Primaires du centre : un acte de naissance

par Olivier Des Mots Crates
lundi 9 juillet 2012

Un seul candidat au centre élu dans une primaire multipartite, qui aurait la légitimité de s’appuyer sur toutes les forces centristes pour faire valoir des idées et des priorités différentes de celles du PS et de l’UMP, avec une indépendance garantie par la mort dans l’œuf de la polémique éventuelle du report au second tour : un acte de naissance pour le centre indépendant.

Je n’aurais jamais cru pouvoir être un jour inspiré par une déclaration de Roselyne Bachelot. Eh bien voila qu’en ce 6 Juillet, elle vient de publier une lettre ouverte à Manuel Valls sur le Huffingtonpost.fr pour une organisation de primaires vraiment équitable et transparente. 

Dans un premier temps, elle en profite pour souligner que malgré le succès des "primaires" dites "ouvertes" pour désigner le candidat du parti socialiste, des questions d’équité pourraient être posées : « La diffusion par l'audiovisuel public de la campagne des candidats, la mise à disposition de locaux par les communes dans des conditions très diverses de tarification, l'utilisation des listes électorales, tout cela s'est déroulé sans cadre réglementaire, ni cahier des charges ». Mais la requête concerne surtout la volonté de son parti, l’UMP, de faire la même chose pour 2017. Elle suppose que si tout le monde s’y met, « on imagine alors les difficultés rencontrées pour coordonner ces différentes opérations en toute équité ».

On peut se dire qu’en 2017 les socialistes ont de grandes chances de reconduire le président sortant (ca va être intéressant d'entendre ce qualificatif qu’il a tant employé lui revenir à son tour) et donc de ne pas organiser de primaires. Mais il est aussi clair qu’au vu de l’exposition médiatique et de la mobilisation militante qui en a découlé, le PS va devoir se demander comment préparer leur entrée en campagne dans cinq ans, avec un bilan à défendre.

Les primaires sont un phénomène habituel et bien connu aux Etats-Unis, ou elles font office de premier tour, dans la mesure ou elles présentent plusieurs personnalités aux électeurs, mais restent par définition confinées à chacun des deux camps et débouchent donc sur l’affrontement de deux champions dans ce royaume du bipartisme. Elles répondent à la question de qui est le meilleur candidat pour représenter chacun des deux partis (ou seulement le parti de l’opposition dans les cas de premier terme d’un président comme cette année).

En France, bien que notre constitution impose une issue électorale bipolaire, nous sommes encore un pays multipartite. 

Le PS s’est immédiatement entendu avec le PRG qui a pu présenter un candidat face à cinq socialistes, mais les écologistes et les partis d’extrême gauche ont présenté un total de quatre candidats supplémentaires (EELV, FdG, LO, NPA). Je n’imagine pas cet état de fait changer, sauf si EELV décide de s’inféoder encore plus.


Avec une UMP montée de bric et de broc (humanistes, libéraux, gaullistes, nationalistes…), il parait logique de mettre les leaders de ces courants internes en concurrence pour identifier le ou la meilleure et je l’espère, le plus représentatif des adhérents et sympathisants.

En revanche, la possibilité de faire naitre ce mouvement de consultation citoyen au centre pourrait engendrer, de mon point de vue, des effets particulièrement inédits et bénéfiques. Ce serait en quelques sortes un acte de naissance du centre indépendant en politique française.

Premièrement, et face au comportement déjà hégémonique du PS, certains membres du PRG et disons de la partie « EE » de « EELV », pourraient tout à fait se retrouver dans l’idée de prendre les choses en main du point de vue non seulement des idées et des priorités gouvernementales, mais aussi sur le plan de la « part de voix » au sein de l’alliance qu’ils choisissent (étant actuellement noyés par le poids du PS). Le MoDem y aurait, sans jeu de mot, une place centrale… et naturelle, et l’Alliance Centriste devrait aussi s’y retrouver plutôt bien.

Restent, principalement, le Nouveau Centre et le Parti Radical Valoisien qui UNE FOIS POUR TOUTES, devraient sortir de leur ambiguïté et de cette hypocrisie qui consiste à dire « nous sommes centristes, mais nous ne collaborons qu’avec la droite ». Cette définition plus ou moins historique qui veut que le rôle centre soit de peser sur la droite est tout simplement une escroquerie, une simple tentative d’usurpation du centre.

Des primaires à gauche, au centre et à droite les forcerait à se prononcer une fois pour toutes : sont-ils au centre, ou à droite ?

Centre-droit signifie simplement qu'ils ne voteront jamais à gauche, mais qu'ils ne veulent pas se fondre dans l'UMP de peur de se faire écraser individuellement. S'il y a des différences dans les idées, il n'y a rien de très fort dans leurs convictions comme en témoigne la participation du NC et du PRV au gouvernement Sarkozy (on ne dit même pas gouvernement Fillon) sans en critiquer les erreurs et les dérives. Le seul élément qui ait fait partir Borloo est de s’être vu refusé le poste de premier ministre...

Je considère les expressions de centre-gauche et centre-droit comme les « ennemis sémantiques » du centre, car elles empêchent la clarté d'un trio gauche-centre-droite de voir le jour. C'est quand meme un comble de catégoriser la terminologie de centre comme synonyme d’indécision, tandis que l'on nous explique que les centre-appendices, eux, on fait un choix plus clair ! Effectivement, leur choix est d’être à gauche ou à droite, il faut les forcer à l'assumer car cette ambiguïté sert la stratégie politique de la gauche et de la droite, en empêchant le développement d'une troisième voie forte et réellement indépendante. Malheureusement, Phillippe Folliot vient à nouveau d'en faire la démonstration en répondant aux questions de l'Express et expliquant « qu'il faut un centre-droit indépendant », tandis que de son coté Jean-Louis Borloo, après la création du groupe UDI à l’Assemblée Nationale, commence déjà à ne plus savoir où il habite comme en témoigne un article récent dans le Point qui titre « Borloo prêt a retourner sa veste ».

Je ne rentrerai pas dans un débat qui nous emmènerait à reconsidérer l’utilisation même du mot « centre » en se disant qu’il faut aller au delà de cette terminologie hasardeuse et se concentrer sur les idées. Oui, mais les électeurs veulent positionner les personnalités et leurs partis de gauche à droite car ils se définissent eux-mêmes de cette façon. Je pense que l’erreur principale vient du fait que le centre reste un concept extrêmement flou et qu’il faut donc s’atteler à le définir idéologiquement.

En effet, pour qu’une primaire au centre puisse correspondre à un véritable acte de naissance du centre indépendant (j’aime à le répéter), il faut qu’elle s’accompagne de plusieurs règles d’engagement :

Premièrement, le fait d'accepter de participer à cette primaire serait donc considéré comme une déclaration d'alliance électorale qui impliquerait que les partis participants ne puissent pas présenter un candidat contre celui ou celle qui sortirait vainqueur. Cela semble être une évidence, mais serait déjà un grand pas en avant.

Ensuite, il faudrait évidemment aller plus loin en acceptant que toutes les forces des différents partis de la primaire se mobilisent comme un seul homme derrière le ou la candidat(e) unique.

Enfin, autre élément d’importance majeure, l’alliance du centre en tant que telle reposerait sur le principe qu’en cas de deuxième tour opposant le PS à l’UMP, aucun appel de report officiel ne serait déclaré (s’il s’agissait de faire barrage à l’extrémisme, ce serait bien sur une autre question).

Un seul candidat au centre élu dans une primaire multipartite, qui aurait la légitimité de s’appuyer sur toutes les forces centristes pour faire valoir des idées et des priorités différentes de celles du PS et de l’UMP, avec une indépendance garantie par la mort dans l’œuf de la polémique éventuelle du report au second tour.

Voilà à mon avis un des objectifs et des sujets qui devrait être la priorité du MoDem et du centre pour les cinq années à venir.

Est-ce qu’une fois pour toutes, plutôt que d’essayer d’exister comme composante de la majorité (n’est-ce pas Mr Bennahmias...) ou de l’opposition, le pôle écolo-démocrate-humaniste va avoir le courage de s’unir dans l’indépendance ?

C’est de cette façon que nous pourrons exister, être entendus par les électeurs et devenir indispensables dans un pays que beaucoup voudraient non pas bipolaire, mais vraiment bipartite.

Des Mots Crates - www.desmotscrates.com


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