Prise d’otage ; l’intervention extérieure

par Desmaretz Gérard
vendredi 23 mars 2018

Toute prise d’otage est un trouble grave de l’ordre public. L’intervention, en France, des forces de police et assimilées se fait dans le cadre juridique de la circulaire interministérielle N°13.220/S.G du 27 septembre 1975. On privilégie l’arrestation du ou des individus tout en protégeant la vie du personnel et celle des otages. Lorsque tous les moyens ont été épuisés ou qu’il existe une menace pour la vie humaine, le groupe d’intervention procède avec l’accord des autorités, à l’assaut.

Selon les unités, le nombre d’éléments la composant varie de trois à une dizaine d'hommes. L’unité est articulée selon une structure répondant à une doctrine. L’unité actuelle se compose d’un groupe : reconnaissance/renseignement - assaut - tireurs - d’urgence - moyens spéciaux. Le leader est responsable de l’action et des hommes placés sous son commandement auxquels s’ajoute l’organisation ainsi que le choix des moyens à mettre en œuvre.

La riposte initiale lors d’un incident pouvant mettre en péril la vie d’autrui est l’isolement de la scène. Cette mesure d’urgence a pour rôle de la contenir et de protéger les citoyens, ainsi que de s’opposer à une évasion toujours possible. Dans l’idéal, cela doit être fait par l’établissement de deux périmètres. Un périmètre de sécurité intérieur placé au plus près des lieux mais sans confrontation avec le ou les individus impliqués. L’établissement d’un second périmètre placé à une distance plus éloignée et dirigé vers l'extérieur. Ce deuxième cercle permet le filtrage des accès à la zone « gelée », mais aussi de tenir à distance les journalistes dont la présence a souvent pour effet d'accroître la vigueur des individus. Ce dernier cercle peut aussi s’opposer à l’arrivée de renforts ou de manifestants qui prendraient fait et cause pour l’individu retranché. Dans l'idéal, il faudrait pouvoir empêcher le ou les individus de pouvoir communiquer avec des tiers de l'extérieur. Le téléphone, voire l'électricité sont parfois coupés, mais l’apparition du portable a restreint cette marge de manœuvre. Les premières négociations se déroulent par mégaphone et ce n’est qu’ensuite que la liaison téléphonique peut être établie avec le poste du négociateur.

Le groupe d'urgence doit être apte à monter une action immédiate et sur le « pouce ». Elle est de la responsabilité de l'adjoint, le chef préparant de son côté les options méthodiques. Cela se fait à partir d'un PC dont l'accès doit, en principe, être contrôlé. Imaginez qu'un terroriste ou qu'un journaliste parvient à s'y infiltrer ! Le PC sert au briefing et de point de rendez-vous des intervenants. Le point de lancement de l'opération étant situé, au mieux du terrain. Lors de sa progression par un chemin direct ou indirect, le groupe d’intervention emporte le matériel qui lui permettra de franchir les obstacles qu'il rencontrera sur son chemin. Si le groupe renseignement a eu la possibilité de procéder à une reconnaissance, ces obstacles figurent dans le dossier établi. Le matériel à transporter pourra comprendre une échelle souple, un grappin, un bélier ou vérin, un pied de biche, une masse, une lance thermique, une cisaille, corde statique ou dynamique, un descendeur, etc., et un armement spécifique.

Le groupe « rens » dispose d’un matériel d’écoute et de surveillance lui permettant de recueillir le maximum d’informations, caméra thermique qui permet de « voir » à travers certains murs ! Endoscope pouvant être glissé dans un trou de serrure ou sous une porte, matériel d’écoute qui aidera à surprendre les propos des individus et à faciliter leur localisation (stéréophonie), appareils de prise de vue : vidéo-caméra à bas niveau de lumière, appareils photographiques numériques.

Le groupe d'intervention ne sait jamais exactement à quelle situation il va être confronté, des otages épuisés, choqués, blessés, seront-ils enchaînés, faudra-t-il les porter, seront-ils sous l'emprise du syndrome de Stockholm ? Seront-ils face à la présence de produits chimiques dangereux, explosibles (vapeurs ou produits en suspension répandus ou non volontairement), face à des produits inflammables ? Avant tout assaut, les hommes de l’équipe d’intervention se regroupent à un point de lancement, généralement un abri situé au plus près possible du bâtiment. En présence de terroristes ou criminels d’habitudes, ceux-ci peuvent avoir anticipé l’intervention et s’y être plus ou moins préparés. En ce qui concerne la pénétration proprement dite, certaines unités préfèrent aborder le bâtiment par le côté où il dispose du moins d’ouvertures, d’autres préfèrent au contraire la face offrant le maximum d’ouvertures, d’autres abordent sur l’angle, d’autres préfèrent la descente en rappel d’une façade. Chacune de ces méthodes a ses avantages et ses inconvénients, et il n’entre pas dans notre propos d’en débattre.

La pénétration se fait généralement sous le couvert de la négociation et d'une diversion visant à fixer ou à éloigner l’individu de son poste d’observation ou de tir. Si le téléphone d’intérieur offrait la possibilité de connaître à peu près l’emplacement du locuteur, il n’en a plus été de même avec l’apparition des mobiles. L’individu peut se tenir dans n’importe quelle pièce ! L ’hélicoptère ne sert pas seulement à déposer les hommes par la technique de la descente en rappel. Il attire l’attention dans une direction et contribue par le bruit à masquer la progression de l’équipe d’intervention. Le succès repose sur la qualité des intervenants (Alpha) mais aussi sur le « choc » et la surprise, bien souvent les éléments les plus décisifs d’un assaut.

Le groupe d’intervention sera d’autant plus prudent, mais énergique et déterminé, qu’il sait que l’homme est armé et qu’il possède des connaissances militaires particulières. Cela peut se déduire de sa façon de se déplacer, du choix de son emplacement, de l’état de préparation à un assaut, etc., ou par le témoignage des voisins ou membres de la famille. Par ailleurs, même si le groupe d’intervention a le plan des lieux, il n’en est pas pour autant un familier. Les groupes d'intervention ont déjà eu à en faire les « frais ».

L’équipe d’assaut n’a parfois d’autre alternative que de faire usage de gaz. Les gaz peuvent être délivrés par un épandeur, une grenade à main ou à fusil. Le groupe peut également utiliser des grenades « flash bang » (concussion) capables de provoquer un éclair aveuglant (200,000 candelas) et un bruit assourdissant (175dB). Ce type de grenade dispose d’un retard court (1,5 sec) pour qu’elle ne puisse être renvoyée. Cela ne dispense pas les hommes de porter des protections, lunettes filtrantes et protections auriculaires. Certains modèles de grenades émettent un sifflement juste avant leur explosion, astuce destinée à attirer le regard vers la grenade afin d’en maximaliser les effets. L’explosion de la grenade sert généralement de signal pour l’assaut.

L’information sur les otages est utile, voire indispensable pour cette phase. Les enfants, les vieillards ou bien les malades peuvent présenter des risques accrus (asthme, etc.) aux gaz. Sur des drogués, ceux-ci peuvent présenter une grande résistance à la douleur, d’ou la nécessité d'une dose de gaz plus importante. Il faut bien être conscient que l’utilisation des gaz ne saurait s’opposer à ce qu’un otage soit abattu. Pour ce faire, il faudrait approcher de la dose létale du gaz concerné. Cette dose est d’autre part fonction du : volume de la pièce, de sa ventilation, du facteur moléculaire du gaz dans l’air, de la masse délivrée et de la durée d’exposition.

L’assaut se fait sous couvert d’une diversion, ne serait ce que le tir à travers une vitre située à l’opposé. En présence de personnes innocentes, les fonctionnaires crient « police couchez -vous ». C’est pour les otages la meilleure des choses à faire. Cela facilitera le travail du groupe d’intervention et pourra contribuer à épargner des vies. Il n’est pas toujours facile pour les hommes chargés de l’intervention de faire la différence entre les individus dangereux et les otages. Certains terroristes soucieux d'échapper à la vigilance des forces d’intervention se sont mélangés aux otages. D’autres ont obligé les otages à échanger leurs habits avec les leurs, ce qui n’est pas sans le risque d’une « bavure ». Cela démontre qu’il ne saurait s’agir d’une banale opération de police. Il est déconseillé aux otages durant l'assaut, de parler, de bouger. Ils seront probablement « couverts » par un homme armé. On comprend que l'expérience puisse être traumatisante pour une personne non préparée.

Si vous supposez l’imminence d’une intervention d’un groupe anti-terroriste :

· tenez-vous loin de vos geôliers si vous en avez la possibilité ;

· restez allongé au sol ou assis afin de ne pas être confondu avec les « tangos » ;

· évitez les ouvertures ;

· restez silencieux ;

· dès leur pénétration, ne vous élancez pas vers eux. Ils sont sous stress et pourraient vous prendre pour un adversaire ;

· pour la même raison, ne ramassez pas une arme...

· Attendez-vous à être rudoyé. Vous serez peut être menotté et regroupé a l’écart. En cas de doute sur « qui est qui », tout le monde sera traité comme des suspects potentiels jusqu’à ce que la situation soit éclaircie. Le GI fait le tri après l’opération.

Ne montez pas sur vos grands chevaux et laissez tomber les réactions de prestance. Une explication ultérieure vous sera donnée et les témoins se verront poser des questions simples, directes et limitées à l’aspect opérationnel immédiat : combien d’individus, d’otages, de quelles armes disposent-ils, comment les identifier, où sont-ils, etc. Vous l'aurez compris, je me suis efforcé d'aller à l'essentiel (auto-censure) afin de ne pas délivrer d'informations sensibles à d'éventuels criminels. Cette affaire pose la question cependant du port d'arme accordé à des citoyens triés sur le volet, sauf à préférer la belle morale de la fable de la chèvre de monsieur Seguin...

 

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