Progrès politique contre marxisme

par Avramesco
jeudi 20 novembre 2014

Incohérence et égarements du temps obligent : non seulement l'incompatibilité de plus en plus nette entre science et marxisme est largement censurée par des camps opposés, mais elle est aussi (mal)traitée par des personnages très variés. Pour la commodité du lecteur, le texte ci-dessous se trouve donc amené à répéter avant de les affiner des données et même des formules déjà publiées. En outre, il faut tenter de faire ressentir en quelques pages l'étendue et la puissance d'une science aussi vaste et riche que la physiologie ou la génétique. C'est dire l'aventure que cela représente, et la nécessité absolue de compléter les coups de projecteur ci-après par de véritables bases : but des références fournies en fin de travail.

1. Tout religieux part de ses seules références au lieu d'admettre d'abord l'expérience universelle, et c'est pour cela qu'il a la partie belle : car des textes, refrains et rites sont vite présentés, sans parler de l'assise que leur donne leur installation en pouvoirs, bâtiments, liturgies et catéchismes. Au contraire l'expérience, surtout dans son ampleur scientifique, est doublement difficile d'accès : déjà par son étendue, mais aussi par l'élaboration incessante de pensée qu'elle exige. Il est donc, évidemment, incomparablement plus direct de tenter la conversion à des litanies, des logorrhées et des dialectiques, que d'amener à quelque raison. Un déluge de mots assez étendu suffit à saouler et donner l'illusion, surtout à l'aide de quelques répétitions bien placées, qu'on y reconnaît quelque chose, tandis que la présentation de notions claires et de déductions contraignantes oblige à un suivi logique beaucoup plus consommateur d'énergie cérébrale : d'où la préférence écrasante des majorités actuelles pour le blablabla, incitant soit au repos soit au relais de prêche. Dans le même sens, la prise de conscience d'une réalité ne permet plus de penser n'importe quoi n'importe comment, or c'est une restriction que la plupart des humains ont encore une forte tendance à ranger comme atteinte insupportable à leur liberté — alors que la ratiocination sur des idioties pourtant manifestes est l'occasion de laisser libre cours aux pulsions primitives,

Chacun tourne en réalités,

Autant qu'il peut, ses propres songes.

L'homme est de glace aux vérités,

Il est de feu pour les mensonges.

Tout favorise donc d'abord le succès des contes, légendes, livres dits sacrés et saints, dialectiques etc., et augmente l'extrême difficulté à faire un peu sortir quelques esprits des actes de foi et prosternations, monothéistes et marxistes notamment. Une image — au fond très expérimentale, mais que bien peu parviennent à se figurer dans toute sa force — va concrétiser tout cela, et donner le ton et le fond du présent travail.

Konrad Lorenz, fondateur de la science sur laquelle on va s'appuyer plus particulièrement, suppose que des moyens de recherche et d'enregistrement fournissent un film d'histoire de la Terre sur les derniers millions d'années. La définition, en grain sur pellicule ou par pixels, doit être juste assez précise pour qu'en jouant sur le grossissement on puisse percevoir des dimensions de quelques dizaines de mètres, mais point au-dessous ; et en rythme, on doit être libre de passer les vues à allure variable, de façon qu'on puisse suivre l'histoire des cinquante derniers millénaires sans que cela ne soit réduit à une ridicule fraction de seconde. Un esprit cultivé visionnant le film (Lorenz dit : "un astronome d'une planète assez lointaine", hors de notre système solaire) diagnostiquerait vite la présence de vie, puis d'une activité animale. Et pour expliquer les horreurs et destructions folles des époques les plus récentes, il faut en effet qu'il y ait là des animaux — mais malades de quelle peste ?

Les délires qui parlent d'explication par une création ou par des nécessités économiques sont clairement ridiculisés par cette métaphore, tandis que toute la science converge pour faire saisir que

les lois générales de l'évolution, dont celles du comportement animal,

doivent être mises à la base des affaires humaines comme de toutes les autres.

Or comportement se dit en grec ethos et, pour des raisons historiques complexes mais désormais généralement acceptées, on nomme volontiers une science d'après le mot grec qui dit son objet : ainsi, la science du comportement est appelée

éthologie

après quoi, de façon vraiment banale, la science du comportement humain est appelée éthologie humaine, puis plus trivialement encore la science du comportement politique est qualifiée d'éthologie politique. C'est déjà marquer la distance, et faire la comparaison, à la recherche de dieux ou de contradictions "dans l'essence même des choses".

Un peu de connaissance d'éthologie politique, c'est-à-dire de l'expérience correspondante, fait immédiatement percevoir le profond mépris du réel qui passe par les irréalismes religieux, classiques et dialectiques. Ces pages-ci cherchent à fournir au contraire une base de connaissance, avec pour référence centrale les derniers chapitres du livre de K. Lorenz sur ce qui a été malheureusement appelé Aggression en allemand, aggression en anglais, et pour comble agression en français, alors que même agressivité est scientifiquement faux, comme on va voir.

 

2. Rappel des quatre moteurs de base

Les êtres vivants, dans leur histoire au long terme ou évolution, sont d'abord caractérisés par des nécessités d'échange, reproduction puis comportement avec capacités de subsistance et de protection contre des changements défavorables du milieu : on abrègera à l'extrême ici, en vue de l'application au règne animal évolué, d'abord en

1) subsistance et 2) fuite

puis plus loin dans l'élaboration, avec la reproduction enrichie, en

3) sexualité.

Enfin le moteur le plus tardivement apparu et de loin le plus fécond, notamment par les associations qu'il permet en programmes dits instincts (en fait très généralement incomplets à la naissance d'un individu), est ce qui est regrettablement nommé dans la littérature scientifique

4) agressivité.

C'est là une dénomination dangereuse : l'agressivité au sens commun inclut la volonté de nuire, voire blesser, ce qui est faux pour le moteur en cause. Toute étude un peu approfondie révèle bien plutôt la justesse du terme expansivité, car il s'agit de la recherche d'une expansion de l'individu, qui revient dans les formes les plus primitives et les moins intéressantes à la délimitation d'un territoire. Pour éviter cependant des difficultés dans l'indispensable lecture des textes actuels, on s'en tiendra ici au terme incorrect — affaire typique d'une science très jeune, donc de vocabulaire encore insuffisamment cohérent.

A partir des associations de ces quatre moteurs de base, et avec tous les échecs coutumiers de l'évolution, la variété des comportements est aussi immense que la variété des êtres vivants à partir des associations de quatre nucléotides (ATCG) qui fondent la génétique. Cela doit donner idée des abréviations d'un exposé en quelques pages. Toutefois en un minimum de mots,

– d'abord l'extraordinaire activité et puissance du moteur agressif, associé ou non aux autres (surtout la sexualité), et dont l'espèce humaine a été dotée à un degré jamais connu dans l'évolution antérieure, fournit une base de compréhension sans égale pour dégager dans notre histoire la part considérable de barbarie

– ensuite l'extrême étendue des types de comportements rendus possibles d'une part, les nécessités de survie de notre espèce d'autre part, ont conduit à des refoulements d'une violence dont même les tabous en affaires sexuelles ne donnent qu'une idée partielle, ce qui explique l'incroyable retard avec lequel la prise de conscience s'est effectuée, et (trois fois hélas !) la lenteur avec laquelle elle se poursuit

– enfin, sans l'insertion dans la compréhension éthologique, et même appuyées sur des expérimentations partielles, toutes les tentatives d'études humaines (en histoire, psychologie ou psychanalyse, et sociologie) manquent le fondamental de notre espèce : dans la mesure où elles nient ainsi les réalités de bases neurologiques et psychiques, elles rejoignent les irréalismes qui par exemple prétendent "fonder la conscience sur elle-même", les fanfaronnades magiques et religieuses — c'est-à-dire que de telles tentatives détachent la psyché, l'âme humaine, de ses substrats animaux, et ainsi se rapprochent de ce qu'on peut trouver de plus vainement, prétentieusement et ridiculement antiscientifique.

 

3. En particulier, la tentative pour fonder l'histoire sur la lutte des "classes" au lieu de la reconnaissance du fond agressif (expansif) est une erreur énorme du marxisme : car c'est d'abord l'agressivité qui crée la lutte, et c'est ensuite la lutte notamment pour la domination qui crée, divise et manipule les "classes".

En l'absence de prise de conscience, inévitablement l'expansivité devient agressivité : mais surtout, elle a le caractère essentiel de spontanéité, le caractère de moteur sans nécessité d'incitation, venu des préprogrammes puis programmes de comportement dans l'espèce humaine comme chez presque tous les mammifères — et bien d'autres espèces depuis les vertébrés comme depuis les arthropodes —. On tient là une part de vérité bien autrement explicative que les sophismes sur la lutte "des classes" : car ces sophismes s'arrêtent à poser cette lutte en principe, alors que l'observation des combats chez les animaux rejoint tout naturellement d'un côté la connaissance éthologique générale, de l'autre l'histoire humaine dans ses évidences les plus patentes.

Ensuite il est facile de raffiner : pour s'en tenir à une image commune, la lutte de base (dominants contre dominés) peut être vue comme verticale — on visualise aisément une hiérarchie en structure verticale, dominants plus haut que dominés, le pouvoir jouant dans le sens de la pesanteur. Au contraire les luttes de "classes" ou "races", horizontales, sont certes en partie construites historiquement à partir de réflexes primitifs devant l'inconnu, mais surtout largement cultivées en artifices qui dressent les opprimés les uns contre les autres, ainsi entre mille autres cas

– les immigrés contre les nationaux "de souche"

– les "cols blancs" contre les "cols bleus"

– dans l'histoire outre Atlantique : les Amérindiens les uns contre les autres (Cherokees contre Creeks de par l'art politique d'un Andrew Jackson), les travailleurs venus d'Italie contre ceux venus d'Irlande, les petits fermiers blancs vers l'Ouest contre les Indiens, les Blancs contre les Noirs ou les Jaunes, les formatés catholiques contre les supposés de race juive, les hommes contre les femmes — ceci pour rendre un peu ici l'hommage qu'il mérite au livre de Zinn.

C'est de cette manière qu'une part énorme des luttes politiques provient de la manipulation des nécessités de décharge agressive : les nécessités sont spontanées, le type de décharges au contraire est orienté par les chefs,

c'est cela la lutte des classes, et c'est de ce crime perpétré contre l'humanité que Marx prétend faire la clef naturelle et universelle de compréhension de l'histoire alors que l'humanisme impose de lui déclarer une guerre sans merci en rassemblant le plus d'êtres possibles, hors toute "class"ification annexe, contre la seule classe indéniable, bien réelle au moins à certaines échelles, celle des dominants, accessoirement capitalistes (depuis très peu de siècles).

Il est typique du consternant verbiage scolastique hegelien qu'on prétende en affaires de religion à une vertu dormitive d'opium du peuple, comme en affaires de société à une vertu de moteur propre de l'économie devenue économanie : en réalité, les comportements humains dans la famille, les jeux, au volant, au travail, au bureau, à l'usine, à la ville et à la guerre, hurlent tous et de toujours

– les déséquilibres, entre les nécessités réelles de décharge agressive et leurs perpétuelles déviances, donnant des luttes entre citoyens au lieu de permettre la prise de conscience démocratique

– et l'art et la maîtrise des hiérarques pour pervertir et ramasser à leur profit ces énergies de tous.

Que cela se traduise ensuite, suivant les circonstances, en traîtres variés —paramilitaires, flics, prêtres, journaleux-putains mentales, petits chefs —, que cela s'élabore en consultants ou inspecteurs d'administrations policières, hospitalières, universitaires ou d'éducation formatés par benchmarking, n'est pas l'affaire ici. Ce qui importe, c'est que de tels recrutements de prostitués au pouvoir brut se moquent bien de toutes "class"ifications par économanie : or ce sont ces recrutements qui fondent les organisations d'oppression passées comme actuelles, donc l'histoire.

Les raffinements élaborés par des millénaires d'exercice du pouvoir, tels que

– l'association, à des niveaux de plus en plus incroyables, d'hypocrisie et de barbarie  — dont deux cas particulièrement remarquables : l'Eglise catholique (avec ses prêches d'amour et ses établissements assis sur des siècles de crimes et d'Inquisition) ; et la sauvagerie coloniale, d'abord européenne mais plus spécialement anglo-saxonne (avec ses verbiages de défense des libertés et ses subversions perpétuelles, guerres et coups d'Etat sur l'ensemble de la planète) —

– les incitations à bonne conscience dans l'agressivité par insertion dans des hiérarchies, supposées défendre de nobles causes — d'où les massacres de populations civiles en milliers d'affaires de My Lai ou d'Irak etc. par des conscrits incapables de maîtriser les drogues chimiques et psychiques qu'on leur a instillées —

– les racismes, patriotardismes, fanatismes monothéistes ou non

– le forgeage des mafias et classes-médiocres-dites-moyennes comme digue de parvenus abritant les plus installés des potentats

– les enchevêtrements de pulsions de possessions (sexuelle et juridique)

– les principes de médiatisation-propagande-publicité

– l'astuce du Parti Unique Tenu pour Alternance (PUTA, fausseté "droite-gauche" présentée comme l'essence de la démocratie en Europe ou USA)

– etc.

tout cela, d'analyse éthologique agressive toute naturelle, est gommé par la stupidité d'un faux matérialisme qui dévie sur les questions et procédés de production, ce qui est un comble aujourd'hui avec les moyens techniques à disposition de l'humanité, au lieu qu'on attaque directement, en affaires politiques, la question des questions politiques, à savoir la lutte contre des pouvoirs maladivement concentrés.

 

Encore une fois, tout cela s'éclaire infiniment et se démonte comme pesanteurs, encore terriblement actuelles, des pulsions éthologiques primaires. Mais il est clair théoriquement, et limpide expérimentalement, que les clergés et bureaucraties des espèces financière, religieuse classique ou dialectique, tous les employés d'ivrognes de pouvoir à Wall Street ou à la City, chez les anciens coloniaux, chez les héritiers des anciens empereurs à Rome, des anciens tsars à Moscou ou des anciens vautours à Pékin, jusqu'aux plus minables tenanciers de revues vouées aux matraquages et catéchismes bibliques, coraniques, talmudiques, dialectiques ou bouddhiques etc., font et feront tout pour empêcher le débat éthologique d'abord par censure et étouffement, ensuite par tous les crimes possibles et imaginables.

Aux gens de bonne foi il ne reste à clamer que deux incitations :

– chercher à travers les quelques références ci-dessous à mesurer clairement ce que représente l'animalité dans l'humain

– prendre donc au sérieux une affaire qui commande les chances de survie de notre espèce, à l'heure où des cinglés brûlent d'utiliser les folies nucléaires pour, comme toujours par la guerre, détourner l'humanité de l'essentiel : l'équilibre dans la paix.

 

 

 

Pour guider efficacement dans la bibliographie un lecteur attentif et résolu, il faudrait connaître son passé de réflexion et de culture. Cette évidence posée, le plus important demeure qu'on fasse connaissance de l'ouvrage inégalé de K. Lorenz — en s'occupant du travail qu'il a accompli davantage que de son épouvantable itinéraire —. Cet ouvrage est aisément accessible en allemand et en anglais (respectivement Das sogenannte Böse et On Aggression), la traduction française chez la sainte maison d'édition Flammarion étant déplorablement insuffisante.

Il y a certes des foules d'autres textes sur l'éthologie. Ceux voués à l'éthologie intimiste dans ses thèmes familiaux et tendres sont, en matière politique, des égarements à écarter complètement. Les travaux (originaux en allemand) d'Eibl-Eibesfeldt, nombreux et importants, ont souvent de bonnes traductions, françaises entre autres. Ils peuvent beaucoup apporter : mais instruit par l'aventure de son maître Lorenz, et peut-être aussi par inclination propre, Eibl-Eibesfeldt fait preuve de vives réticences à l'abord franc et direct de l'éthologie politique, et préfère souvent des présentations sur l'universalité humaine qui font la part trop belle à des notions vagues ou dangereuses de biodiversité voire sociobiologie.

 

L'auteur du travail ci-dessus a fait ce qu'il a pu pour offrir un tremplin complémentaire. Pour le situer, il y a divers articles parus ces derniers temps, dont au moins

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/contre-kitson-155986

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/otanazie-157656

http://www.mondialisation.ca/comment-les-progressistes-ont-ete-distances-sur-larrierisme-dans-des-domaines-vitaux-du-savoir/5365038

Plus largement et essentiellement, il y a le blog où figurent entre autres

http://effetsetfaits.blogspot.fr/2014/05/actuel-65-pour-lethologie-politique.html

et le numéro 68 des "Actuels" ; mais on doit insister tout particulièrement sur le complément philosophique et historique de ce qu'on vient de lire :

http://effetsetfaits.blogspot.fr/2014/11/fond-7-marxisme-rempart-de-la-reaction.html


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