Prudence dans les pāturages d’estive

par Fergus
mercredi 17 mai 2023

Parcourir les espaces verts des pâturages d’estive est une réelle source de plaisir, quiconque pratique la randonnée en conviendra. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si nombre d’itinéraires balisés les traversent, notamment dans les régions de montagne. Encore faut-il aborder ces lieux de quiétude apparente avec lucidité et prudence : il ne faut en effet pas se fier à l’air débonnaire des bovins qui ont pris là leurs quartiers d’été...

Estive du Cirque de Troumouse (65)

« Par sa contribution à la production, à l'emploi, à l'entretien des sols et à la protection des paysages, l'agriculture de montagne est reconnue d'intérêt général comme activité de base de la vie montagnarde », affirme l’article L113-1 du Code rural. Une reconnaissance justifiée dont nous bénéficions tous, que ce soit par l’apport de l’élevage à notre alimentation (en dépit de l’activisme déployé depuis des années par des militants végans), ou par la sauvegarde d’un cadre de vie ancestral séduisant où nous prenons plaisir à évoluer, voire à nous ressourcer durant nos périodes de congés.

Encore faut-il avoir conscience que l’on traverse des espaces privés dont les exploitants agricoles sont propriétaires ou pour lesquels ils paient une redevance à d’autres propriétaires, qu’il s’agisse de personnes privées ou de collectivités locales. À charge pour ces exploitants de les entretenir. À charge pour nous de les respecter. Et cela ne vaut pas seulement pour les clôtures ou pour les aménagements de franchissement. Mais également pour les troupeaux de bovins qui colonisent les pâturages d’estive et dont il convient de se tenir à distance, notamment en présence de taureaux ou de mères de veaux nouveau-nés.

Beaucoup de promeneurs, et même de nombreux randonneurs, l’ignorent : les exploitants des pâturages d’estive ne sont tenus à aucune obligation concernant la sécurité de celles et ceux qui les traversent, en l’occurrence sous leur propre responsabilité. Tout au plus peut-on lire ici et là, lors d’un franchissement de clôture, un conseil de prudence, parfois illustré par un dessin de taureau fulminant ; un conseil placardé par un éleveur scrupuleux, préoccupé par l’inconscience manifeste de certains marcheurs sûrs d’eux-mêmes alors qu’ils sont bien peu connaisseurs du comportement des animaux dans les estives.

Il arrive que des paysans aillent plus loin en opposant une interdiction de franchissement aux randonneurs. Mais ils sont dans l’illégalité dans la mesure où le droit français pose en principe la « libre circulation dans les espaces forestiers et agricoles ». Certes, « tout propriétaire peut clore son héritage », nous dit l’article 647 du Code civil. Mais « le fait d’escalader une clôture ne constitue pas une violation de domicile si l’espace concerné n’en constitue pas un », précise la jurisprudence, ce qui est le cas des terres agricoles, dès lors que la circulation des marcheurs se fait sans préjudice pour les cultures ou le bétail.

En règle générale, il n’y a pas lieu d’être en alarme lorsqu’on pénètre dans des pâturages où paissent des bovins. D’autant moins s’il s’agit de troupeaux de races mélangées car ils ne comportent pratiquement jamais de taureaux. Tel n’est, en revanche, pas le cas des troupeaux de race homogène au sein desquels un taureau est en général présent. Et mieux vaut ne pas s’en approcher, surtout s’il commence à agiter l’encolure ou à gratter le sol en des gestes d’intimidation à prendre très au sérieux. Pour ne pas l’avoir compris, il est arrivé que des randonneurs aient été grièvement blessés, par chance très rarement.

Plus que les taureaux, ce sont surtout les vaches allaitantes qui présentent un danger, pour peu que l’on s’approche de leurs veaux. Elles peuvent alors se montrer très agressives et, le cas échéant, charger les intrus. Un danger notablement accru si l’on se promène avec un chien, considéré par les bovins comme une menace. D’où la nécessité – valable en toutes circonstances – de passer au large, tout particulièrement dans les estives peu fréquentées par les randonneurs où les animaux sont, de ce fait, peu habitués à voir des personnes traverser leur territoire.

Mais tout cela est une question de bon sens, et pour peu que l’on soit respectueux des pâturages et de leurs ruminants, il n’y a pas de raison pour que l’on ne puisse pas profiter pleinement du son des clarines et du chant des passereaux, ponctué de temps à autre par le cri strident d’un rapace.


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