sociale de ses ouailles. Pour assurer le contrôle des esprits, la religion s’assure du contrôle des corps. Le sexe n’a pour la religion qu’un rôle de reproduction, et le plaisir est d’inspiration maléfique. Les lois répriment fortement ceux qui se font prendre à s’être livrés à des actes de bougrerie, tout du moins ceux qui ne disposent pas de puissantes protections civiles ou familiales. La mutilation est le sort réservé aux fautifs, et en cas de récidive, c’est la mort sur le bûcher.

Pendant 1500 ans, avec des périodes plus ou moins sévères, l’ Eglise va lutter contre une déviance sexuelle qui va pourtant perdurer dans les faits. Les lois sont continuellement réécrites, les sanctions encourues renforcées. Pourtant, malgré leur incapacité à se reproduire par eux-même, génération après génération, l’homosexuel perdure.

La situation commence à changer lors de la Renaissance. Si l’Eglise demeure très puissante, son influence commence à décroitre. Les raisons en sont une certaine corruption interne, qui va mener à la Réforme, et au progrès scientifique qui démontre de façon certaine que la Bible n’est pas un livre parfait, puisqu’elle présente des contre vérités flagrantes. Si le Livre Sacré se révèle faillible, comment justifier la toute puissance du Vatican ?

Le développement de la philosophie, de l’Humanisme, des Lumières minent peu à peu le pouvoir des prélats. La parole se libère et la curie est peu à peu renvoyée dans ses nefs.

Les lois qui séparent les églises des Etats ne constituent pas cependant un tournant dans le quotidien des homosexuels. Les lois restent en vigueur car nul ou presque ne se soucie de les abroger. Nul, d’ailleurs, ne pense que ces dernières sont injustes et inutiles. La religion et la croyance restent un poids pour les mentalités. Si la Révolution de 1789 abroge les lois qui pénalisent les rapports entre adultes consentants, la police dresse des fichiers pour identifier les homosexuels, dans le but avoué de prévenir les « scandales publiques » et les possibles tentatives de chantages, ce qui augure du comportement de certaines élites de l’époque...

Cette loi est réinscrite par Vichy en 1942. La Libération ne changera rien à cet état de fait : tout homosexuel est passible de prison s’il est surpris en plein acte avec un partenaire de moins de 21 ans.

Les constitutionnalistes ne trouvent étrangement rien à redire à cette loi qui viole pourtant l’article premier de la Constitution : les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les hétérosexuels ne sont passibles de telles poursuites que si leur partenaire est agé(e) de moins de 15 ans.

La loi est finalement abrogée en 1982.

L’ Histoire a ceci d’étrange que si la société suit une tendance lourde de fond, tout peut déraper pour un rien. Ben-Ali vient de perdre sa place à cause d’une simple balance, et sa chute va entraîner d’autres potentats du monde arabe avec lui.

Le monde tranquille et serein des hétérosexuels a lui changé à cause d’un objet assez anodin. Ce n’est bien entendu pas comme si les « braves et honnêtes gens » ne savaient rien à ce sujet. Beaucoup connaissaient un oncle ou un cousin « célibataire endurci », qui faisaient l’objets de ragots et de railleries.

Mais une canette de bière allait tout changer...


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