Quand Beppe Grillo tombe le masque

par Fab81
vendredi 13 juin 2014

Promesses de démocratie directe, de lutte contre la corruption, de renouvellement radical des pratiques et de la classe politiques... Aux yeux de beaucoup, le Mouvement 5 étoiles a pu représenter un espoir, une source potentielle d'inspiration pour la France. Qui se risquait à pointer les ambiguïtés du mouvement s'exposait aux quolibets des citoyens lassés, à juste titre, des jeux stériles de l'oligarchie. Aujourd'hui, pourtant, on n'entend plus guère les admirateurs français de l'ancien comique. Et cela se comprend : la cause de Beppe Grillo, qui a montré son vrai visage, autoritaire, réactionnaire et opportuniste est devenue bien difficile à défendre.

On s'en voudrait de défendre l'oligarchie politique dont Beppe Grillo est un ennemi déclaré. Mais doit-on tout accepter, tout cautionner, au nom de la lutte contre cet adversaire haïssable à bien des égards ? Beppe Grillo semblait fruit de l'accouplement baroque de Coluche et de Jean-Marie Le Pen. Margaret Thatcher est désormais de la partie. Les élus du Mouvement 5 étoiles siégeront en effet au parlement européen avec les amis de Nigel Farage, admirateur déclaré de la dame de fer, qui trouve que les Tories prennent trop de libertés avec son héritage...

Mariage de raison entre adversaires de l'Union Européenne, Grillo ne s'est pas converti à l'ultra-libéralisme de l'UKIP, diront certains ? On observera simplement que les grillinistes seront bien seuls au sein du groupe, notoirement positionné à la droite de la droite, à prôner ce "ni droite-ni gauche" que revendique chez nous Marine Le Pen. L'enjeu était simplement dit Grillo, de bénéficier des avantages matériels d'un groupe parlementaire. Mais qu'est-ce qui aurait alors empêché le Mouvement 5 étoiles d'exprimer son euroscepticisme au sein d'un groupe moins réactionnaire ? Certains partisans du médiatique agitateur souhaitaient ainsi rejoindre le groupe Verts. En dépit de leur européisme, les écologistes ont ainsi par le passé déjà accueilli des forces eurosceptiques. Cette solution n'a pas eu les faveurs de Grillo. Elle n'a même pas été proposée aux suffrages des partisans du mouvement, priés de choisir entre le groupe de Farage, l'ECR (où siègent les conservateurs britanniques et la droite réac polonaise...) et les non-inscrits. Préférez-vous qu'on vous coupe une jambe, qu'on vous coupe un bras, ou qu'on vous coupe les parties... ?

Grillo s'est ainsi évité d'être désavoué, comme il l'avait été sur l'immigration. Évitons de laisser au peuple la possibilité de faire le " mauvais choix". Les mêmes qui s'indignent, à raison que le verdict du référendum de 2005 ait été bafoué viendront le défendre becs et ongles. Allez comprendre... Il faut dire qu'au Mouvement 5 étoiles, Grillo a toujours raison. Les nombreux contestataires exclus du mouvement ont payé pour le savoir. Le parti réussit ainsi l'exploit d'être encore plus autoritaire que le FN, où certains ont pu sans dommage critiquer le peu de zèle manifesté par Marine Le Pen dans la lutte contre le mariage pour tous. Pas mal pour une formation supposée incarner la démocratie directe...

Quand un nombre significatif de parlementaires quittent un parti, cela interpellerait n'importe quel dirigeant politique. Pas Grillo, bien content d'être débarrassé de "traîtres" se comptant par dizaines d'élus. Le Mouvement 5 étoiles tel qu'il est actuellement dirigé par ce triste sire est loin d'être un adversaire du système. Par ses errements, il contribue à détourner et stériliser la colère populaire. Au bout du compte, il finit par renforcer cette vieille classe politique qu'il prétend combattre. J'en veux pour preuve le résultat des européennes en Italie, où Grillo n'a pas su empêcher le succès de Mattéo Renzi, sorte de Tony Blair italien adulé par les médias. Le combat contre l'oligarchie, décidément, mérite mieux qu'un Beppe Grillo.


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