Présidentielle 2017 : l’électeur est-il pris pour un gogo ?

par Aimé FAY
mardi 18 avril 2017

Gogo : homme crédule et niais, facile à tromper (dictionnaire Le Petit Robert). Dans cet esprit, depuis le début de la campagne présidentielle, le corps électoral a entendu tout et le contraire de tout en termes économique et social. Il y en a pour tout le monde. Nous devrions donc être contents !

Que nenni ! car dans le tout et le n'importe quoi… il y a souvent des choses contraires à certaines de nos valeurs et même parfois à notre liberté d'aller et venir, notamment en Europe, sans avoir à montrer patte blanche aux frontières terrestres, maritimes et aériennes. Là, chaque électeur, dont nous sommes naturellement, se demande si les candidat(e)s le prennent pour un gogo... comme d’habitude.

Quel est donc le motif de notre questionnement un peu courroucé ?

Beaucoup des prétendants à la fonction suprême, dont notamment Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen nous promettent monts et merveilles : hausse importante des salaires et/ou du pouvoir d'achat, création de plusieurs millions d'emplois, spectaculaire baisse des impôts pour l'une et 100% d'impôt au-delà de 33 000 euros de revenu annuel pour l'autre, sortie de l'Europe et l'euro… et bien sûr : la fameuse rupture républicaine avec le passé. Selon les derniers sondages, quelque 40% sont d'accord avec tout cela !

Même Benoit Hamon y va de sa petite musique… juvénile. Tel un collégien brillant − de 50 ans quand même − il ne veut pas quitter l'Union européenne ni sortir de l'euro… pour autant que l'Allemagne accepte de faire comme il dit. En pleine crise d'adolescence, pourrait-on dire ! Selon les sondages quelque 10% (soyons généreux !) sont d'accord avec lui.

Si on ajoute les 8 ou 9% que recueilleraient les "petits" candidats, c'est presque 60% de l'électorat qui serait pour élire l'une ou l'un d'entre eux comme chef de l'État. Est-ce bien rationnel ?

La vraie question est peut-être la suivante : pourquoi, nous gogos, sommes-nous si prompts à croire les fadaises économiques et sociales que nous promettent la plupart des candidat(e)s ?

Nous sommes assurément "crédules et niais", mais nous sommes, avant tout et surtout, "faciles à tromper"… comme l'énonce Le Petit Robert.

Nous sommes faciles à tromper, car notre culture économique et sociale est presque nulle. Notre éducation nationale n'enseigne pas l'économie, sauf à quelques privilégiés qui ont la chance d'être au lycée en section SES ou S − s'ils ont pris l'option éco. Et, là encore, les sciences économiques et sociales ne sont enseignées que de manière embryonnaire et surtout hors-sol.

Ainsi, combien de millions d'électrices et d'électeurs n'ont aucun rudiment économique et social ? 10, 20, 30, voire même 35 millions sur un stock de 47 millions en âge de voter ?

Combien d'entre nous peuvent comprendre qu'on ne peut pas distribuer de l'argent à tout le monde − raser gratis, comme l'on dit souvent − sans l'avoir économisé avant ou sans pouvoir l'emprunter… à quelqu'un, résident ou non-résident, qui nous fera confiance, car il connaîtra la capacité de notre économie à le rembourser ?

Enseigner le B.A. BA de l'économie dès l'école primaire, au CE2 − nous l'avons expérimenté, et ça marche 1 − devrait être l'un des objectifs du siècle, à relever pour l'élu du 7 mai 2017.

Nous sommes aussi faciles à tromper, car l'instruction morale et civique n'est plus vraiment enseignée à l'école primaire et même après.

Comment peut-on comprend qu'aujourd'hui, 18 à 20% du corps électoral pense qu'il serait tout à fait normal d'élire, le 7 mai 2017, une personne − François Fillon − ayant la justice à ses trousses. Cela, sous le seul prétexte qu'il prétend sortir la France de la terrible faillite dans laquelle François Hollande l'a mise. Les chiffres parlent contre lui (François Fillon) et pourtant, par absence de culture économique, mais aussi de morale et de civisme, beaucoup aimeraient le voir, à nouveau, à la tête de notre pays. La leçon de 2007-2012 ne leur a pas suffi !

Sommes-nous à ce point de gros gogos ?

Oui ! Mais, nous avons − une fois encore − une très bonne excuse : c'est la faute de notre école qui n'a pas fait de nous de véritables citoyen(ne)s à même de penser (le "cogito, ergo sum" de Descartes) et donc de juger par nous-mêmes, directement comme des grands, aussi objectivement que possible.

Nous, nous voterons pour vous, Emmanuel Macron. Vous qui ne promettez pas aux gogos que nous sommes encore, tout et son contraire. Vous qui serez respecté, car aujourd'hui respectable sur le plan économique et social, mais aussi sur celui de la morale, de l'éthique... et de la probité.

Faites de notre école primaire, une école qui forme des citoyen(ne)s ayant de bonnes bases en économie ainsi qu'en termes de morale et de civisme. Faites cela, afin que les gogos que nous sommes n'aient plus à donner raison à Proudhon quand il écrivait : "Le peuple, incapable encore de juger sainement ce qui lui convient, applaudit également aux idées les plus opposées, dès qu'il entrevoit qu'on le flatte : il en est pour lui des lois de la pensée comme des bornes du possible ; il ne distingue pas mieux aujourd'hui un savant d'un sophiste, qu'il ne séparait autrefois un physicien d'un sorcier." 2

 

1. avec seulement une dizaine de minutes par semaine, durant 6 mois, l'enfant a appris quelques rudiments sur : l'offre, la demande et les prix (pourquoi ils montent, pourquoi ils baissent) ; les biens et les services ; le marché, le commerce et les échanges ; les revenus, la consommation, l'épargne et a compris l'équation R = C + E ; l'entreprise, la production, l'inflation, etc. Ainsi que quelques éléments d'économie politique. Exemple : pourquoi il y a la "gauche" et la "droite" … c'est lui parler de la place dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale de 1789. La noblesse et le clergé − à droite − et le tiers état − à gauche. L'enfant curieux de nature et très agile intellectuellement est aujourd'hui, discrètement, très fier de cette culture... déjà supérieure à beaucoup d'adultes votant. Notre démarche montre qu'il est possible d'enseigner cela à l'école primaire. Pourquoi pas durant le périscolaire, sous forme de jeux, pour les enfants volontaires et motivés ?

2. Lettre à Messieurs les Membres de l'Académie de Besançon. Paris, le 30 juin 1840.

 

Crédit photo : Jacqueslanciaut.com


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