Prétention et fautes de goût : flèches de Viollet-le-Duc et autres restaurations malheureuses...

par Emile Mourey
mercredi 24 avril 2019

Oui, je dis bien "prétention". Je pourrais tout aussi bien dire : "péché d'orgueil". Pourquoi diable Viollet-le-Duc a-t-il planté cette flèche fragile sur une cathédrale de Paris dont la splendeur n'avait nul besoin d'un tel rajout ? Comme s'il avait voulu glorifier son oeuvre de restauration au-dessus de celle des "Anciens" ! Quand on sait que l'incendie qui a embrasé l'ensemble de la toiture est parti du pied de cette flèche, difficile de ne pas faire le rapprochement avec la chute de Babylone.

De même pour la cathédrale de Chalon-sur-Saône que je date du IIIème siècle, le plus beau temple de l'univers, temple d'Apollon, selon le rhêteur éduen Eumène. Quelle drôle d'idée ont eu les ducs d'y plaquer deux tours démesurées qui dénaturent sa façade et dont une, aujourd'hui, penche dangereusement. Quel gaspillage d'argent public que de vouloir les conserver ! 

De même pour la cathédrale d'Autun que je date du IVème siècle. Viollet-le-Duc l'a écrasée par une flèche surdimensionnée. Basilique chrétienne si l'on veut. En réalité, ce monument assez extraordinaire y propose à l'empire le fils de Constance-Chlore, Constantin, un nouveau sauveur à l'image du Christ des évangiles.

Voyez ci-dessous la carte de Peutinger (copie en couleur, l'original est en mauvais état). Cette carte est la grande oeuvre de l'empereur Julien, étonnant et précieux témoignage du IVème siècle. Voyez la vignette représentant le temple de Chalon, notre cathédrale. Voyez sa porte d'entrée et ses portes latérales, son allure massive. Tout cela concorde, y compris son emplacement sur la rive gauche de la Thalie. 

Voyez la vignette représentant la cathédrale d'Autun. N'évoque-t-elle pas les deux hautes tours de devant ? 

La basilique de Vézelay ne figure pas sur la carte de Peutinger. Glorifiant l'empereur Julien, nouveau sauveur, quelques cinquante ans après la cathédrale d'Autun, Vézelay a été également restauré par Viollet-le-Duc. Le tympan d'entrée était en mauvais état. Pourquoi lui a-t-il enlevé sa signification d'origine qu'il était pourtant facile de restituer ? (ci-dessous). Je ne sais pas. Voilà comment se perd le fil de l'Histoire ! Car il est clair que la sculpture originale s'inscrivait dans la suite et dans l'héritage de la fresque de Gourdon, et donc de Bibracte/Mt-St-Vincent. En glorifiant l'accession de Julien à l'empire dans son riche symbolisme, Bibracte étendait sa puissance vers le nord de la Gaule. Quant à Viollet-le-Duc, il ne faisait qu'exprimer la pensée de son époque : un Jésus-Christ jugeant les vivants et les morts ; à sa droite, les élus, à sa gauche, les damnés.

NB. Au lieu de "Dieu de Gourdon siégeant sur l'oppidum de Bibracte/Mt-St-Vincent", il serait peut-être plus exact d'y voir à l'origine la vision d'Ézéchiel : le Dieu non nommé des juifs siégeant sur la Jérusalem céleste.

Les empereurs gaulois ont-ils inventé une société de plein emploi ?

Désespérant des tâches à accomplir, Gallien se laissa aller à une inactivité scandaleuse et relâcha les rênes de la République. Les Alemans, après avoir dévasté la Gaule ... Dans cette situation désespérée, l'empire romain était presque en ruines. C'est alors que Postumus, homme d'un naissance très obscure, revêtit en Gaule la pourpre impériale. Pendant dix ans, il exerça les pouvoirs d'empereur. Il releva des provinces ruinées grâce à son courage et à la sagesse dont il fit preuve (Eutrope, Histoire romaine, IX)...

Postumus, un usurpateur ? Je ne vois là que la réaction normale d'une population gauloise qui se tourne vers un meilleur protecteur, un choix bien compréhensible.

Postumus, voyant qu'il était attaqué par les forces nombreuses de Gallien appela Victorinus à partager l'empire. Cet autre “Premier des Gaules”, également homme de guerre, prit le titre de César en s'alliant à Postumus (Trebellius Pollio, les trente tyrans)...

Question : que sont devenus les nombreux prisonniers barbares que Postumus a ramenés de ses opérations de retour à l'ordre ? Je propose la réponse suivante : il les a utilisés comme main-d'oeuvre pour construire la cathédrale de Chalon.

Question : comment expliquer que les provinces ruinées se sont relevées ? Réponse : parce que les barbares pillards ne sont plus venus en Gaule, sachant qu'ils risquaient d'y être obligés de travailler.

Pourquoi les empereurs gaulois ont-ils été assassinés par une sédition de soldats ? Réponse : parce qu'il leur refusait un soi-disant droit de pillage. Bref, après leur mort, retour des pilleurs et de l'insécurité. Le rhéteur Eumène insiste sur la désolation des campagnes ; ce que confirment d'autres auteurs : les destructions se firent sur une grande échelle. Partout, les monuments eurent à souffrir ; les temples ne furent même pas respectés par ces troupes anarchiques. Les trésors s'enterrèrent et les remparts des villes furent battus en brèche, ce qui signifie que les villes murées n'ont pas été investies. Il s'agit là des dommages causées par l'insurrection bagaude. L'Histoire ne nous dit pas quelle était la couleur de leurs blouses.

Après le règne des empereurs gaulois, le pays éduen avait été envahi par les Gaulois rebelles de Trèves. Il avait été ensuite dévasté par les bandes bagaudes qui refluaient devant les barbares qui avaient franchi le Rhin. Les Éduens s'étaient enfermés dans leurs oppida et avaient souffert de la famine. Retranchée dans l'oppidum de Bibracte, à Mont-Saint-Vincent, Victorina avait fait appel au gouverneur romain d'Aquitaine, Tétricus.

Question : queile est l'importante main-d'oeuvre qui a permis la construction des premières cathédrales ? Des prisonniers barbares ? 

Dans son éloge/panégyrique de Constance-Chlore, Eumène s'adresse au César : Cette cité des Eduens (Mont-St-Vincent + Autun + Perrecy + Bourbon-Lancy + etc…) au nom de laquelle je dois t'adresser de particulières actions de grâces, cette cité qui t'est entièrement dévouée, a recueilli, comme fruit de ta victoire en Bretagne, une multitude d'ouvriers qui étaient fort nombreux en ce pays ; et maintenant, elle se lève de ses ruines avec la reconstruction des vieilles maisons et des édifices publics et la restauration des temples. Comme tu es son nouveau fondateur, elle croit par là-même que le vieux nom de frères du peuple romain a été rendu à ses habitants.

Voilà un peu de ce que j'avais à dire. Cela fait presque 40 ans. Hélas ! les responsables de la Culiure sont frappés de surdité, de même ceux de la direction du patrimoine, de l'université, de même les médias, de même les élus.

27/10/2000.M. Michel DUFFOUR, secrétaire d’Etat à la Culture : ... Il ne paraît pas utile que le ministère de la culture et de la communication entretienne une polémique avec une personne, qui comme beaucoup de passionnés de son espèce, se place dans la posture de l’homme seul face au poids de la « science officielle

18/02/2003. Dominique VINCIGUERRA, Ministère de la Culture, chef de cabinet ...Je note tout d’abord que dans l’abandon (lire : abondant) courrier que vous avez adressé depuis plus de dix ans aux autorités gouvernementales successives, vous n’avez pas produit le moindre élément d’une documentation susceptible d’inciter un ou des archéologues à entreprendre des recherches de terrain pour vérifier (confirmer ou infirmer) ce qui ne peut que demeurer hypothèse....

Et pourtant, en 1986, Philippe de Villiers, secrétaire d'Etat au ministère de la Culture pour le Patrimoine n'a-t-il pas écrit : La Culture, c'est l'emploi de demain. La France est le pays du monde qui a les ressources les plus extraordinaires par son histoire, ses monuments et ses savoir-faire. Ces ressources sont largement sous-utilisées (Promouvoir le patrimoine français pour l'an 2 000, éditions de la Caisse Nationale des monuments historiques et des sites, 1987, page XII).

Qu'en est-il aujourd'hui ? Au mont Beuvray, fausse Bibracte, on dépense l'argent du contribuable en creusant des trous que l'on rebouche ensuite, à la recherche d'un hypothétique trésor celte, tandis que dans les communes de France, de fabuleux temples antiques tombent en ruines ou se vendent à l'encan.

Faut-il parler de déclin de la France ? Je le crains.

Emile Mourey, le 23 avril 2019, croquis de l'auteur.


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