Procès Yvan Colonna : Donnez-leur donc un os (suite)

par Eric Roux
lundi 19 novembre 2007

Tandis que le procès entame sa deuxième semaine consécutive, hors de la salle d’audience les récupérations idéologiques vont bon train. Au bénéfice de qui ?

Les hommes réagissent. Parfois trop, parfois pas assez, parfois bien, parfois mal. Face au procès d’Yvan Colonna, les hommes réagissent.

Il y a ceux qui le croient innocent parce qu’ils l’ont connu et ont confiance. Il y a ceux qui ont toujours l’honnêteté de dire qu’ils ne savent pas, parce qu’ils ne savent pas. Qui disent que tant qu’il n’y a pas de preuve, il n’y a pas de preuve, et que s’il y a une preuve, il y a une preuve.

Il y a ceux qui font confiance à la justice parce qu’ils ne peuvent pas faire grand-chose d’autre et parce que la justice mérite peut-être cette confiance. Il y a ceux qui ont leur opinion, et qui savent que c’est une opinion.

Et il y a les autres.

Parmi les autres, il y a ceux qui voudraient faire d’Yvan un martyr de la cause nationaliste.

Il y a ceux qui disent que le fait qu’il s’affiche nationaliste est une insulte à l’Etat français et fait de lui le coupable.

Il y a ceux qui pensent que le dire innocent est une offense à la mémoire du préfet assassiné.

Il y a ceux qui en profitent pour continuer leur campagne contre Nicolas Sarkozy.


Il y a ceux qui prétendent que Yvan Colonna est déjà "jugé" parce qu’il faut un bouc émissaire.

Il y ceux qui en profitent pour dénigrer les Corses comme s’ils étaient des brutes épaisses.

Il y a ceux qui en profitent pour dénigrer les Français comme s’ils étaient des oppresseurs.

Il y a ceux qui feraient bien une révolution pour enflammer ce pays ou la justice est si "injuste".

Il y a ceux qui condamneraient Yvan Colonna parce que c’est une tête de mule qui n’avoue pas alors qu’ils avaient déjà décidé qu’il était coupable et qu’il représente tout ce qu’ils ont en horreur.

Les autres...

Les autres, ceux-là peuvent être nous. Pendant un instant, l’espace d’un oubli, le temps d’une réaction, lorsque notre vigilance se relâche.

Moi, je crois qu’il est innocent (voir ici). Je suis aussi un ardent défenseur de la présomption d’innocence et je ferai tout ce que je peux pour qu’elle soit respectée. Et je l’appliquerai à chacun.

Je l’appliquerai à Yvan, qui est aujourd’hui à l’ombre depuis quatre ans, sans preuves.

Je l’appliquerai à Nicolas Sarkozy avant de faire du foin en prétendant ceci ou cela, sans preuves.
Je l’appliquerai à la Cour d’assise avant de dire que le prévenu est déjà condamné, ce que je ne pense pas.
Je l’appliquerai au peuple corse avant de le couvrir d’opprobre.
Je l’appliquerai à la France avant d’en faire la grande coupable.

Yvan, lui, semble conserver son intégrité. Pendant quatre ans, il refuse l’expertise psychiatrique sachant que cela sera utilisé contre lui. Comme je le comprends (au vu des milliers de pathologies que nous assène la dernière version du Manuel de diagnostic psychiatrique, il serait difficile de ne pas entrer dans une catégorie).

Chaque jour, il prévient qu’il ne répondra pas aux questions auxquelles il pense ne pas avoir à répondre, et cela aussi pourrait être interprété en sa défaveur. Et lorsque l’occasion se produit, comme le jour où lui est posée la question au sujet d’une lettre anonyme qui l’accuse, il considère la question absurde, et il le dit.

Et pourtant, lorsqu’il affirme être un nationaliste et s’interdit de mentir à ce sujet, il ne fait pas de grands discours. Lorsqu’il s’adresse à la cour, il ne la traite pas en ennemie. Lorsqu’il s’adresse à la famille de M. Erignac, famille en deuil, il ne les considère pas comme responsables de son histoire et reconnaît leur douleur.

Le tribunal, lui aussi, ne semble pas considérer d’office Yvan Colonna comme un coupable. Ils sont là pour déméler et comprendre. S’il l’est, ils le diront. S’il ne l’est pas, ils le diront. En tout cas, c’est l’attitude qu’ils affichent, et au nom de la présomption d’innocence, je les veux honnêtes.

Ici se joue le destin d’un homme, et la médiatisation de ce procès est à risque. La porte est ouverte à toutes les récupérations politiques et idéologiques de la Terre. Et ceux-là ne serviront pas la vérité. Ils ont trop à défendre pour se soucier d’un homme. Et finalement, ils ne se soucieront ni de la famille Erignac, ni d’Yvan Colonna.


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