Procès Le Pen, il existait des possibilités de faire un jugement juste, on les a bien sûr évitées !

par Jules Seyes
mardi 8 avril 2025

Sur le procès Le Pen, on aura une fois de plus tout entendu et une fois de plus, il faudra trier pour tenter de clarifier le justifié de l’inacceptable.

Si la condamnation d’un détournement de fonds se justifie, la disproportion des peines et les motivations du jugement lui confèrent une toute autre valeur.

Même si les règles du Parlement européen sont attaquables, car il est douteux que le même traitement des fonds ait conduit à une condamnation pour des parlementaires français. Mais, reconnaissons-le, en acceptant les fonds, le RN s’est engagé à respecter les règles et a délibérément choisi de se placer hors des clous. En ce sens, la condamnation était de droit.

Seulement, le RN n’est pas le seul coupable et d’autres partis ont fait l’objet d’enquêtes et même de condamnations. Nous disposons donc d’une échelle de comparaison.

Sujet

Modem

RN

Commentaire

Utilisation

Tâches personnelles

Pour le parti

 

Chef de parti

Relaxé

Condamné

Il n’y aurait pas de preuve contre F.Bayrou

Peine requise par le parquet

trente mois de prison avec sursis, 70 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibilité avec sursis

cinq ans de prison, dont deux fermes, cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire et 300 000 euros d'amende

La motivation contre MLP sera le trouble à l’ordre public en cas d’élection à la présidence

Réquisition contre le parti

amendes de 300 000 euros dont 100 000 ferme, et 500 000 dont 200 000 euros ferme

amende de 4,3 millions d'euros dont 2 millions avec sursi

Rapport de presque X10

On le constate, il y a un ordre de grandeur entre les réquisitions invoquées contre le MODEM et contre le RN. Le jugement minorera contre Bayrou et le MODEM, face au RN les réquisitions seront pratiquement suivies.

Le Modem sort du procès en étant puni, mais en conservant sa capacité politique. La peine envers le RN hypothèque sa capacité à opérer comme un parti capable de présenter des candidats.

Il en va de même en ce qui concerne l’inéligibilité. Pourquoi requérir le sursis contre F.Bayrou et l’exécution (provisoire en plus) contre MLP.

Visés par la même accusation, ils devraient subir dans ce domaine des peines équivalentes.

 

Là est le problème. L’élément suivant est l’indignité du Parlement européen, apparemment plus tolérant envers les élus ayant reçu des valises de liquide et toujours occupé à siéger.

Le quatargate, les SMS de madame Van Der Leyen, sans excuser, font de l’accusateur un mauvais professeur de morale.

 

En ce sens, la condamnation du RN aurait dû se modeler sur celle de son concurrent le MODEM et une règle de trois basée sur ce jugement eût sans doute été accepté.

Hélas, la justice, ou plutôt les personnes chargées de la rendre, ont décidé d’opter pour une stratégie différente. L’aventurisme juridique de celle-ci la rend difficile à accepter, car elle transforme une punition qui se doit d’être sévère, en un arrêt de mort politique.

En ce sens, les juges prennent parti, au lieu de cogner tous les partis avec la même sévérité ou une véritable proportionnalité des peines explicables et justifiables.

 

En ce sens, la justice française encourt depuis longtemps un reproche de partialité. Je rappelle que le juge doit être un arbitre de la société, les joueurs étant le parquet, les parties civiles et les défendeurs. Eux peuvent se permettre d’être partiaux et orientés. De mettre en avant les éléments adaptés au soutien de leur thèse.

En ce sens, le juge est au service du public et il rend la justice « au NOM, du peuple souverain ». Il ne rend pas SA justice, mais celle du peuple. La fonction lui est donc confiée pour des raisons de simplicité.

Et puisque nous parlons d’extrême droite, permettez-moi de vous ressortir une phrase savoureuse d’Henri Guillemin (Plus de gauche que nazi) dans l’affaire Pétain : Une forfaiture, car celui qui substitue sa volonté à celle de son mandataire commet une forfaiture. Ce n’est pas la définition du Larousse, mais elle exprime parfaitement un problème général chez trop de fonctionnaires qui s’autorisent à se prévaloir de leurs ″valeurs″ pour imposer leur programme politique dans l’exercice de leurs fonctions.

Telle est la dramatique situation que nous vivons. Une peine de prison avec sursis, une amende de plusieurs centaines de milliers d’euros, à l’instar du MODEM, eût-été acceptée et acceptable.

Seulement, le tribunal y a ajouté d’autres éléments.

Plus grave, l’absence de sursis, encore aggravée pour l’inéligibilité par l’exécution provisoire. Celle-ci, née d’une loi postérieure aux faits, était déjà critiquable : Instituée fin 2016 par la loi Sapin II, on s’interroge sur le lien avec la non-rétroactivité des peines. La justice renvoie au législateur, on peut interroger sur la pertinence. (Notons tout de même que l’inéligibilité fut aussi requise contre le MODEM et est aussi attaquable). L’exécution provisoire, y ajoute de rendre l’appel incapable de réparer le dommage. S’il n’y a pas volonté de nuire à ce justiciable en particulier, difficile de la motiver autrement.

Les motivations du jugement, avec un texte clairement politique où le tribunal estime qu’un candidat élu, malgré une condamnation prononcée (ET, connue des électeurs), prive ce groupe électoral de ses chances de peser dans le jeu démocratique. En ce sens, le jugement cesse d’être contre le RN pour être un jugement contre son électorat !

On retrouve là, le deux poids deux mesures judiciaire déjà maintes fois dénoncé. Par exemple, contre les gilets jaunes ou des gens jamais condamnés ont reçu des peines de prison ferme pour des actes commis dans la confusion de la répression menée contre un mouvement social. Là aussi, difficile de ne pas penser que la magistrature prend parti contre une portion de la population.

De même, dans l’affaire Crepol. On attend toujours la condamnation des meurtriers, mais ceux ayant organisé la marche blanche ont, eux, tout de suite subi les foudres de Thémis.

La justice semble avoir soulevé son bandeau pour non plus frapper indistinctement, mais au contraire avec la précision d’une bombe guidée par laser. Elle cesse alors d’être juge pour devenir partie et en tant que telle, ne saurait alors se prévaloir de son fameux état de droit.

Les institutions sont une belle chose et l’état de droit est une magnifique construction intellectuelle (Ce qui la rend si séduisante). Elles demeurent, pourtant, tributaires des hommes qui les composent. Personne ne parle de la dictature de l’état de droit, mais de la dictature des juges. Avant de donner des leçons, se réclamer de l’autorité de l’institution, ceux-ci pourraient se donner la peine de se hisser à la hauteur de l’exigence de leur noble mission ! Si l’homme est faillible, il lui revient de donner, au moins l’illusion de l’effort.

Ici, on peine à trouver cet effort du juge pour s’y hisser. L’état de droit doit garantir à chacun, des foudres équivalentes en cas d’acte délictueux. On peine à trouver le parallèle avec la condamnation du Modem. Les motivations politiques sur l’engagement anti-européen du RN (Ah bon ? Enfin, plus depuis que Philippot en a été exclu) changent le sens du message et le symbole et le font basculer dans le Law fare.

Mais alors, chers magistrats, vous qui accusez le RN de vouloir pervertir les institutions, comment ferez-vous à l’avenir après avoir justement violé ce qui aurait dû être le sens de l’état de droit ? Avant de l’invoquer, respectez-le vous-même !

Pire, vous retirez aux membres du RN leurs protections constitutionnelles pour pratiquer une justice politique au détriment des opposants. Vous vous placez en position de collaborateurs du pouvoir. Comment justifierez-vous alors qu’en cas d’alternance le nouveau pouvoir vous garde en place ? La servilité dont votre corps a donné l’exemple entre 1940 et 1945 ne saurait être une excuse. Vous l’avez certainement chevillée au corps, mais elle ne saurait jouer devant l’opinion publique.

Pour l’heure, les exemples de la partialité dont vous faites preuve vis-à-vis de Marine Le Pen, des manifestants de Crepol, des gilets jaunes s’accumulent. L’exemple Roumain a montré les risques d’extension de tels errements et le citoyen redoute désormais sa propre administration. Le souci ne concerne d’ailleurs pas que la seule justice !


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