Proposition de présentation des sondages et de leurs résultats
par Dedalus
vendredi 9 mars 2007
Parce qu’il n’existe pas de sondage sans marge d’erreur, parce que présenter les résultats d’un sondage sans parler de la marge d’erreur est absurde - autant qu’il le serait de sauter d’un avion sans parachute : le saut est sans doute plus fluide, mais en bout de course on s’écrase ! -, je propose ici une présentation simple et graphique des résultats d’un sondage afin notamment de suppléer à la paresse, sinon à l’escroquerie intellectuelle des instituts de sondages et des médias qui ne prennent jamais cette peine.
J’ai retenu pour ce faire les résultats du dernier sondage réalisé par l’Institut LH2, commandité par RMC, BFM TV et 20 Minutes, et réalisé les 2 et 3 mars dernier sur un échantillon de 1004 personnes - 15 % d’entre elles n’ayant pas exprimé d’intentions de vote. J’ai retenu une marge d’erreur de 4% (en plus et en moins, soit 8% au total), ce qui correspond à la valeur usuellement constatée par les spécialistes pour ce type de sondage (méthode des quotas) avec un intervalle de confiance à 95% (ce qui signifie que dans 5% des cas la valeur réelle se situe en dehors de l’intervalle mesuré par le sondage). Sachant que la marge d’erreur de 4% ne peut s’appliquer aux petites valeurs, je n’ai retenu pour le graphique de premier tour que les quatre candidats pour lesquels les résultats du sondage sont significatifs.
Notons que si les instituts de sondage explicitaient les méthodes statistiques qu’ils utilisent pour redresser les données brutes qu’ils recueillent (ce qu’ils ne feront surtout pas - en tout cas de leur plein gré - tant cela faciliterait la remise en cause de la pertinence desdites méthodes), il serait possible d’affiner la présentation qui suit, notamment en appliquant une marge d’erreur calculée pour chacun des candidats.
Enfin, soulignons que cette présentation n’est en aucun cas un cautionnement de ma part des résultats du sondage retenu pour l’exemple, ni d’ailleurs d’aucun autre, tant sont nombreux les doutes qui persistent quant à d’éventuels tripatouillages des chiffres qui sont en fin de compte livrés en pâture à l’opinion - sans revenir sur ceux qui pèsent sur les méthodes évoquées ci-dessus (redressement, comptabilisation des non réponses, utilisation de la classification en CSP, extrapolation du passé, etc.). Doutes qui génèrent de plus en plus une rebellion citoyenne qu’il convient d’amplifier, les électeurs ayant de plus en plus le sentiment d’être menés en bateau par les sondages, lesquels par leur surabondance confisquent un débat nécessaire, et par les mensonges qu’ils génèrent à outrance confisquent finalement l’élection elle-même.
On peut sur ce graphique, et par exemple, constater combien à partir d’une telle présentation en intervalle de confiance un second tour Bayrou-Royal est une éventualité que les électeurs ne devraient pas exclure au moment de voter "pour de vrai". Dit autrement, une telle présentation des sondages réalisés dans les semaines qui ont précédé le 21 avril 2002 auraient sans doute alerté les électeurs sur la probabilité d’un second tour excluant Jospin au profit de Le Pen. On peut supposer, sans pour autant l’affirmer, que les résultats du premier tour, et finalement celui de l’élection elle-même, en auraient peut-être été modifiés. Du moins les électeurs se seraient-ils rendus aux urnes davantage en connaissance de cause - niveau de connaissance auxquels sont censés contribuer les sondages pré-électoraux, plutôt que de nous tromper par des présentations tronqués de leurs résultats.
Ne disposant que d’un sondage de second tour concernant une opposition Royal-Sarkozy [sic !], c’est sur cette base et uniquement celle-là qu’il m’est possible de proposer une présentation en intervalle de confiance :
On constate ici que les choses sont nettement plus nuancées que ce qui ressort des présentations qui nous sont rabâchées sur le thème si le second tour avait lieu aujourd’hui, M.Sarkozy l’emporterait sur Mme Royal. Pour le moins devrait-on entendre que si le premier tour avait lieu aujourd’hui, et compte tenu que 15% des sondés n’ont pas exprimé d’intention de vote, la probabilité d’une victoire de M. Sarkozy sur Mme Royal est importante sans toutefois écarter, loin s’en faut, l’hypothèse d’un résultat inverse. En complément d’information, rappelons que le premier tour ne s’est pas encore déroulé, ni même tous les débats de la campagne électorale qui précèdera ce premier tour et nous informera de plus en plus sur les programmes des candidats et ce qui les différencie. Du moins faut-il l’espérer pour la bonne santé de notre démocratie. Par exemple...
C’est sans doute un peu plus long et un peu plus évasif, mais ça ressemblerait davantage au travail sérieux auquel tout journaliste ayant un minimum de professionnalisme devrait s’astreindre et auquel les électeurs que nous sommes sont en droit de s’attendre.