Procès Colonna : que reste-t-il à l’accusation ?
par Roseau
mardi 17 mars 2009


Aujourd’hui, il ne reste pas grand chose à l’accusation pour étayer sa thèse qui rendrait Yvan Colonna coupable du meurtre du Préfet Erignac.
En effet, même si cela a tendance à être noyé dans un battage médiatique qui, contrairement à ce qu’une certaine presse relaye, ne vient pas de la défense, l’accusation s’accrochait désespérément aux aveux rétractés des membres du commando qui avaient chargé Yvan Colonna lors de leur garde à vue.
Pourquoi désespérément ?
D’abord, parce que tout le reste innocente Colonna, nous l’avons vu tout au long du procès, pas la peine de revenir dessus, reportez-vous à mes articles précédents si nécessaire.
Ensuite, parce que les conditions d’obtention de ces aveux sont pour le moins sujettes à caution. D’abord, les membres du commando déclarent avoir été forcés de donner le nom de Colonna sous pressions et menaces. Il est sûr que ce ne sont pas des gens très fiables (bien que le policier Frédéric Veaux les ait décrits comme sincères dans leurs convictions...), mais il y a tout de même quelques taches qui ne s’effacent pas :
D’abord, la personnalité des deux policiers qui ont "recueilli" les aveux. Roger Marion, qui assure qu’il a recueilli ces aveux dans les règles de l’art, a été dénoncé plusieurs fois par ses collègues pour ses méthodes brutales. Vrai ou faux, je n’en sais rien. Lui même a reconnu avoir eu recours à la force dans ses enquêtes. De plus, Marion, de la même manière qu’il affirme qu’Yvan Colonna est coupable (sans preuve), avait affirmé que Andriuzzi et Castella étaient coupables, mais finalement leur innocence avait été reconnue en appel. Drôles de certitudes.
Georges Lebbos, le deuxième, a écopé de 6 mois de prison avec sursis pour coups et blessures sur son ex-épouse. Cette dernière, dans la police elle-même, le décrit à la barre comme un menteur, un violent et un manipulateur. Franchement, je pourrais comprendre qu’elle a peut-être d’autres raisons de lui en vouloir. La justice a tranché. Mais Lebbos a aussi été pris en faute après avoir falsifié un procès-verbal qui a servi à faire condamner à la prison à perpétuité Vincent Andriuzzi et Jean Castella. Comme je l’ai dit, les deux ont été finalement blanchis en appel. Lebbos avait même déclaré sous serment que Vincent Andriuzzi lui avait avoué avoir participé à l’assassinat. Lebbos a finalement reconnu avoir menti.
Ensuite, il y a les mensonges de ces deux hommes devant le tribunal. Car si l’on sait que Roger Marion avait menti lors de la première instance, personne n’a relevé que Lebbos s’était lui aussi emmêlé les pinceaux. C’est assez simple à démontrer, et assez étonnant que le Président Wacogne n’ait absolument pas creusé la piste.
Lors du procès en première instance en 2007, Marion donne trois versions différentes du recueil des premiers aveux mentionnant Yvan Colonna, ceux de Didier Maranelli. Après avoir soutenu qu’il avait recueilli les aveux lui-même, Il finit par admettre qu’il n’était pas là à ce moment crucial. A la défense qui s’étonne, il répond : "je suis allé chercher une bière ou un sandwich". Pourtant c’est lui qui a signé le PV.
Sauf que cette année, 1 an et demi plus tard, lorsque Lebbos passe à la barre, il déclare que lorsque Maranelli a dit qu’il voulait faire des aveux (spontanément parait-il), il les aurait entendu dès le départ avec Roger Marion...
Lebbos : « J’ai appelé mon chef d’unité et nous avons procédé à l’audition en présence de Roger Marion ».
Et un mensonge évident de plus. Et aucune question du Président Wacogne au témoin. A croire que tout est fluide dans le meilleur des procès.
Etant donné que les policiers ont déjà avoué avoir présenté les procès-verbaux des uns aux autres pour obtenir des aveux similaires, ce sont justement ces premiers aveux de Maranelli qui posent problème.
Alors, que reste-t-il à l’accusation ? Pas grand chose. Si ce n’est l’utilisation du mensonge, ou de son proche cousin : une déformation de la vérité dans un but de manipulation de l’opinion publique.
Parce que si les parties civiles reprochent à la Défense de prendre à partie l’opinion publique, force est de constater qu’il y a dans les actions des avocats de Colonna une honnêteté et une franchise qui fait défaut à ces mêmes parties civiles. La défense annonce qu’elle va alerter l’opinion publique pour sauver un homme d’un procès dont l’équité a disparu depuis longtemps. Ca a le mérite d’être clair.
Les parties civiles, elles, font feu de tout bois et finalement commettent réellement ce qu’elles reprochent à la défense. Ne voit-on pas Maître Chabert se permettre, en plein milieu du procès, de se rendre à une émission télévisée, pour continuer son réquisitoire (pourtant il n’est pas procureur) en dehors du débat contradictoire qui est le fondement de notre justice. Aucun avocat pour défendre l’accusé, mais Maître Chabert s’enflamme et accuse, affirme qu’Yvan Colonna est coupable. Pire, il déforme la réalité. Il commence par son interprétation très personnelle du départ d’Yvan Colonna "Cela ressemble fort à des aveux", pour finir par en reparler comme s’ils étaient acquis... "Après ces aveux de colonna...". On est en plein délire. D’ailleurs, sa prestation dans cette émission est contraire à la déontologie de sa profession et concourt à assombrir le tableau de ce procès raté.
L’accusation et les parties civiles qui n’ont de cesse de reprocher à certains des avocats de la défense leurs sorties qu’ils qualifient d’outrancières, n’ont pas beaucoup de leçons à donner : ce sont eux qui ont ouvert les hostilités dès le début du procès avec Christophe Tessier, avocat général, qui avait accusé la défense de préparer une vendetta, ce qui avait provoqué la venue du bâtonnier qui l’avait remis à sa place. C’est Chabert qui positionne les avocats comme des terroristes.
La manipulation de l’opinion publique, ne serait-ce pas aussi l’instrumentalisation de la veuve du Préfet, dont on comprend le désarroi, qui est poussée à lire son texte devant les micros des journalistes pour enfoncer Yvan Colonna dont on lui a dit qu’il était coupable.
Et le pompon, n’est-ce pas Maître Chabert qui le remporte, lorsqu’il sort victorieux après le témoignage de Jeanne Finidori, ex épouse de Ferrandi, l’un des membres du commando, pour déclarer devant les caméras qu’elle aurait reconnu Yvan Colonna comme coupable. N’est-il pas formidable Maître Chabert, pour en tirer de pareilles conclusions ? Voici toute l’étendue du témoignage de Madame Finidori : "En l’absence d’Yvan Colonna, je n’ai rien à déclarer." Et à chaque question : "je n’ai rien à déclarer". Point final. Et une certaine presse de se faire l’écho de cette "victoire" de l’accusation. "Un Témoin à charge" titre le journal du Dimanche en ligne. Quelle charge... Ne dites plus au douanier "Je n’ai rien à déclarer", vous risqueriez de devenir un témoin à charge.
Ce qui me rappelle le conte "La Chèvre de Monsieur Chabert", ou une chèvre venait à la barre et à la question, "Yvan Colonna est-il coupable ?", la chèvre répondait "bêêê". "Vous voyez, elle confirme !" disait le prince du barreau.
Oui, je sais, je m’égare... mais je ne suis pas le seul.
Alors, pour finir, parce qu’il faut bien finir, je vais reproduire la transcription des mots prononcés par Yvan Colonna juste avant son retrait du procès. Et il se trouve que là ou Maitre Chabert voit "les aveux d’un coupable", moi je vois le courage d’un innocent. A vous de vous faire votre propre opinion :
"Je n´accepte pas cette décision ! La reconstitution est primordiale pour moi, et vous le savez. Je vais quand même vous expliquer pourquoi : elle va invalider le scénario qu´on a mis en place, le scénario des trois hommes, Alessandri, Ferrandi, et le 3°, soit disant moi.
Cette reconstitution il la faut !
On considère que la vérité est dite mais seulement quand on m´accuse, tout le reste est rejeté, quelque soient les témoignages. Or, tous les témoins oculaires, voient 2 hommes sur les lieux du crime, 2 hommes, même Marion l´écrit dans son rapport de synthèse !
Vous me la refusez, parce que le scénario de la partie civile et de l´accusation tomberait à plat… comme vous m´avez refusé le complément d´information…
Quoiqu´on dise, quoiqu´on fasse, on balaye d´un revers de manche tout ce qui dérange :
M. Vinolas, on cache sa lettre et ensuite, on le discrédite… M.Mannarini est malmené sans que vous n´interveniez…vous n´avez pas d’expert en balistique, il ne vient pas au premier procès ni en appel, on vous demande d´en nommer un, vous refusez, quand mes défenseurs en missionnent un, vous l´humiliez.
M. Colombani, ami du préfet, a fait une déposition qui me met hors de cause et qui ne vous a pas convenu. Vous, vous lui dites « vous êtes le témoin idéal » de façon ironique. Il a voulu saluer la famille Erignac, elle l´a traité comme un chien.
Mme Contard a dévisagé le tireur à moins d´un mètre, vous ne lui avez posé aucune question… savoir si elle me reconnaissait…Il faut que ce soit mes défenseurs qui le fassent à votre place… Par contre, à Malpelli, qui n´a rien vu puisqu´il était dans le restaurant en train de manger avec sa femme, vous lui posez des questions pendant trois quarts d´heures.
Quand quelqu´un est contre moi, vous lui posez des questions, quand ça m´est favorable, vous faites semblant de ne pas entendre.
Lebbos, on ne sait pas s´il va venir…Frizon, il n´a jamais frappé personne…alors qu´en garde à vue, il y a eu des coups, sur Istria, c´est avéré… Marion, n´en parlons pas.
(S´adressant à Me Chabert) Vous croyez le commando quand il m´accuse, ce sont alors des hommes courageux, vous les écrasez en les traitant de terroristes et de lâches quand ils m´exonèrent.
(S´adressant à une des assesseurs qui avait dit la veille « on n´est pas à la botte de Colonna ») Quand je demandais simplement à ne pas partir trop tard pour pouvoir me reposer…Vous croyez que je ne suis pas fatigué quand on m´extrait à 6 heures du matin pour me laisser pendant des heures dans la souricière qui pue la pisse, descendez voir un peu comment c´est en bas !
J´ai compris. vous ne voulez pas d´une reconstitution parce qu´elle vous gêne, parce que vous savez qu´elle m´innocentera.
Vous êtes pris en flagrant délit ! Vous voulez soutenir coûte que coûte les Marion, les Thiel, les Levert...
Moi, je suis innocent, on m´accuse au nom de la raison d´état, et pour faire plaisir à la famille Erignac.
Je quitte ce procès, j´ai décidé de ne plus comparaître, vous ferez ce que vous voudrez, vous me condamnerez, mais ce sera sans moi ! Je m´en vais, je demande à mes avocats de quitter ce procès."