Profession : agent immobilier
par Fergus
lundi 28 février 2022
Vous cherchez à vous recycler dans l’immobilier ? Pourquoi pas ? Encore faut-il savoir si ce métier, potentiellement bien rémunérateur pour ceux qui sont à la fois psychologues et madrés, peut convenir à vos aptitudes...
Être agent immobilier, c’est avant tout exercer un métier de vendeur, et même de bonimenteur, tant l’habileté de l’argumentation tient une place prépondérante dans la conclusion d’une affaire. Mais avant qu’un bien ne soit mis sur le marché par une agence, il convient au préalable de l’évaluer, autrement dit d’en mesurer de la manière la plus complète possible les qualités et les défauts, afin d’en fixer le prix de vente en accord avec le vendeur du « produit », pour reprendre le terme en usage dans la profession.
Or, dès ce moment, l’agent immobilier en charge de procéder à ladite évaluation doit faire preuve d’un grand talent pour dissuader le vendeur de mettre la barre trop haut dans ses prétentions. Certes, plus un bien est vendu cher, plus la commission de l’agence est élevée. Mais à condition de vendre ! D’où l’intérêt de ne pas entrer dans le « portefeuille » de l’agence des produits qu’un prix par trop dissuasif risquerait de rendre invendables malgré de nombreuses et inutiles visites, ou dont pourraient profiter des concurrents moins gourmands en termes de commission.
Règle d’or n°1 : toujours – mais avec tact et finesse – dévaloriser le bien évalué afin d’obtenir à la signature du mandat de vente un prix qui ne décourage pas les éventuels acquéreurs.
Bref...
Si vous êtes capable de soutenir à un vendeur les yeux dans les yeux et avec un air navré que le style de sa demeure est certes superbe, mais n’est « malheureusement plus dans l’air du temps », eu égard à une prétendue évolution de la demande...
Si vous êtes capable de soutenir à un vendeur que l’environnement de sa maison ne correspond plus aux aspirations dominantes, ici parce qu’il est « trop urbain », là parce qu’il est « trop exposé aux nuisances de la campagne »...
Si vous êtes capable de soutenir à un vendeur qu’il vous faudra déployer des trésors de persuasion pour vendre un bien dont les défauts ne manqueront pas de sauter aux yeux exigeants des acheteurs potentiels...
Alors ce métier est peut-être fait pour vous...
Le mandat signé, vient le temps des visites dans l’espoir de vendre le produit avant la concurrence et dans les meilleurs délais possibles. En l’occurrence, une course de vitesse : sauf mandat exclusif de moins en moins fréquent, le bien est en effet proposé simultanément par plusieurs agences auxquelles s’ajoute parfois un notaire.
Règle d’or n°2 : toujours présenter le produit sous son jour le plus attrayant en valorisant ses points forts (il y en a toujours pour les vendeurs talentueux) et en minimisant, voire en passant sous silence, ses points faibles.
Bref...
Si vous êtes capable de soutenir à un acheteur qu’un appartement est situé au calme alors que ses fenêtres donnent sur une autoroute urbaine à 50 m de là ou sur un bar de nuit au rez-de-chaussée de l’immeuble...
Si vous êtes capable de soutenir sans rire à un acheteur que le trois-pièces que vous lui faites visiter dispose d’une vue imprenable sur le parc paysager voisin alors que l’on n’en voit au-dessus d’un immeuble en vis-à-vis que les frondaisons les plus aériennes...
Si vous êtes capable de soutenir à un acheteur qu’il n’y a pas de nuisance olfactive alors que la maison en vente est implantée sous le vent d’une station d’épuration, d’une usine d’équarrissage ou d’un élevage concentrationnaire de volailles...
Si vous êtes capable de soutenir à un acheteur qu’une bâtisse délabrée dispose d’un « beau potentiel », qu’une maison nécessitant des travaux coûteux est seulement « à rafraîchir », ou bien encore capable de valoriser le côté « atypique » d’une demeure inhabitable...
Si, de surcroît, vous êtes capable de persuader de votre empathie et de votre irrépressible désir de le satisfaire un client patibulaire, un insupportable m’a-tu-vu, ou bien encore un individu dont l’haleine tue les mouches à 10 m à la ronde...
Alors ce métier est assurément fait pour vous !
Un conseil toutefois (directement inspiré d’une anecdote personnelle) : évitez de demander à un retraité si le bien qu’il recherche est « destiné à sa dernière demeure ».
Photo d’origine : Yves Marchand et Romain Meffre